Par Maureen Cofflard
"C'est très puissant, très fort, vraiment bien ! Je ressens surtout les vibrations dans la cage thoracique", décrit Camille Coti en langue des signes que Léana Barrazza, 23 ans, traduit à l'AFP. Sourire aux lèvres et mains virevoltantes autour de son visage, la septuagénaire ondule en rythme grâce à l'un des cinq gilets "SubPac" acquis par la Collectivité de Corse. L'institution régionale revendique être "le premier territoire en France" à avoir acheté, pour un total de 12 000 euros, cet équipement qui permet de faire ressentir les sons graves et les basses sous forme de vibrations. A l'origine, ces gilets, fabriqués par la société américano-canadienne TiMMPi, avaient été pensés pour décupler les sensations des joueurs de jeux vidéo ou des spectateurs de cinéma en réalité virtuelle.
Disponibles pour 17 concerts
"C'est mon premier concert et la première fois que j'ai envie de danser en ressentant les vibrations", confie Camille Coti à qui cela rappelle des souvenirs. "Quand j'étais jeune, j'allais en boîte de nuit, il y avait beaucoup de basses, je me rapprochais des enceintes pour les sentir. J'ai eu ça aussi avec des tambours", se remémore-t-elle, estimant que ces gilets "ouvrent des perspectives". "C'est un moment d'inclusion et de partage. Les voir se mettre à danser, c'est émouvant", confie à l'AFP Antonia Luciani, conseillère exécutive chargée de la culture à la collectivité corse. Ces cinq gilets de 1,2 kg chacun sont disponibles pour 17 concerts cet été par l'intermédiaire de l'association Pôle surdité de Corse, unique association pour les quelque 600 malentendants que compte l'île méditerranéenne.
Pour se sentir intégrée
Au côté de Camille, Karima Mouro, 53 ans, également sourde de naissance, confie vivre "un moment rare". "C'est vraiment bien, les sensations progressent petit à petit. J'ai déjà été en concert mais je ne ressentais rien à part des vibrations par les pieds alors que là, je profite beaucoup mieux du concert avec le gilet", décrit-elle. "Je ressens toute la musique, j'ai envie de danser". Angélique Antonini, diagnostiquée sourde à 18 mois, accompagne, elle, sa fille de dix ans, Stella, qui est entendante et voulait absolument voir Angèle. "Je voulais lui faire plaisir et aussi ressentir la même chose qu'elle. Avec le gilet, je me sens intégrée", explique-t-elle. "Je ressens précisément le rythme, je pense que je peux ressentir les instruments et c'est vraiment incroyable", explique-t-elle, précisant qu'"avec les appareils auditifs, tous les bruits parasites ne sont pas filtrés donc on entend un brouhaha qui empêche de se concentrer sur la musique".
"Ressentir le rythme du cou aux cuisses"
Angélique a déjà testé le gilet lors d'un concert de violons : "Je me suis dit 'ah ok, c'est comme ça que fonctionne chaque type de violon et la vibration que chacun me faisait ressentir'". Quant à la danse, elle confie que, jusqu'à présent, l'incitation était liée à "l'environnement" : "Si je voyais des personnes danser, je dansais aussi par mimétisme mais avec le gilet ça me vient tout seul parce que je ressens le rythme, du cou aux cuisses".
Pour Léana, jeune femme entendante mais dont les deux parents sont sourds, ces gilets vibrants sont "l'occasion pour les sourds d'être là, de se dire qu'ils ont le droit de venir aux concerts". A l'issue du spectacle très chorégraphié de la star belge devant 6 000 spectateurs conquis, Camille, Karima et Angélique s'entendent sur un mot : "formidable". Même si Camille n'est pas sûre de renouveler l'expérience, sauf, peut-être, pour Florent Pagny qui a écrit une chanson en langue des signes. D'autres sourds pourront bénéficier des gilets le 2 août 2023 pour le concert de Michel Polnareff au festival Aio d'Ajaccio.
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