Bientôt un médicament pour soigner la maladie de Charcot ? En 2019, 7 000 Français seraient touchés par celle que l'on appelle également la Sclérose latérale amyotrophique (SLA). C'est 1 000 de plus que l'an dernier. Leur profil ? Principalement des personnes âgées de 60 à 70 ans, ayant une activité physique importante. Cette maladie neurologique entraîne une dégénérescence des neurones moteurs qui provoque une perte de poids, une fonte et une paralysie musculaire. Elle atteint également la faculté de parler et de respirer. En quelques mois, le patient se retrouve totalement dépendant. Pour ralentir la progression de la maladie, DHUNE, un programme de recherche sur les maladies neurodégénératives et le vieillissement, a entamé trois études cliniques sur des patients avec un handicap léger et une fonction respiratoire préservée.
Médicaments neuro-inflammatoires
Le premier essai clinique concerne l'Interleukine 2, un médicament qui agit sur la neuro-inflammation. « Injecté à faible dose, il amplifie la réponse immunitaire du corps et pourrait ainsi calmer l'inflammation des neurones », explique le Professeur Shahram Attarian et le Dr Annie Verschueren, du centre de référence des maladies neuromusculaires et de la SLA, membre du programme DHUNE. Pour en tester l'efficacité, ils recrutent des patients dans toute l'Europe jusqu'à fin juin. L'objectif : en mobiliser 250 dont 25 à Marseille, l'un des principaux centres du pays. Autre proposition : un médicament neuroprotecteur chélateur (substance chimique soluble et non toxique) du fer, appelé Fair-Als. « Il vient lutter contre le stress cellulaire dans l'hypothèse où le fer engendrerait une toxicité cellulaire par dépôt, précisent-ils. Nous avons besoin de 20 personnes pour valider cette étude qui démarrera mi-juin. » Le dernier essai est un autre médicament à visée neuro-inflammatoire, le Rock-Als. Il s'agit d'un projet académique européen programmé pour la fin de l'année 2019. Si ces traitements entraînent les effets escomptés, ils seront ensuite étudiés par l'EMA (Agence européenne des médicaments) avant d'être commercialisés.
Recherche non médicamenteuse
Qu'en est-il des recherches non médicamenteuses ? « Nous réalisons des avancées importantes au niveau de l'imagerie cérébrale et de l'imagerie de la moelle cervicale qui permettent un diagnostic plus rapide », répondent les spécialistes. L'enjeu : déceler les régions cérébrales connectées et altérées du cerveau lors des IRM (Imagerie par résonance magnétique) pour diagnostiquer précocément la pathologie et appréhender au mieux sa progression. L'une des études consiste à faire passer un IRM aux patients tous les trois mois pour pouvoir détecter les marqueurs précoces de dégénérescence. Comment ? Grâce à l'IRM 7T au sodium du CEMEREM*. « DHUNE est l'un des deux seuls centres, en France, à être équipé de cet appareil ultra perfectionné, soulignent-ils. Nous étudions l'altération de la connectivité entre les différentes parties du cerveau car nous pensons qu'avant même que des lésions apparaissent, la connectivité souffre, poursuivent-ils. Montrer qu'il y a altération de la connectivité permettrait d'anticiper les traces originelles de la maladie. » Les premiers résultats de cette étude devraient être publiés dans une vingtaine de jours.
Base de données colossale
DHUNE a également bénéficié d'une bourse de la Fondation Thierry Latran, « très sélective » (1 projet sur 10 retenu), pour une étude sur l'imagerie de la moelle épinière d'une quinzaine de patients, en particulier son atrophie au niveau des fibres nerveuses (substance blanche) et cellulaires (substance grise). « Nous travaillons également avec un médecin spécialisé en neuro immunologie, Dr José Boucraut, sur des marqueurs biologiques de neuro-inflammation et de neuro-dégénérescence. Nous analysons actuellement les résultats de 60 patients », révèlent les chercheurs. Enfin, ils participent à une grande étude nationale, la SLA-PULSE, pour créer une base de données sur la maladie au niveau sanguin, imagerie et électrophysiologie afin de mieux la comprendre, d'affiner le diagnostic et de trouver de meilleurs facteurs de suivis. L'idée est de mettre à disposition des médecins des données de patients et de favoriser la recherche. L'ambition, à l'échelle nationale, est d'inclure 1 000 patients. « Actuellement nous en avons 300, dont 80 à Marseille. Le recrutement prendra encore 2 ou 3 ans », ajoutent-ils.
Des idées suicidaires
L'une des priorités de DHUNE est d'améliorer la prise en charge des patients. Pour ce faire, deux solutions : la formation adaptée des médecins généralistes et de l'équipe médicale qui intervient dans le soin, comme les orthophonistes ou les kinésithérapeutes, ainsi que l'information aux patients et à leur famille. Pour les accompagner au mieux, deux initiatives ont récemment été mises en place : des groupes de paroles destinés aux aidants et un programme d'éducation thérapeutique, « Vivre avec une SLA », organisé tous les deux mois pour les patients. Une réunion « actualité recherche fondamentale et thérapeutique » se tiendra le 21 juin 2019, à l'occasion de la Journée mondiale dédiée. « L'accompagnement des patients est aussi important que la recherche médicale. Notre dernière étude montre qu'environ 40 % d'entre eux ont des idées suicidaires. Les principales raisons pour lesquelles ils ne passent pas à l'acte sont leur espoir de guérir ou la présence de leur famille, concluent les chercheurs. Notre leitmotiv est de leur redonner espoir en les soutenant et en les tenant constamment informés sur les avancées thérapeutiques. »
* Centre de Résonance Magnétique Biologique et Médicale - UMR CNRS 7339, CHU Timone, Marseille