* Secrétaire d'Etat au Handicap
Handicap.fr : S'il ne fallait en choisir qu'une, quelle serait la grande mesure phare de cette rentrée 2021 pour l'école inclusive ?
Sophie Cluzel : Il y en a plusieurs… L'instauration d'une formation initiale obligatoire de 25h minimum pour tous les futurs enseignants du premier et du second degré est une avancée majeure. Mais le plus grand progrès me semble l'approfondissement de la coopération entre l'Education nationale et le secteur médico-social, dont je peux donner deux illustrations. Tout d'abord, le déploiement du livret de parcours inclusif dans quatre académies : Poitiers, Nantes, Normandie et Aix-Marseille. Cet outil innovant permet de mieux partager les informations utiles entre les différentes personnes qui agissent auprès de l'enfant (famille, MDPH, équipes éducatives…) et de donner plus de fluidité et de continuité aux parcours. Et, deuxièmement, la généralisation des Equipes mobiles d'appui à la scolarisation (EMAS) sur tout le territoire.
H.fr : Quelle est la mission de ces EMAS ?
SC : Grâce à ces équipes mobiles, des professionnels peuvent intervenir auprès des écoles et établissements scolaires, de façon pluridisciplinaire, pour venir en appui des équipes pédagogiques, pour les conseiller, les outiller et les aiguiller.
H.fr : Sont-elles suffisamment connues des enseignants ?
SC : Leur création est récente, elles seront donc progressivement mieux connues des établissements scolaires au fur et à mesure de leur déploiement national, grâce au dialogue régulier entre recteurs et Agences régionales de santé (ARS).
H.fr : Quelle latitude pour agir pour les commissions d'affectation spécifiques censées mettre en œuvre la directive de 2020 « Zéro enfant sans solution » lorsqu'il n'existe, sur le terrain, manifestement, pas de solution (pas assez de place en IME et Ulis, notamment) ?
SC : Tout d'abord, nous faisons tout pour qu'il y ait, face aux besoins, des solutions adaptées. Cela passe par un renforcement massif des moyens alloués à l'Education nationale ; 350 Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) ouvrent cette année, il y en a 1 300 de plus qu'au début du quinquennat.
Nous augmentons également les moyens alloués aux ARS pour construire l'offre. En 2021, les installations de places d'internat, d'accueil temporaire, de semi-internat représentent 566 nouvelles solutions. Ce sont aussi 2 600 places de Services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) qui sont financées par les ARS (à hauteur de 59,7 millions d'euros) contre 1 800 en 2017, soit une augmentation de 45 %.
Au total (via les EMAS et les Sessad), ce sont 105 millions d'euros qui seront consacrés au soutien à la scolarisation des enfants en situation de handicap pour l'année scolaire 2021-2022.
H.fr : Concrètement, quel est le rôle de ces commissions ?
SC : Elles proposent une organisation en amont, durant les mois qui précèdent la rentrée, avec une cartographie partagée entre rectorats et ARS, et réunion des comités départementaux de l'école inclusive, qui permettent d'anticiper le pilotage de l'offre et de trouver les solutions adaptées au plus près des besoins, des aspirations, des choix de vie des enfants et de leurs familles, avec certes toujours des temps d'attente, mais dans l'ensemble une réduction des délais liés à l'augmentation de l'offre.
H.fr : On déplore aussi des délais de traitement trop longs au sein des MDPH…
SC : Grâce à la stratégie que nous avons menée, ils ont diminué de 13 % depuis 2019 pour l'ensemble des demandes, passant de 4,6 mois en 2019 à 4 au 1er trimestre de 2021. Par ailleurs, les notifications MDPH portent sur une durée beaucoup plus longue, avec l'objectif de couvrir l'ensemble de chaque cycle scolaire (maternelle, primaire, collège) sans avoir à renouveler la demande.
H.fr : Les parents semblent ne pas connaître ces commissions d'affectation ? Est-ce le cas et comment en assurer la promotion ?
SC : Le rôle des services publics est aussi d'aller vers les citoyens et de mieux leur faire connaître leurs droits. A la faveur de la crise sanitaire, nous avons beaucoup travaillé sur l'accès aux droits des personnes et fait progresser cette démarche d'aller-vers. C'est tout le sens des communautés 360 que nous sommes en train de bâtir.
H.fr : Que faire lorsqu'une famille est confrontée à un problème avec l'accompagnant de son enfant (AESH) ou reste sans solution à la rentrée ?
SC : Elle peut se tourner vers la cellule Aide Handicap Ecole (0 800 730 123) et appeler le 0 805 805 110 qui, depuis 2020, offre une plateforme nationale unique pour faciliter l'accès aux cellules d'écoute ; l'enjeu est de répondre aux interrogations des parents d'enfants en situation de handicap et leur apporter une réponse dans les meilleurs délais.
H.fr : Les départements ont, par ailleurs, créé des « Services de l'école inclusive » mais les familles observent des disparités territoriales selon chaque académie (différences de nom de ce service, difficultés à identifier le bon interlocuteur qui dépend parfois du département parfois de l'académie), déplorant une « grande opacité ». A quoi servent-ils ?
SC : Depuis 2017, c'est un véritable service public de l'école inclusive qui a émergé. Pour le piloter et en harmoniser le fonctionnement, nous avons créé un comité national de suivi, qui inclut les élus et les associations. Et nous en avons décliné le fonctionnement au niveau de chaque département, à travers les comités départementaux de l'école inclusive. Ce fonctionnement permet aux administrations en charge de l'école inclusive (rectorats, ARS, MDPH) de travailler main dans la main.
H.fr : Créés en 2019, les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL), qui proposent de mutualiser les accompagnants, ne semblent pas faire l'unanimité parmi les familles qui déplorent moins d'heures d'accompagnement pour certains enfants…
SC : La mise en place de ces PIAL s'est faite juste avant la crise sanitaire, qui a occasionné de nombreuses difficultés pour remplacer certains AESH, et cela a été interprété comme la conséquence de l'organisation de ces pôles. Au contraire, ils permettent une meilleure gestion de l'affectation des AESH pour éviter les ruptures d'accompagnement.
H.fr : Du côté des accompagnants, on observe pourtant les mêmes réticences ; certains doivent jongler entre plusieurs écoles, parfois entre primaire et collège, ce qui complexifie leur travail.
SC : La priorité des PIAL est de garantir que les enfants ayant besoin d'un accompagnement soient bien accompagnés mais ils doivent aussi permettre d'améliorer les conditions de travail des AESH. Leur généralisation permet à un grand nombre d'entre eux de voir leur temps de travail augmenté. Le responsable du PIAL veille à organiser leur emploi du temps en fonction notamment de leur temps de travail et de leur lieu d'habitation. Il tient également compte de l'expérience professionnelle de l'AESH et du niveau d'enseignement dans lequel il intervient. En outre, il s'efforce de limiter les lieux d'intervention à deux établissements maximum.
H.fr : Le nombre d'enfants accompagnés par chaque AESH est-il clairement défini ?
SC : Ce nombre est lié aux besoins, qui sont objectivés par les notifications des MDPH.
H.fr : Les PIAL vont-ils être davantage déployés en 2021 ?
SC : Ils sont généralisés à l'ensemble du territoire.
H.fr : Ce dispositif se heurte manifestement à un problème de recrutement des AESH, dont témoignent certains coordinateurs PIAL. Comment comptez-vous faire face à cette pénurie ?
SC : Pour faire face à ce manque de ressources, le statut des AESH a été modifié. Ils sont devenus des agents à part entière du ministère de l'Education nationale, avec un rattachement à une académie et des droits à formation. Une enveloppe de 60 millions d'euros a été allouée à la revalorisation des AESH pour 2022.
L'interview de Sophie Cluzel se poursuit avec un focus spécifique sur la situation des enfants autistes, article "Rentrée 2021 : les élèves autistes sont-ils à bonne école?" à retrouver dans le lien ci-dessous.
Sophie Cluzel : rentrée, du nouveau pour changer la donne?
Equipes mobiles, pôles inclusifs, commissions d'affectation, communautés 360... Les dispositifs en faveur des élèves handicapés se multiplient mais ne suffisent pas toujours à couvrir les besoins. A quoi servent-ils ? Le point avec Sophie Cluzel*.
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