Il a fallu attendre huit mois après la date limite de dépôt des agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) pour que le décret précisant les sanctions et la procédure que devront suivre les autorités pour contrôler la mise aux normes d'accessibilités des ERP (Etablissements recevant du public) soit publié. C'est chose faite depuis le 11 mai 2016 pour celui qui porte le n°2016-578 (publication au Journal officiel le 13 mai). « Ce dernier texte doit inciter ceux qui ne se sont toujours pas signalés à entrer dans les Ad'AP, en déposant soit un agenda, soit une attestation d'accessibilité, explique la délégation ministérielle à l'accessibilité en mai 2016. C'est maintenant une majorité des ERP qui respectent leurs obligations mais nous ne pouvons nous arrêter là. » Les préfets avaient été remobilisés en ce sens début mars mais tous attendaient la parution de ce décret-sanction, qui tardait à venir.
Encore un peu de lest
Ce texte confirme la stratégie de l'incitation plutôt que de la répression choisie par les pouvoirs publics. En d'autres termes, la carotte plutôt que le bâton pour les ERP qui peinent à rendre leur établissement accessible aux personnes handicapées. En effet, il accorde encore un peu de lest aux contrevenants puisqu'ils recevront deux courriers d'avertissement avant la « douloureuse ». Une nouvelle rallonge appréciable puisqu'ils étaient tenus de se mettre initialement aux normes le 1er janvier 2015 puis, dans un second temps, de remettre leur Ad'AP (calendrier de programmation de travaux) au plus tard le 27 septembre de la même année. Les retardataires n'ont pourtant jamais été sanctionnés puisque les dossiers déposés après la date buttoir ont tout de même été instruits. Cette souplesse manifeste a visiblement permis à certains de prendre les choses à la légère puisqu'en mars 2016 un quart du million d'ERP français, soit 250 000, n'étaient toujours pas entrés dans la démarche (article en lien ci-dessous). La parution de ce décret les incitera-t-il à s'en donner la peine ?
Quelles pénalités ?
Voici la procédure. Ils recevront un premier courrier en recommandé avec AR leur demandant de justifier le fait que leur établissement est accessible ou a déposé un Ad'AP. Dans un délai d'un mois, l'établissement doit produire les différents justificatifs ou bien s'engager à déposer l'Ad'AP dans un délai maximal de six mois. Si l'exploitant ne répond pas ou si son dossier ne satisfait pas les autorités compétentes, il reçoit un second courrier qui le met en demeure de produire les justificatifs dans un délai de 2 mois. Faute de quoi, les amendes s'appliqueront, à savoir entre 1 500 € et 5 000 € selon la catégorie de l'établissement.
Constat de carence pour ceux qui ont déposé leur Ad'AP
Mais ceux qui ont déposé leur Ad'AP ne sont pas épargnés pour autant puisque ce décret précise également la procédure de « constat de carence » qui peut être lancée en l'absence de tout commencement d'exécution de l'Ad'AP, en cas de retard important dans ses engagements de travaux ou lorsque, au terme de l'échéancier, ils n'ont pas été tenus. Le Préfet initiera cette procédure par l'envoi d'un recommandé motivant les faits et les sanctions encourues au responsable de l'établissement, qui dispose d'un délai de 3 mois pour répondre. La commission d'accessibilité sera consultée sur le montant de la sanction, qui pourra aller jusqu'à l'abrogation de la décision approuvant l'Ad'AP si aucun travaux n'a été engagé ou une sanction financière en cas de non-respect de l'échéancier (comprise entre 5% et 20% du montant des travaux restant à réaliser, avec néanmoins certains plafonds définis par l'article L. 111-7-11 du Code de la construction et de l'habitation (en lien ci-dessous)). Par ailleurs, est puni d'une amende de 1 500 € le fait, par exemple, de produire une attestation d'accessibilité non conforme, une attestation d'achèvement établie par une personne autre que celles prévues ou qui n'est pas accompagnée de toutes pièces justifiant la réalisation des travaux et actions prévus par l'agenda.
Devant le tribunal pénal
Enfin, ceux qui ne sont encore rentrés dans la démarche prennent également le risque d'être poursuivis devant un tribunal pénal suite à la plainte d'un particulier ; ils pourraient alors écoper d'une amende pouvant aller jusqu'à 45 000 € pour une personne physique ou 225 000 pour une personne morale.
Un décret pour les transports aussi
A noter que, de son côté, le décret n°2016-529 du 27 avril 2016 (publié au Journal officiel le 30 avril) définit lui aussi les « contrôles et aux sanctions applicables aux schémas directeurs d'accessibilité - agendas d'accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des transports publics de voyageurs ». Avec la parution de ces deux décrets, le dispositif Ad'AP possède maintenant un cadre réglementaire complet. Complet mais patient… La FNATH (Association des accidentés de la vie) déplore que « le nombre d'établissements recevant du public qui restent à ce jour inaccessibles et ne sont pas rentrés dans la démarche des agendas d'accessibilité programmée pénalise dans leur vie quotidienne et dans leurs déplacements les personnes handicapées. » Même si ce nouveau délai ne satisfait évidemment pas les personnes concernées, il a au moins le mérite de siffler la fin de la partie pour tous les récalcitrants qui avaient décidé de faire la sourde oreille.
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