Par Andrea Graells Tempel
Paris, 12 fév 2016 (AFP) - Les progrès de la France dans la scolarisation des élèves handicapés se sont plus concrétisés en primaire qu'au secondaire, et pas assez dans l'accès aux bâtiments, selon une conférence de comparaison internationale qui émet vendredi des recommandations pour aller plus loin.
Une loi de 2005 a ouvert plus largement les portes de l'école aux enfants handicapés, jusque-là surtout cantonnés dans des instituts médico-sociaux.
Depuis, « les progrès ont été fulgurants », salue Nathalie Mons, présidente du Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco), qui a co-organisé fin janvier la conférence de comparaison internationale avec le Centre international d'études pédagogiques (CIEP).
Comme la majorité des pays européens, « la France a adopté le modèle de l'école inclusive, qui n'est plus strictement enfermé dans une vision médicale du handicap », mais « accepte les différences comme une diversité ».
En dix ans le nombre d'enfants scolarisés en milieu ordinaire a presque doublé. A la rentrée 2014, il y avait 330 247 élèves handicapés scolarisés :
53% en classe ordinaire, 24% en classe spécialisée, 21% dans des établissements spécialisés sous la tutelle du ministère de la Santé et 2% en scolarisation partagée (spécialisée et ordinaire).
Mais la France reste « au milieu du gué ». Un quart des écoles construites depuis 2008 ne respectent pas les règles d'accessibilité. L'inclusion s'est davantage concrétisée en maternelle et à l'école élémentaire qu'au second degré, où il y a quatre fois moins d'élèves handicapés au lycée qu'au collège. Beaucoup de jeunes ne sont plus scolarisés après 15 ans.
Plus de la moitié (58%) des lycéens handicapés sont scolarisés dans une filière professionnelle, contre un tiers pour l'ensemble des élèves. De même, les jeunes d'origine modeste sont surreprésentés parmi les élèves handicapés. La communication avec les parents peut aussi s'améliorer. Actuellement, moins de la moitié des familles connaissent les aménagements pédagogiques prévus par le plan personnalisé de scolarisation de leur enfant.
Éliminer les barrières physiques
La double responsabilité des ministères de la Santé et de l'Éducation « a créé une inflation d'organisations » responsables, ainsi qu'« une multiplication de sigles incompréhensibles pour les parents ».
Pour aller plus loin dans l'inclusion, la conférence préconise d'« éliminer les barrières physiques »: toute construction ou reconstruction d'établissement scolaire doit respecter les règles d'accessibilité, tout comme les transports scolaires. Les enseignants doivent être formés à l'évaluation des élèves handicapés et à la diversité des méthodes pédagogiques.
Il faudrait aussi développer le tutorat entre les élèves handicapés et les autres, proposer des activités périscolaires adaptées dans le cadre de la réforme des rythmes, désigner dans chaque établissement un enseignant capable de répondre aux questions des différents acteurs et « d'impulser une démarche de mutualisation des expériences ».
La prise en charge financière de l'enseignement à distance du Cned devrait aller au-delà de l'école obligatoire (seize ans).
La conférence a mis en exergue des initiatives réussies qu'elle prône de généraliser. Par exemple, la création d'une base de données d'outils pédagogiques par académie, comme le fait l'académie de Toulouse pour les élèves «dys» (dyslexie, dyscalculie). Ou encore des tablettes individuelles avec des logiciels dédiés comme à Sarreguemines, où les élèves peuvent photographier le cours du prof, que l'outil numérique peut ensuite lire à haute voix, compléter avec des définitions...
Sont aussi cités des parcours individuels brillants, comme celui d'Alexandre Tcherkezian, qui cumule plusieurs handicaps après un accident cérébral à la naissance, mais a décroché son baccalauréat gestion administration avec une mention «Très Bien». Ou celui de Matias de Sainte Lorette qui malgré une déficience visuelle à 80%, a enchaîné Sciences Po et l'ENA. Il est maintenant maître des requêtes au Conseil d'Etat.