« Je viens d'apprendre l'arrivée des nouvelles rames des trains Intercités dotées de sièges plus hauts. C'est bien pensé pour certains handicaps mais pas pour nous... », déplore Mathilde Obert. Adhérente de l'Association des personnes de petite taille (APPT), elle était invitée le 14 novembre 2022 à découvrir le showroom consacré à l'accessibilité des installations de la SNCF, dans les locaux de la filiale SNCF réseau à Saint-Denis. Une « belle initiative », selon la jeune femme qui, malgré une expérience avec des ratés, salue globalement les efforts du groupe ferroviaire pour « s'adapter à tous les types de handicap depuis quelques années ». Cette exposition « pédagogique, artistique et culturelle » sert justement de vitrine au groupe français. Elle propose au visiteur un parcours initiatique en trois temps. D'abord, une entrée dans un sas qui diffuse des témoignages d'usagers en situation de handicap, puis une « douche sonore » pour expérimenter le ressenti d'un voyageur non voyant ou encore un simulateur de vieillissement pour ressentir les difficultés des personnes âgées ou à mobilité réduite. Le tout agrémenté de panneaux explicatifs sur les actions menées en 2021 pour améliorer l'expérience des voyageurs en situation de handicap.
Une exposition itinérante sur l'accessibilité
Ouvert dans un premier temps au personnel de la SNCF et à ses clients partenaires, le dispositif migrera à partir du mois d'avril 2023 dans plusieurs gares de France, à la rencontre du grand public. Objectif : « Sensibiliser à la problématique de l'accessibilité et montrer ce qui a été fait et reste à faire, à l'aube de grands événements comme la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux de Paris 2024 », admet Thierry Jankowski, responsable de la communication à la direction de l'accessibilité SNCF réseau. Si le calendrier sportif accélère les chantiers engagés, le cadre réglementaire sert, lui aussi, de piqûre de rappel. « Il est essentiel que l'Agenda d'accessibilité programmée (Adap) des services ferroviaires nationaux signé en 2015 parvienne à son terme en 2025, c'est-à-dire que les gares considérées 'prioritaires' soient accessibles selon la programmation prévue et ajustée en fonction des difficultés rencontrées », souligne Carole Guéchi, déléguée ministérielle à l'accessibilité. En 2021, un nouveau règlement européen sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires a été adopté avec une mise en œuvre prévue pour juin 2023. Sans oublier la Loi d'orientation des mobilités (LOM) promulguée en 2019, dont l'article 28 promet l'ouverture d'une plateforme unique de réservation à l'intention des personnes handicapées, d'ici janvier 2024 (article en lien ci-dessous). Mais derrière ces textes, où on est-on concrètement sur le terrain ?
364 gares accessibles en France
730 gares du réseau SNCF sont inscrites au programme d'accessibilité et, parmi elles, « 364 sont déjà pleinement accessibles », assure Matthieu Chabanel, président de SNCF réseau. Un chantier qui représente chaque année 350 millions d'euros d'investissement. Chaque gare « nouvelle génération » doit cocher un certain nombre de critères, parmi lesquels : des portes automatiques, qui facilitent le déplacement des fauteuils roulants, des plans inclinés pour éviter marches et escaliers, des balises sonores et des bandes de guidage pour les personnes déficientes visuelles, des boucles magnétiques qui filtrent les sons parasites pour les personnes porteuses d'un appareil auditif, des bandes d'éveil à la vigilance qui permettent notamment de signaler un danger grâce à des plots de forme bombée ou encore des portiques d'embarquement situés à l'entrée des quais. Autre grande nouveauté de 2021 : « MAV », l'assistant visuel qui permet aux personnes sourdes de bénéficier des annonces du chef de bord directement via un pop-up sur leur smartphone. D'ici 2024, la SNCF souhaite encore passer à la vitesse supérieure avec la sortie du TGV M (M pour modularité), la nouvelle génération de train à grande vitesse qui intégrera de nouveaux dispositifs dédiés aux personnes à mobilité réduite, notamment un outil qui facilite le repérage des portes pour les personnes déficientes visuelles et plus de confort dans les espaces dédiés aux fauteuils roulants.
Améliorer le service « Accès plus »
Mais l'accessibilité n'est pas qu'une question d'équipements. Elle se joue aussi dans les services. 900 000 voyageurs ont, chaque année, besoin d'une assistance. « En 2021, plus de 1 000 agents supplémentaires ont été formés à l'accueil des personnes handicapées et plus de 900 gares proposent désormais ce service », indique Matthieu Chabanel. Si 95 % des passagers adeptes du service « Accès plus » –qui permet depuis 2007 l'accompagnement des personnes à mobilité réduite jusque dans le train– se disent « satisfaits », restent encore quelques axes d'amélioration. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes se montrent encore sur la réserve. Les « 5 % de mécontents » signalent par exemple la difficulté à repérer le point d'accueil spécifique aux personnes en situation de handicap dans les gares mais aussi le manque de souplesse sur le délai de 30 minutes imposé avant le départ du train, parfois même l'absence de sensibilisation du personnel au handicap ou encore le délai de réservation qui rend impossible tout voyage de dernière minute.
Un travail en concertation avec les assos
Des remarques entendues par la numéro un de l'accessibilité au sein de SNCF réseau, Laetitia Monrond : « La difficulté de mise en place des services d'assistance en gare est souvent liée à une question d'organisation du personnel, se défend-elle. Pour faire face à un afflux de clients imprévu au moment d'une saisonnalité très forte, nous sommes obligés de faire appel à des prestataires externes. Quant aux 30 minutes d'avance demandées, nous appelons nos prestataires à plus de souplesse lorsque le client arrive avec cinq minutes de retard. » Pour montrer que les critiques ne tombent pas dans « l'oreille d'un sourd », la SNCF annonçait début octobre sur son site « raccourcir les délais de réservation du service Accès plus », passant de 48 à 24 heures. Ces avancées sont aussi le fruit d'un travail en concertation avec sept associations partenaires dans le champ du handicap*. « C'est une source de motivation, d'amélioration des projets. Un aiguillon souvent utile quand on aurait tendance à ne pas aller assez vite », reconnaît Matthieu Chabanel.
* APF France Handicap, AFM Téléthon, Handisport, Unanimes, la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes (CFPSAA), l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), l'Association des personnes de petites taille (APPT)