Accéder à ses droits lorsqu'on est en situation de handicap ? Un parcours du combattant. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Un bénéficiaire doit en moyenne renouveler ses droits à l'AAH (allocation adulte handicapé) de 9 à 10 fois au cours de sa vie, et un enfant son dossier tous les 12 mois à 18 mois. Par ailleurs, entre 49 et 64 % des personnes qui y auraient droit renoncent à demander l'aide à la complémentaire santé (ACS) parce qu'elles jugent le parcours administratif trop fastidieux. La complexité des démarches « handicap » est, globalement, supérieure de 14 points par rapport aux autres. Au secours crient les 1.7 millions de personnes concernées ensevelies sous cette avalanche de chiffres et de contraintes, devant prouver sans cesse que la trisomie de leur enfant n'a pas disparu, que l'aveugle n'a pas recouvré la vue et le paraplégique l'usage de ses jambes.
10 mesures phares
Fruit d'une consultation en ligne à laquelle plus de 10 000 personnes ont participé, le rapport « Plus simple la vie » remis au gouvernement en mai 2018 (article en lien ci-dessous) a formulé 113 propositions pour simplifier le parcours administratif des personnes en situation de handicap. L'état des lieux est sans appel : la complexité des dispositifs et des processus réduit l'accès aux droits et crée de la défiance. En s'appuyant sur ces travaux, le gouvernement dévoile sa feuille de route le 25 octobre 2018 à l'occasion du Comité interministériel du handicap. Dix mesures phares sont annoncées par Edouard Philippe (article en lien ci-dessous), dont deux concernent directement cet exercice de simplification. L'une d'elles prévoit l'attribution à vie des principaux droits. Et en détail ?
Des droits à vie
Actuellement, quel que soit le handicap, le bénéficiaire de certains droits doit en demander le renouvellement régulièrement. Leur durée d'ouverture varie d'un à vingt ans selon l'évaluation faite par l'équipe pluridisciplinaire. Des efforts ont été faits ces dernières années pour allonger les durées entre deux renouvellements. Néanmoins, les personnes handicapées doivent régulièrement justifier de leur handicap. Dans ce contexte, des décrets seront publiés d'ici la fin de l'année 2018 afin de permettre l'attribution de droits à vie aux personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement, tels que : l'allocation adulte handicapé (AAH) pour les personnes dont le taux d'incapacité est égal ou supérieur à 80 %, la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) et la carte mobilité inclusion (CMI). Par ailleurs, pour simplifier le parcours des parents, l'allocation d'éducation de l'enfant en situation de handicap (AEEH) sera attribuée jusqu'aux 20 ans de l'enfant pour ceux dont le handicap n'a pas d'évolution favorable. Pour le plus grand nombre, les droits seront attribués en correspondance avec les cycles scolaires.
Soulager les MDPH
Ce sont 4,5 millions de demandes qui ont été adressées aux Maisons départementales des personnes handicapées en 2017 (+ 4,1 %). La durée moyenne de réponses est d'environ 4 mois. Le gouvernement assure donc, par ailleurs, qu'il va raccourcir ces délais et renforcer l'équité de traitement des demandes par un nouveau système d'information commun mis en place en mai 2017, qui intègre une solution de dépôt en ligne des demandes. D'ici un an, le système sera complètement déployé : 30 MDPH seront utilisatrices du SI commun au 2e trimestre 2019, 56 au 3e trimestre 2019 et 100 % des MDPH fin 2019. Il proposera ainsi « davantage de qualité de service, d'équité de traitement des personnes handicapées, de modernisation » mais aussi de « simplification pour les agents ». En effet, ces mesures qui visent à alléger les contraintes qui pèsent sur les personnes handicapées et leurs aidants valent aussi pour les MDPH qui, selon le gouvernement, « pourront ainsi libérer leur temps pour davantage de conseil et d'accompagnement des personnes, un soutien de proximité pour faciliter les parcours ».
Simplifier aussi l'emploi
En matière d'emploi, le constat est tout aussi amer. On recense 66 aides différentes pour l'emploi des travailleurs handicapés proposées par l'Agefiph et le Fiphp et il faut renseigner cinq formulaires différents et cent rubriques pour la déclaration d'emploi des travailleurs handicapés. Le gouvernement a donc pris des mesures pour simplifier un système jugé « opaque » qui fragilise les parcours et la reconnaissance des droits des travailleurs handicapés. La rénovation de l'obligation d'emploi conduite au premier semestre 2018 a abouti à une simplification dans le cadre de la loi du 5 septembre 2018 relative à la Liberté de choisir son avenir professionnel. Elle prévoit : la suppression du critère d'ancienneté pour l'accès des travailleurs handicapés au compte personnel de formation, la simplification du calcul de l'obligation d'emploi et des démarches pour l'employeur et, donc, comme évoqué, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé de manière définitive. Un second temps de concertation avec les partenaires sociaux et les représentants des personnes est d'ores et déjà engagé qui doit permettre de rénover l'offre des services destinée à garantir et sécuriser les parcours vers et dans l'emploi des travailleurs handicapés et d'appuyer les employeurs dans cette politique.
Des CIH pavés de bonnes intentions
Simplification, c'est donc la rengaine de ce CIH 2018. Au fil des 40 pages du rapport, elle porte, aussi, sur l'inclusion scolaire, l'accès au numérique, au logement ou aux soins… Des vœux pieux qui se fixent un objectif pas si lointain : 2022, la fin d'un quinquennat. Sur le papier, les CIH qui se succèdent sont toujours pavés de bonnes intentions mais éludent les questions qui fâchent. Les réactions des associations sont maintenant attendues. Pas sûr que leur lecture soit aussi complaisante…