*Responsable du Centre de référence des Maladies neuromusculaires et de la SLA à l'AP-HM (hôpitaux de Marseille).
Q : Quels sont les principaux symptômes de la maladie ?
Shahram Attarian : La sclérose latérale amyotrophique, plus communément appelée Maladie de Charcot, touche 5 000 à 6 000 personnes en France, environ 50 000 en Europe et aux États-Unis. Elle se caractérise par une perte de poids, une fonte musculaire, un déficit moteur progressif (une paralysie musculaire qui touche progressivement les mains, les membres supérieurs puis inférieurs) et des troubles de la coordination. Elle atteint également la faculté de parler et de respirer et entraîne un syndrome dépressif. La maladie peut être détectée au bout de deux ou cinq ans, plus rarement au bout de dix ans. À un stade avancé, la personne perd peu à peu ses capacités à s'alimenter et nécessite une assistance respiratoire. Cette maladie touche principalement les hommes entre 40 et 50 ans, souvent très actifs, avec une activité physique importante.
Q : Comment s'exprime la maladie au niveau du métabolisme ? Quelles en sont les causes ?
SA : L'apparition de la maladie serait multifactorielle. À ce jour, nous n'avons pas encore identifié de facteur déclenchant mais nous avons plusieurs hypothèses : la génétique (5 à 10%), le stress environnemental, le stress physique et certains métiers exposés à des substances toxiques tels que les pesticides dans le milieu agricole. Rien n'est encore validé. Au niveau du métabolisme, il apparaît un stress cellulaire, des processus inflammatoires chroniques et un dépôt de protéines neurotoxiques qui attaquent les cellules nerveuses et entraînent la dégénérescence neuronale.
Q : Existe-t-il des traitements ?
SA : Nous avons un premier traitement, développé il y a plusieurs années, le RILUTEK (riluzole), mais son efficacité est assez médiocre. Nous attendons des avancées prometteuses : une biotech française, AB Science, a développé une molécule intéressante, le Masitinib, qui aurait un effet neuro-protecteur et ralentirait la neuro-dégénérescence. Une société japonaise a développé une autre molécule, l'Eravadone. Pour cette dernière, nous avons demandé les autorisations temporaires d'utilisation pour commencer à traiter les patients en France.
Q : Quelles sont les avancées au niveau de la recherche ?
SA : Elles concernent l'imagerie, la génétique et les modèles expérimentaux. Les avancées au niveau de l'imagerie permettent d'espérer un meilleur diagnostic et un meilleur suivi des patients. Au niveau de la connaissance de la maladie, nous comprenons de mieux en mieux le dysfonctionnement du métabolisme et pouvons espérer aboutir prochainement à des traitements cibles. Une recherche collaborative nationale portant sur l'étude des facteurs prédictifs de l'évolutivité de la Sclérose latérale amyotrophique (étude PULSE), première en Europe d'une telle ampleur, va permettre de compléter les banques de données cliniques avec la création de bases d'échantillons biologiques, génétiques, électro physiologiques et d'imagerie.
Q : Qu'en est-il de la prise en charge des patients ?
SA : Ces dernières années, la prise en charge symptomatique s'est nettement améliorée grâce à la création des centres de référence. Nous avons homogénéisé cette prise en charge au niveau national et créé des réseaux européens et des centres d'excellence tels que DHUNE. Nous avons également créé des groupes de travaux sur la nutrition, la rééducation la psychologie, la recherche, l'accompagnement…
Q : Quels sont les essais thérapeutiques en cours et à venir au sein de votre service ?
SA : Nous avons actuellement un essai thérapeutique en phase finale sur une molécule activatrice de la troponine musculaire dont nous attendons les résultats pour fin 2017. Deux autres essais cliniques vont débuter entre juin et septembre 2017 sur des molécules permettant de neutraliser les médiateurs intervenant dans l'agression l'inflammatoire des cellules.
Q : Quelles sont, selon vous, les pistes qui n'ont pas été suffisamment explorées pour apporter des solutions ?
SA : Nous ne connaissons pas suffisamment l'épidémiologie de la SLA et les facteurs environnementaux. Nous devons mieux étudier les causes génétiques et épigénétiques, approfondir notre connaissance du fonctionnement des protéines toxiques, proposer des traitements qui interrompent la production de ces protéines inflammatoires... Et améliorer les moyens qui permettront de détecter la maladie à un stade précoce, tout en continuant à développer l'imagerie à haute résolution.
Q : Quelles sont les priorités de demain ?
SA : Mieux diagnostiquer la maladie, le plus rapidement possible et de manière non invasive (imagerie, dosages sanguins). Continuer d'améliorer la prise en charge physique, psychique et sociale des patients ; mieux faire reconnaître cette pathologie par les autorités, mais aussi développer les soins de suite et de réadaptation post hospitalisation, avoir plus de lits... Nous devons également améliorer le quotidien et l'accompagnement des familles, continuer la recherche, trouver des biomarqueurs pertinents, améliorer la connaissance de cette maladie pour développer les médicaments qui stopperont la toxicité.
Q : Que conseillez-vous aujourd'hui aux personnes atteintes et à leur famille ?
SA : Nous recommandons aux patients d'être suivis dans des centres experts. Il est important qu'ils gardent le moral car la dépression est un facteur de gravité. Il faut rester un acteur actif et se battre le plus longtemps possible, avec les conseils qu'on peut donner au niveau de l'alimentation et de la rééducation. En PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur), nous avons la chance d'avoir un réseau actif qui propose des visites à domicile, aide les patients dans leurs démarches sociales et administratives et prend en charge financièrement une partie des soins de psychothérapie. Nous allons également démarrer l'éducation thérapeutique en septembre 2017.
Q : Quelles sont les prochaines journées d'informations ou les actualités sur la SLA ?
SA : À Marseille, dans le cadre du programme DHUNE, nous organisons les 29 et 30 juin 2017 deux journées nationales de travail rassemblant experts, chercheurs et cliniciens. En février ou mars 2018, nous organiserons par ailleurs une journée d'information dédiée au grand public.
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