Les usagers d'Accès Plus seraient-ils des « grogneurs catégoriels » ? C'est en tout cas ce qu'affirme Carole Guéchi, directrice de l'accessibilité du groupe SNCF, dans un édito paru en mai 2019 (en lien ci-dessous). Déplorant un « bashing contre la SNCF », elle y dénonce les protestations des clients handicapés moteurs qui, selon elle, « n'acceptent pas le fait d'avoir à communiquer les mensurations de leur fauteuil au téléconseiller du service d'assistance (Accès Plus, Accès TER ou Accès Plus Transilien) auprès de qui ils passent commande d'une prestation d'aide à monter ou descendre d'un train ».
Des dimensions précises
Pour quelle raison ? Parce que, selon les règles édictées par la compagnie nationale, se référant aux normes européennes définies en 2008 par Bruxelles (dans le cadre de sa réglementation sur l'interopérabilité relative aux PMR (STI-PMR)), la largeur du fauteuil, pour être autorisé dans les trains de voyageurs, ne doit pas dépasser 70 cm (plus 10 cm pour les 2 mains) et la profondeur 120 cm (plus 5 cm pour les pieds), avec un diamètre de braquage maximum de 1m50. Carole Guéchi ajoute que « le poids en charge autorisé (…) ne doit pas dépasser 300 kg pour le fauteuil roulant et son occupant (y compris d'éventuels bagages) dans le cas d'un fauteuil électrique ne nécessitant aucune assistance pour franchir un dispositif d'aide à l'embarquement et au débarquement et 200 kg pour le fauteuil et son occupant dans le cas d'un fauteuil roulant manuel. » Mais de nombreux modèles actuels dépassant ces gabarits de taille, les usagers préfèrent donc se taire plutôt que de se voir refuser leur prise en charge. Par exemple, les conditions générales d'Accès Plus Transilien précisent : « Tout refus de respecter ces règles annule la garantie du voyage et peut entraîner la résiliation du client au service d'assistance ».
Des disparités kafkaïennes
Selon la directrice de l'accessibilité, « cette norme appliquée dans tous les pays de l'Union conditionne depuis plus de 10 ans la largeur des allées, des portes palières et le volume des espaces dédiés aux fauteuils roulants à bord de tous les trains européens et dans les voitures qui leurs sont destinées ». Des mesures qui sont pourtant en deçà de la norme ISO fauteuil : 75 en largeur et 125 en longueur. « Le problème n'est pas seulement là », explique Ludivine Poivre, usager en fauteuil et membre de l'Anpihm. Elle assure que le mécontentement vient surtout des « différentes conditions pour accéder aux services d'assistance des 3 « familles » d'Accès Plus (national, régional ou propre à l'Île de France) qui ne répondent pas aux mêmes exigences ». « Que des normes existent, c'est un fait, mais prendre le train devient kafkaïen ! », ajoute cette passagère régulière, constat qui, selon elle, explique « l'inquiétude légitime lorsqu'Accès Plus demande les dimensions du fauteuil ».
Une norme dépassée ?
Carole Guéchi admet néanmoins que, du fait de l'évolution des équipements individuels (à quatre roues, gyroscopique, handisport, à chenillettes, à hauteur variable…), la « physionomie du fauteuil roulant et ses caractéristiques techniques n'ont parfois plus rien à voir avec la norme européenne. Ni en taille, ni en poids, ni en rayon de giration ». « Peut-être est-elle aujourd'hui dépassée ? », interroge-t-elle. Mais plutôt que de faire preuve d'un peu de souplesse face aux « plaintes » récurrentes des usagers en fauteuil, elle n'offre comme seule option que le bulletin de vote : « A ce stade, je n'aurai donc qu'une remarque. Une norme européenne se modifie au niveau européen. Les élections européennes sont prévues le 26 mai prochain. (…) C'est le meilleur moyen de faire bouger les lignes. » Aussi simple que cela ? « Sa conclusion ne manque pas de sel, rétorque Ludivine Poivre, dans la mesure où elle consiste à mettre les parlementaires européens en question (…), un moyen très spécieux de détourner l'attention sur les dysfonctionnements de la SNCF. Les normes prennent du temps à être formalisées, applicables et respectées par ceux qui doivent les suivre. »
Des passagers trop grands ?
Reste un autre point non évoqué dans l'édito de Carole Guéchi, celui de la hauteur. Dans la STI-PMR, pour être transportable par train, la hauteur maximum d'un fauteuil avec son occupant ne doit pas dépasser 1m 375. Et pour ceux qui mesurent 1m38 assis ? « Difficile de trouver le moindre sens à cette limitation car les circulations et les espaces intérieurs des trains sont communs à l'ensemble des voyageurs, que ces derniers se déplacent en fauteuil ou debout », constate Ludivine. Questionnant la SNCF sur un refus de prise en charge éventuel, elle obtient la réponse suivante : « Lorsque des voyageurs utilisateurs de fauteuil roulant se plaignent de leurs conditions de voyage, c'est toujours en rapport avec l'encombrement « en largeur » et non « en hauteur ». Même sur un train à deux niveaux, la hauteur à l'intérieur d'une voiture est bien plus importante que les 1375 mm requis. » « Le souci, c'est que cette limitation apparaît dans le questionnaire Accès Plus comme un motif de refus de prise en charge, observe Ludivine. Ce texte étant indépendant de la STI-PMR, sa correction relève plus du bon sens que d'une décision à l'échelon européen. »