« Prière de toucher ». Voilà qu'une exposition culturelle va à l'encontre de la consigne générale, souvent répétée aux enfants, à savoir ne pas toucher les œuvres exposées. En effet, le musée des Beaux-arts de Rouen (Seine-Maritime) accueille « L'art et la matière, prière de toucher », un projet itinérant lancé en 2019 à Montpellier, en partenariat avec le musée du Louvre et en collaboration avec des personnes en situation de handicap visuel. L'idée ? Proposer de découvrir des sculptures uniquement grâce au toucher. L'expérience doit non seulement offrir une autre approche artistique (article en lien ci-dessous), en révélant des émotions sensorielles nouvelles, mais aussi permettre d'éveiller les consciences sur le handicap visuel (article en lien ci-dessous).
En collaboration avec des personnes malvoyantes
« En questionnant la place du regard, la cécité apparait ici comme un atout et non un problème, stimulant une approche sensorielle, émotionnelle, une façon de vivre qui célèbre l'esprit d'invention, la créativité et l'imagination », explique Hannah Thompson, universitaire britannique, auteure de la théorie « Blindness gain » (en français, les bénéfices de la cécité). Pour rendre l'immersion totale et inclusive, plusieurs associations de personnes aveugles et malvoyantes ont apporté leur expertise sur le sujet. Ouverte à tous, cette exposition rouennaise donne à toucher des reproductions d'œuvres de l'Antiquité au XXe siècle, fournies par les cinq musées des Beaux-arts français (Lyon, Nantes, Lille, Rouen et Bordeaux) qui ont tour à tour participé au projet initié en 2019 par le musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole. L'expérience se divise en quatre temps, « Voir autrement », « Voir avec son corps », « Prière de toucher » et « L'atelier du sculpteur ».
Une expérience les yeux bandés
Le visiteur déambule à travers ces quatre modules les yeux bandés, guidé dans sa découverte tactile grâce à un audioguide. Tous les autres sens sont mis en éveil. Dans l'atelier du sculpteur, c'est le travail de la matière, en amont de l'œuvre, qui est mis en avant. Les bruits de l'atelier sont reproduits, ses odeurs, celle de la vieille pierre, les textures, celle de la terre mouillée ou de la fonte et les différents matériaux de fabrication qui sont offerts à la paume des mains. Ludique et immersive, cette expérience tactile entend également lever la « frustration des visiteurs qui ont souvent le réflexe de toucher les œuvres alors que leur bonne conservation nécessite des mesures de sécurité strictes » et de « rendre le musée accessible aux enfants (..) car toucher les aide à se concentrer » (article en lien ci-dessous).
S'il reste original, ce projet n'a toutefois rien d'inédit. Depuis une quinzaine d'années, et notamment depuis l'adoption de la loi handicap en 2005, les musées français ont l'obligation d'ouvrir des accueils spécialisés et des visites accessibles aux personnes en situation de handicap. Au Louvre, une galerie tactile a vu le jour en 1995 dans l'espace du département des sculptures. Le Grand Palais dispose également d'une galerie tactile et accompagne l'ensemble de ses œuvres exposées d'un parcours dédié aux personnes non et malvoyantes avec des supports thermobulles.
En pratique
L'exposition se visite tous les jours de 10h à 17h45, sauf les mardis, du 26 mars au 18 septembre 2022, au musée des Beaux-arts de Rouen.