Scolarité et handicap : des familles suffisamment écoutées ?

La parole des parents d'enfants handicapés est-elle écoutée lors des équipes éducatives ? Face à la polémique lancée par une association qui dénonce une mise à l'écart, Jean-François Lafont* répond aux inquiétudes.

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* Conseiller technique élèves en situation de handicap (CT-ASH) auprès du recteur de l'académie de Bordeaux

Handicap.fr : L'équipe éducative (EE) et de suivi de scolarisation (ESS) permettent aux parents d'enfant handicapé et au corps enseignant de dialoguer sur des pistes d'amélioration concrètes pour les élèves en situation de handicap. Pour autant, certaines familles se sentent exclues du parcours de scolarisation et déclarent ne pas être les bienvenues à ces réunions. Pourquoi ?
Jean-François Lafont : Il arrive très régulièrement que les directeurs d'écoles ou les chefs d'établissements invitent les parents à les rencontrer. Une réunion de type « Equipe éducative » n'a de sens qu'avec la pleine participation des familles.  De plus, la tenue des Equipes de suivi de la scolarisation des élèves en situation de handicap (ESS) est encadrée par la loi : les parents sont systématiquement invités à y prendre part. C'est l'Enseignant référent qui invite, organise, mène ces réunions et en effectue le compte-rendu. Si certaines familles se sentent exclues de ces instances, il s'agit d'un ressenti qui peut être légitime. C'est humain. Mais, sans ambiguïté aucune, il nous faut réaffirmer que sans les familles et sans la pleine adhésion de tous à un projet défini en concertation pour chaque enfant, il est difficile d'avancer sereinement ensemble.

H.fr : Les ESS veillent à la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation (PPS) et réunissent, une fois par an, la famille et les différents acteurs qui gravitent autour de l'élève. Observez-vous parfois des désaccords ?
JFL : Il est en effet possible qu'il y ait des différences de point de vue et c'est tout à fait normal ; ces instances offrent par définition des espaces d'échanges et de dialogues. Dans la mesure du possible, toutes les opinions doivent s'y exprimer. Cela est d'autant plus nécessaire qu'aucune décision ne se prend en temps réel pendant une ESS. C'est à partir du compte rendu qui en est effectué par l'enseignant référent que la CDAPH (Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées) se détermine par la suite. Rien de choquant à ce que ce compte rendu fasse figurer des opinions différentes. Au contraire.

H.fr : Qu'avez-vous à répondre à l'association DSF 47 qui assure que certains parents ne sont pas les bienvenus (article en lien ci-dessous) ?
JFL : Il se peut que ça corresponde au ressenti de quelques familles qui ont pu avoir, ici ou là, des difficultés à s'entretenir sereinement avec les équipes. Certaines situations sont en effet complexes et peuvent rendre la communication plus difficile. Je crois pouvoir dire pourtant que, depuis 2005, nous avons collectivement -familles, institution, partenaires de soins…- mis beaucoup d'intelligence collective au service des enfants. Des situations de tension subsistent ici ou là, et c'est bien compréhensible ; elles deviennent heureusement plus marginales et c'est tant mieux. Cela ne doit pas nous dispenser de progresser encore, dans un climat constructif et sur la base d'une confiance qu'il faut construire et parfois consolider.

H.fr : Quelles sont les directives de l'Education nationale au sujet de l'implication des familles ?
JFL : Le ministre le rappelle régulièrement, et tous les enseignants, directeurs d'école et chefs d'établissement le savent : sans un travail inscrit dans un lien constant avec les familles, il est difficile de faire avancer les situations d'enfants lorsqu'elles sont complexes. Il nous faut donc communiquer, sereinement et dans la confiance avec les parents, les écouter. C'est indispensable. Les enseignants le souhaitent et sont pour la plupart extrêmement attentifs à cette dimension de leur travail.
 
H.fr : Quelles pistes d'amélioration envisagez-vous ?
JFL : Nous avons sûrement des progrès à faire pour permettre aux familles de mieux comprendre le sens des parcours de réussite que nous souhaitons pour chaque enfant. Pour y parvenir, chacun doit tenir son rôle et sa place : les enseignants doivent expliquer, se montrer parfois plus professionnels, notamment pour rédiger des documents plus simples et explicites, en renonçant au jargon pédagogique que parfois eux seuls comprennent. Il y a là une marge de progrès qu'il nous faut travailler, notamment par le biais de formations adaptées.  

De leur côté, les familles ont toute légitimité à faire profiter la communauté éducative de leur expertise, qui peut aider les enseignants à ajuster plus précisément leurs réponses pédagogiques. La limite de cela : faire confiance aux enseignants pour enseigner ! Je sais que, parfois, certains parents se montrent très pressants -et cela se comprend- pour modifier des pratiques pédagogiques qu'ils jugent insatisfaisantes. C'est toujours dans le dialogue et le respect mutuel que les solutions les meilleures sont trouvées. J'ai de multiples exemples qui en témoigneraient facilement.

H.fr : Quelles sont les limites de la participation des parents ?
JFL : Je viens d'en parler à l'instant. D'une formule un peu rude, je pourrais résumer par « chacun son boulot ». Etre parent d'un enfant à besoins particuliers, c'est déjà bien compliqué. On ne peut pas demander aux familles de pallier les insuffisances de l'institution.  Les parents qui sortent des limites du rôle éducatif qui est le leur sont souvent des parents très inquiets voire angoissés. A ce titre, il arrive qu'ils remettent en cause, assez durement, les compétences humaines ou professionnelles des enseignants. C'est parfois injuste. Le métier d'enseignant est un très beau métier mais certains oublient parfois qu'il est également difficile. Là encore, il nous faut veiller incessamment à entretenir le climat de confiance indispensable à tous. Cela doit profiter prioritairement aux enfants.

H.fr : Constatez-vous tout de même des évolutions dans vos échanges avec les familles ?
JFL : Avec les associations de parents, d'une manière générale, la relation a nettement progressé, il me semble. De nombreux sujets sont aujourd'hui moins conflictuels. Nous travaillons sur des bases constructives.

H.fr : Comment expliquez-vous que cette association, en particulier, vous mobilise sur ce sujet ?
JFL : Je suis conseiller technique du recteur et souvent destinataire des situations le plus compliquées, celles qui n'ont pu trouver de solution en amont... En ce sens, la démarche de cette association me parait très saine et positive.  Toujours se dire les choses. Pour autant, les polémiques sont souvent stériles, surtout lorsqu'elles consistent à faire d'un cas isolé une généralité.

H.fr : DSF 47 a écrit au ministre...
JFL : Elle exerce ainsi son droit le plus fondamental. Mais, en réponse aux attentes des familles, l'échelon de proximité reste sans aucun doute le mieux adapté car il permet de résoudre la plupart des difficultés.

© alotofpeople/Fotolia

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