Sovaldi®, médicament utilisé pour soigner l'hépatite C chronique, a été vendu 41 000 euros pour 3 mois de traitement à l'Assurance maladie, quand son coût marginal de fabrication est estimé entre 75 et 100 euros. Plusieurs traitements, notamment contre le cancer, connaissent ainsi des hausses de prix spectaculaires et injustifiées, parfois liées à la détention de brevets par des firmes internationales capables d'imposer un prix élevé, y compris pour des molécules déjà présentes sur le marché.
Réactions, actions !
Cette flambée des prix des médicaments innovants suscite de nombreuses réactions. Il y a quelques mois, Médecins du Monde lançait une campagne pour dénoncer les abus des laboratoires en la matière. C'est aussi le mantra de l'association l'AFM-Téléthon qui, par le biais de ses propres recherches, veut « sécuriser » l'accès des patients aux médicaments innovants à un prix « juste et maîtrisé ». « Dans le champ des maladies rares on voit des niveaux de prix exorbitants, et par conséquent non assumables par la collectivité », expliquait Jean-Pierre Gaspard, directeur général de l'association.
Le CESE alerte !
À l'occasion de la réunion du G7 des ministres de la santé à Kobé (Japon) en septembre 2016, notre ministre de la Santé, Marisol Touraine, a souhaité alerter ses homologues de l'urgence à coopérer face aux défis que pose à nos systèmes de santé le prix élevé de ces innovations de rupture. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) réaffirme à son tour le besoin de nouvelles règles, plus transparentes. C'est ainsi que le 25 janvier 2017, il a rendu à la ministre son « avis » sur les « Prix et accès aux traitements médicamenteux innovants » qui s'attache à distinguer les domaines qui doivent faire l'objet d'une régulation internationale de ceux qui peuvent être traités dans le cadre national pour faire émerger des solutions facilitant l'accès pour tous à l'innovation.
Des impacts financiers à venir
Les tarifs pratiqués par les industriels sur certains produits ne sont pas compatibles avec l'enveloppe budgétaire disponible, engendrant le risque de devoir « sélectionner » les malades à qui ils seront prescrits. Face à ces constats, le CESE recommande de mettre en place rapidement des études sur l'impact financier des traitements innovants dans la décennie à venir, qui pourraient s'intégrer dans le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il constate que le problème majeur du coût de ces produits vient du fait qu'il a été fixé alors que le médicament n'a pas été évalué en conditions de vie réelle et surtout au moment où les innovations étaient relativement rares. Il n'a donc pas été pensé pour s'adapter aux conditions dans lesquelles les médicaments innovants arrivent aujourd'hui en nombre sur le marché.
Plus de transparence
Les laboratoires sont par ailleurs invités à plus de transparence ; pour cela, le CESE encourage la représentation des citoyens au sein des instances d'évaluation et de fixation des prix. « Dans tous les pays où les représentants des usagers siègent dans les conseils de régulation, les prix des médicaments baissent », observe Christian Saout, coauteur de cet avis, cité par Le Monde. « On ne nie pas l'intérêt d'avoir une marge (de bénéfice) mais on considère qu'elle doit être raisonnable en étant basée sur la transparence des coûts », ajoute Jean-Pierre Gaspard. L'Assemblée nationale se dit également favorable à une représentation du Conseil des caisses d'assurance maladie au Conseil de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), à la Commission de la Transparence de la Haute autorité de santé (HAS) et à la Commission nationale d'évaluation des médicaments et des dispositifs médicaux (Cnedimts).
L'union (européenne) fait la force
Enfin, la transparence des prix négociés doit progresser grâce à une meilleure coordination des méthodes d'évaluation au niveau européen ; le CESE propose ainsi de renforcer l'échange d'informations entre pays membres. Sur le plan international, le France a demandé à l'Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE) de réaliser une étude diagnostique pour évaluer la soutenabilité des dépenses pharmaceutiques à moyen terme et de réunir des experts de haut niveau pour formuler des propositions. Indispensable à la survie de nos systèmes de protection sociale ? L'avis du CESE, somme toute « mesuré », semble pourtant inquiéter les industriels qui redoutent de voir les questions de santé s'inviter dans la présidentielle. Ce sujet a d'ailleurs été abordé par Benoit Hamon lors du débat télévisé de la primaire de la gauche du 19 janvier. Il y dénonçait les « prix scandaleux demandés par certains industriels » et menaçait de « recourir à la licence d'office » pour les labos qui refusaient « d'entendre raison ».