* Nicolas Bissardon est coordinateur du salon handi2day
Handicap.fr : Le concept du salon handi2day, c'est un recrutement « dématérialisé ». Comment ça se passe ?
Nicolas Bissardon : Les candidats en situation de handicap peuvent dès à présent s'inscrire en ligne sur le site dédié (en lien ci-dessous) en envoyant leur CV à notre centaine d'entreprises partenaires. Les 750 recruteurs qui sont derrière leur écran présélectionnent les profils qui les intéressent et leur fixent un RV téléphonique. Pour cette session d'automne (le salon a également lieu en avril), les entretiens se dérouleront du 27 au 30 octobre 2015.
H.fr : Et pas d'appel en visio ?
NB : Non, pour rendre l'outil plus souple, notamment pour les candidats qui seraient déjà en poste dans une autre société.
H.fr : Pourquoi un salon en ligne ? Est-ce un avantage en termes de mobilité pour des candidats handicapés qui ont des difficultés à se déplacer ?
NB : Oui mais pas seulement. C'est un outil appréciable pour tous ceux qui sont éloignés des grandes villes. Il n'est donc pas seulement question de compenser un handicap mais aussi de libérer les candidats des contraintes de la distance, par exemple en leur permettant de postuler à des emplois loin de chez eux puisque ce salon a une couverture nationale.
H.fr : Quel est le bénéfice pour les employeurs ?
NB : La dématérialisation des contraintes permet aux chargés de recrutement d'avoir un lien direct avec les candidats. D'ordinaire, sur les salons, ce sont les missions handicap qui se déplacent mais elles ne sont pas décisionnaires et doivent donc faire remonter les CV collectés jusqu'aux recruteurs. Un salon comme handi2day permet de traiter en direct ; on n'a pas trouvé plus court chemin entre candidats et employeurs !
H.fr : Mais, dans un second temps, il ne remplace pas la rencontre ?
NB : Non, bien sûr, il permet seulement d'opérer une première sélection. Après l'appel, si le profil convient, un entretien en face à face est programmé dans les jours ou les semaines qui suivent selon le process de recrutement. En général, lorsqu'on a passé la première étape, ça sent très bon !
H.fr : Un entretien par téléphone ou par tchat, c'est très impersonnel…
NB : Au contraire, on a remarqué que ce système permettait de se concentrer sur les compétences sans se focaliser sur l'apparence ou le handicap ; les recruteurs ne se laissent pas déborder par leurs préjugés et les candidats s'avèrent plus à l'aise qu'en face à face.
H.fr : A quel type de candidat s'adresse ce salon ?
NB : A toute personne qui a un projet professionnel, peu importe sa qualification. Pour la centaine d'entreprises présentes, tous les niveaux sont recherchés, même si deux candidats sur trois ont déjà une expérience professionnelle et un sur deux un niveau bac +2.
H.fr : Il faut obligatoirement avoir une reconnaissance qualité travailleur handicapé (RQTH) pour déposer son CV ?
NB : Oui, ou en cours de demande. Mais il n'y a pas de limite d'âge inférieure puisque certaines entreprises proposent également des stages, de l'alternance. On y trouve tous types de contrat, y compris de l'intérim.
H.fr : Sur 45 000 candidatures environ à chaque édition, combien se soldent par une embauche ?
NB : Environ 1 000 par an. Mais, attention, ça ne veut pas dire 45 000 candidats puisque chacun peut postuler à plusieurs offres. Au total, nous accompagnons plus de 70 000 personnes mais toutes ne participent pas à chaque édition puisque certaines sont déjà en emploi, notamment grâce à notre salon.
H.fr : Ce ratio d'embauche vous semble donc satisfaisant ?
NB : Oui, bien sûr. Et nous ne sommes pas les seuls à le penser. Les signes les plus encourageants, ce sont notre essor au cours de ces cinq dernières années, l'invitation à témoigner de François Hollande lors de la Conférence nationale du handicap en décembre 2014 à l'Elysée, le partenariat actif avec Pôle emploi et l'Agefiph et d'autres ministères que celui en charge du handicap. C'est le seul évènement de recrutement qui bénéficie d'un soutien aussi large.
H.fr : Vous rassemblez surtout de grandes entreprises ; ce concept peut-il également être viable pour les milliers de petites entreprises françaises ?
NB : Evidemment. En 2015, nous avons même ouvert un « village PME », qui rassemble 50 entreprises. Soutenu par Klésia, il permet d'offrir aux petites sociétés, et même à celles de moins de 20 salariés qui ne sont pas soumises à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés, la possibilité d'accéder aux mêmes outils de recrutement que ceux des grands groupes. On remarque d'ailleurs que le taux d'embauche des PME sur handi2day est supérieur à celui des grosses structures.
H.fr : Quel secteur mériterait d'être amélioré ?
NB : Les fonctions publiques, notamment territoriale et hospitalière, qui peinent encore à se mobiliser.
H.fr : Pôle emploi est l'un de vos partenaires ; de quelle manière s'implique-t-il et peut-il accompagner les chercheurs d'emploi handicapés ?
NB : Avec le soutien de l'Agefiph, Pôle emploi adresse des invitations aux demandeurs d'emploi handicapés qu'il suit. Par ailleurs, le 26 octobre 2015, il mobilise une cinquantaine de conseillers pour accompagner, toujours par téléphone, toutes leurs demandes et leur donner des conseils sur la recherche d'emploi. Cette opération s'adresse à tous les candidats inscrits sur handi2day, même ceux qui ne sont pas chez Pôle emploi.
H.fr : Avez-vous une longueur d'avance sur les techniques de recrutement de demain, pour tous ?
NB : C'est évidemment dans l'air du temps et une telle innovation est duplicable à toutes les populations ; c'est un vrai gain de temps pour les candidats ultra-connectés.
H.fr : Vous êtes même en mesure de décliner le concept handi2day à la carte ?
NB : Oui, il est possible d'organiser ce type de salon du recrutement pour un groupe ou un secteur d'activité. C'est très efficace car cela permet de mieux cibler les candidatures. Cinq sociétés nous ont déjà fait confiance, comme la SNCF ou Cetelem…
H.fr : Les grands medias, y compris business, s'intéressent de plus en plus à cet évènement. Ce n'était pourtant pas gagné au départ ; êtes-vous surpris par cet intérêt ?
NB : handi2day est passé dans trois JT de 13h et a été relayé par pratiquement tous les titres, radios et télé nationaux. C'est assez unique pour un évènement consacré aux personnes handicapées ! Cette médiatisation témoigne d'une ouverture d'esprit encourageante et laisse entendre que handicap n'est pas seulement synonyme de caritatif ou de militantisme et peut nourrir des actions innovantes qui font bouger l'ensemble de la société.
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