Soins psychiatriques sans consentement : hausse sensible!

Contention, isolement... Les soins sans consentement, normalement utilisés en "dernier recours" en psychiatrie, continuent d'être pratiqués. Dans une étude de juin 2022, l'Irdes enregistre une "hausse sensible" de ces méthodes entre 2012 et 2021.

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+ 14 %. C'est l'augmentation du nombre de personnes hospitalisées sans consentement en France entre 2012 et 2021, d'après une étude de juin 2022 de l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes)*. Onze ans après la loi de 2011 réformant les modalités de soins sans consentement en psychiatrie, quatre ans après la Feuille de route gouvernementale « Santé mentale et psychiatrie » (article en lien ci-dessous) avec pour objectif « la réduction des pratiques de soins sans consentement, d'isolement et de contention », les effets positifs de ces mesures législatives se font encore attendre. D'où la nécessité de dresser « un état des lieux national du recours à ces pratiques et de leurs évolutions », affirme l'Irdes.

Un fort accroissement de l'isolement

Certes, l'étude souligne un infléchissement du recours à ces soins depuis 2015 qui « mérite d'être suivi dans le temps pour déterminer si cette tendance se poursuit ». Mais, dans le détail, plusieurs « drapeaux rouges » attirent encore l'attention. Par exemple, les mesures d'isolement restent particulièrement répandues, surtout depuis la crise sanitaire. Le nombre de personnes ayant connu une mise à l'isolement au cours d'une hospitalisation à temps plein en psychiatrie a augmenté de 19 % entre 2012 et 2021 et de 48 % lorsque l'on considère uniquement les personnes hospitalisées sans leur consentement. « Un manque de personnel pour arrêt maladie ou garde d'enfants lié à la pandémie de Covid-19 pourrait avoir conduit à des difficultés de prises en charge de situations cliniques complexes », tente d'expliquer l'Irdes.

10 000 patients sous contention en 2021

La psychiatrie n'a pas non plus fait une croix sur la contention mécanique. Cette pratique, qui vise à limiter les capacités de mouvement physique d'une personne dont le comportement représente un danger pour elle-même et pour autrui, a été employée sur 10 000 patients en 2021, soit plus d'une personne hospitalisée sans son consentement sur dix.  Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, a pu en témoigner lors de la visite d'un hôpital psychiatrique du Pas-de-Calais en mars 2022 (article en lien-ci-dessous). Là-bas, elle y découvre « des œilletons sur les portes laissant à la vue de tous les patients attachés et isolés quand on passe dans le couloir. Ça n'est pas un spectacle, déplore-t-elle. La contention, qui devrait être une mesure de dernier recours, est parfois prise sans évaluation psychiatrique ou médicale. Or elle peut avoir des conséquences physiques, notamment causer des thromboses puisque le patient est attaché aux poignets, chevilles, torse ou encore aux épaules ». Cet accès aux soins défaillant est le fruit, selon elle, d'une méconnaissance de la loi et du droit des malades par les soignants et parfois même par la justice elle-même. De même, la mesure de « soins sans consentement en cas de péril imminent » qui facilite l'admission dans un contexte d'urgence et décharge les tiers de cette démarche difficile, normalement utilisée de manière exceptionnelle, n'a cessé d'augmenter, pour « pour occuper en 2021 la seconde place des modes légaux de soins sans consentement les plus fréquemment utilisés (+186 % depuis 2012) », relève l'Irdes. Résultat, la France se classe parmi les pays européens où le recours aux soins sans consentement est l'un des plus élevés.

Des méthodes plus respectueuses

Pourtant, les méthodes d'une psychiatrie plus respectueuse des libertés individuelles se développent progressivement. Aujourd'hui, des initiatives innovantes, incluant la participation des patients dans le développement de leurs soins, voient le jour. La mise en place d'espaces d'apaisement, alternatives « plus douces » à l'isolement pour calmer l'anxiété et l'agressivité, fait son entrée dans certains services. Quant aux professionnels de santé, ces derniers se forment désormais davantage à la gestion de crise.

* « Les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie : un objectif de réduction qui reste à atteindre (juin 2022) »

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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