« Si j'attrape la Covid-19, ce sera forcément plus grave pour moi », « Traité(e) pour une sclérose en plaques, je ne peux pas me faire vacciner ». Des nombreuses idées reçues circulent sur cette pathologie neurologique, nécessairement renforcées par la période de la crise sanitaire actuelle. Une récente étude BVA pour Merck France révèle que 46 % des patients français atteints de SEP sont inquiets quant à l'impact du virus sur leur pathologie, dont 10 % très inquiets. Par ailleurs, 44 % d'entre eux ne souhaitent pas se faire vacciner à ce jour, soit parce qu'ils attendent d'avoir plus d'informations sur la compatibilité du vaccin avec leur traitement (28 %), soit parce qu'ils ne souhaitent pas du tout se faire vacciner (16 %). On estime que plus de 2,8 millions de personnes sont touchées par cette maladie auto-immune dans le monde, dont 110 000 en France.
Des traitements plus risqués ?
Leurs craintes seraient-elles légitimes ? Les personnes traitées par des anti-CD20 (actuellement le rituxiamb et l'ocrelizumab), administrés par perfusion tous les six mois, « sont exposées aux formes graves de Covid », alerte le neurologue Jean Pelletier, de la Fondation Arsep (Aide à la recherche sur la sclérose en plaques) qui se réfère à plusieurs études (française, italienne et américaine) ces derniers mois. Selon lui, ils sont environ 20 % à prendre ce type de traitements de fond extrêmement efficaces, soit dès le début de leur maladie, soit parce que les autres n'ont pas fonctionné. « Une corticothérapie récente ou l'utilisation de certaines biothérapies semblent être associées à un risque légèrement plus élevé de forme sévère de la Covid-19, même si ces données doivent être étudiées de manière plus approfondie », ajoute le Pr Patrick Vermersch, neurologue au CHU de Lille.
Moins de réponse au vaccin
Par ailleurs, ces mêmes patients sous anti-CD20 risquent de moins bien répondre à la vaccination car certains ne produisent pas d'anticorps, selon le Pr Pelletier. C'est d'autant plus préoccupant que l'effet de ces traitements semble probablement beaucoup plus prolongé que les six mois d'intervalle auquel ils se prennent. Le Pr Vermersch précise qu'une autre classe de médicaments montrent une « protection légèrement plus faible après vaccination » : le modulateur des sphingosines 1 phosphate (le fingolimod)). Ils peuvent, selon Olivier Heinzlef, neurologue au CHI de Poissy, « nécessiter une troisième dose ».
Des études en cours
Cette classe des anti-CD20, qui n'est pas spécifique à la sclérose en plaques, est utilisée dans d'autres maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde ou le psoriasis. À ce stade, ces observations sont avant tout basées sur des cas particuliers, mais des études vont permettre d'en savoir plus, notamment celle menée en France par l'Inserm ; Cov-popart vise à évaluer l'effet de la vaccination contre le Covid chez des patients traités pour plusieurs maladies (cancers, maladies rénales, diabète, etc.), en fonction des traitements qu'ils prennent. 600 patients SEP y participent. Une première réponse est attendue dans six mois, qui pourrait rendre nécessaire une adaptation de la stratégie vaccinale chez les personnes concernées.
Pour les autres traitements de fond de la SEP, comme les interférons ? Pas de quoi s'alarmer, d'autant qu'ils pourraient même avoir un effet un peu protecteur. « Une personne atteinte de SEP n'est pas plus à risque que le reste de la population de faire une forme grave, assure le Pr Patrick Vermersch. Si certains traitements appelés immunosuppresseurs modifient le fonctionnement du système immunitaire, il n'y a pas pour la grande majorité d'entre eux de risque accru d'infections usuelles de type rhinites, bronchites ou cystites par exemple ».
Vaccination encouragée
Il encourage donc « fortement » à se faire vacciner. Même si le Pr Valérie Pourcher, infectiologue à la Pitié-Salpêtrière, reconnaît qu'il y a « très peu de données concernant la vaccination Covid chez les patients avec SEP », elle mentionne de récentes études israéliennes sur le vaccin ARN messager Pfizer, qui « montrent des réponses en termes de tolérance et une protection similaires à celles observées dans la population générale ». Selon Olivier Heinzlef, il n'y a « à ce jour, pas de vaccin préférable à un autre » même s'il précise que « pour les patients sous immunosuppresseur, on privilégie l'utilisation d'un vaccin ARN messager », rappelant que l'Astrazeneca n'est pas recommandé en dessous de 55 ans. Si pour Astrazeneca et Johnson et Johnson, des effets plus sérieux ont été rapportés avec des cas extrêmement rares de thromboses veineuses dans la population générale, ce risque ne concerne pas plus spécifiquement les patients SEP. Enfin, Valérie Pourcher tient à rassurer : « Il n'y a pas plus de risques d'effets secondaires, de poussée ou d'événements indésirables liés au vaccin ».