Les risques environnementaux ont-ils un impact dans la survenue de la schizophrénie ? Les avancées scientifiques récentes tendent à l'affirmer. Plusieurs facteurs sont associés à un risque accru de développer la maladie, parmi lesquels la migration, le fait d'être né en ville, né en hiver, d'être l'ainé de sa fratrie ou encore un âge paternel avancé.
Des trajectoires variées
Une équipe de recherche membre de la Fondation FondaMental (15 Inserm U955, Hôpitaux Universitaires Henri Mondor) s'est intéressée à une hypothèse alternative selon laquelle certains facteurs environnementaux pourraient être associés à des trajectoires délétères (néfastes) mais également à des trajectoires favorables : on parle alors de facteurs de variabilité, en les distinguant de la notion, trop réductrice, de facteur de risque. Les résultats de cette étude inédite viennent d'être publiés dans Scientific Reports*. Pour explorer cette piste, les chercheurs ont étudié un échantillon de population caractérisé par sa réussite sociale exceptionnelle, souvent jugée contraire à la situation des personnes schizophrènes. En effet, la réussite sociale nécessite une bonne compréhension de la réalité, des capacités cognitives et sociales remarquables, ainsi qu'une flexibilité et une motivation importantes ; autant de « qualités » qui contrastent avec le tableau typique de la schizophrénie.
Un échantillon de personnalités influentes
Les chercheurs ont travaillé à partir d'une base de données, recueillie dans les années 50, et récemment rendue publique. Cet échantillon réunissait des personnalités françaises influentes à l'époque, mais aussi des parlementaires et des professeurs d'université. Soixante ans plus tard, l'analyse de ces données a donc permis d'observer que, sur les cinq facteurs de risque précités, trois étaient significativement associés à la réussite sociale : le fait d'être né en ville, d'être le premier né d'une fratrie et un âge paternel avancé. Si ces résultats attestant de trajectoires variées sont confirmés, ils pourraient faire évoluer la recherche épidémiologique sur cette maladie psychique.
Pourquoi la schizophrénie persiste ?
Cette nouvelle hypothèse est intéressante car elle pourrait expliquer pourquoi la schizophrénie persiste. En effet, selon la théorie de la sélection naturelle, la vulnérabilité génétique associée à cette maladie aurait dû disparaître au fur et à mesure des générations, du fait de l'altération du fonctionnement et de la baisse du taux de reproduction des personnes malades. Le fait que des facteurs de risque soient en réalité des facteurs de variabilité pourrait donc expliquer ce paradoxe. Certaines études suggèrent d'ailleurs que les gènes de vulnérabilité de la schizophrénie seraient aussi associés à des conséquences positives, telle qu'une plus grande créativité.
Des mesures de prévention
Pour le Dr Andrei Szöke, co-auteur de cette étude, elle « pourrait changer notre compréhension du développement normal et pathologique et influencer notre capacité à concevoir la prise en charge et surtout la prévention de certaines maladies. La première étape est de répliquer ces résultats sur des bases de données plus récentes. » L'identification des facteurs de risque des maladies constitue un champ de recherche important dans toutes les disciplines médicales, indispensable à la mise en place de mesures de prévention.
* Scientific Reports, Schizophrenia risk factors in exceptional achievers: a re-analysis of a 60-year-old database. Andrei Szöke, Baptiste Pignon et Franck Schürhoff
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