Au 18e siècle, à l'arrivée des colons en Argentine, le peuple des Yamanas fut immédiatement contraint d'adopter la culture européenne. Agriculture, christianisme, langue… Avant cela, les « Indiens de la Terre de feu » vivaient nus et se protégeaient du froid en s'enduisant le corps de graisse animale. Les colons les obligèrent aussi à s'habiller. Plus tard, les anthropologues démontreront que ce changement de mode de vie participa à l'extinction des Yamanas.
Une comparaison marquante ?
C'est par cette comparaison marquante que se clôt le film de 52 minutes Ces sourds qui ne veulent pas entendre (sortie courant 2015 en DVD), diffusé le 15 juin 2015 à l'Université catholique de Lyon dans le cadre d'une soirée-débat organisée par le DU (diplôme universitaire) « Le handicap dans l'accès au droit » (article en lien-ci-dessous). De nos jours, la technologie permet à certaines personnes malentendantes de retrouver l'usage de l'ouïe. Le coût d'un implant cochléaire est d'ailleurs pris en charge par la sécurité sociale. Pour autant, certains se montrent réfractaires à cette idée. L'avancée technologique ne risque-t-elle pas de bousculer l'identité de la personne sourde et de sa communauté ? La question de la pérennité de leur culture se pose. En tout cas, elle a été posée aux personnes concernées. Morceaux choisis.
Quelle décision en cas de conflit entre les parents ?
Dans les premières minutes de la discussion, Anne-Sarah Kertudo, responsable du DU et animatrice du débat, interroge Gérard Gaucher, vice-président du tribunal de grande instance de Lyon, sur la réponse à donner en cas de conflit entre parents lorsque l'un souhaite un implant auditif pour son enfant sourd et l'autre non. « Il n'y a pas encore de jurisprudence sur ce cas précis, je ne peux donc pas donner de réponse définitive. Dans un premier temps, il faudrait écouter les deux parents et essayer de comprendre pourquoi il existe une telle opposition. Ce n'est pas seulement une décision médicale mais on parle aussi de questions éthiques et de respect de la personne. Mais je crois que le verdict du juge serait plutôt une logique d'implant. Ce qui compte, c'est le bien-être de l'enfant et son intégration dans la société. Mais je vais me documenter sur la question ! »
« Pas qu'une seule réponse »
Financé en grande partie par le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), le film se doit de mobiliser tous les points de vue afin d'être le plus objectif possible. Pas de militantisme, donc. « Ce que nous souhaitons montrer en faisant intervenir de nombreux acteurs lors du débat, c'est qu'il n'y a pas qu'une seule réponse », indique Anne-Sarah. Deux visions différentes mais chacune avec ses arguments s'opposent. La première, celle de ceux qui se revendiquent Sourds, avec un « S » majuscule, appartenant à une communauté ayant sa propre culture ; ils ne veulent pas être « réparés » au risque de perdre leur identité, forte. D'autant que, comme l'explique le philosophe Miguel Benasayag, la case « ouïe » du cerveau des malentendants n'est pas vide : il fonctionne en intégration et favorise le développement de sensibilités dans d'autres domaines (théâtre, musique…).
Les Sourds parmi les sourds : une minorité
Néanmoins, ce point de vue demeure très minoritaire face à celui de nombreux autres sourds de naissance et des « devenus sourds » qui, eux, estiment que leur déficience auditive est un handicap. L'implant devient alors une chance pour trouver sa place dans la société. Eux, ainsi que leur(s) enfant(s). Si la question d'implanter sa progéniture se pose dans le cadre judiciaire, c'est parce qu'elle se pose éthiquement. D'une part l'implant doit être posé dès le plus jeune âge afin de favoriser le développement de la personne, d'autre part cela oblige les parents à prendre une décision cruciale pour l'avenir de l'enfant. La majorité prône le fait qu'il pourra toujours choisir de le retirer plus tard s'il souhaite « redevenir » Sourd. Mais ils sont peu nombreux à faire marche arrière…