Ce soir-là, la représentation de Charlie et la chocolaterie fait salle comble. James a « la banane ». C'est la première fois que ce jeune homme autiste se rend au théâtre ; sa mère ne s'en était jamais sentie « capable » auparavant. Mais, ce soir, c'est différent... Elle se « relaxe ».
Le silence est d'or ?
Si l'accessibilité des lieux culturels s'améliore progressivement pour les personnes en situation de handicap moteur ou sensoriel, celles avec un handicap mental, cognitif, psychique ou un polyhandicap en restent, bien souvent, exclues. En cause, notamment ? Des comportements jugés atypiques (cris, applaudissements ou rire à « contretemps », besoin de commenter, de se lever...) « mal tolérés dans des salles de spectacle où le silence est aujourd'hui la norme et où l'étiquette est strictement codifiée », pointe l'association Ciné-ma différence, qui milite pour l'inclusion culturelle. Sans compter l'autocensure des personnes concernées et de leur famille qui ne se sentent pas toujours bienvenues ni légitimes...
Relax : des spectacles adaptés
Depuis une quinzaine d'années, les spectacles Relax tentent de battre ces préjugés en brèche, en proposant des représentations adaptées, en Europe et en Amérique du Nord. En France, ce dispositif a été lancé officiellement en décembre 2019 à l'Opéra comique de Paris (article en lien ci-dessous). L'association Ciné-ma différence s'est inscrite dans ce mouvement dès 2005 en rendant accessibles des séances de cinéma, puis, depuis 2016, des spectacles vivants (concerts, pièces de théâtre, opéras, spectacles de danse, de cirque...). Au total, un réseau d'une cinquantaine d'établissements propose ces représentations « hors normes » associées à des opérations de sensibilisation destinées au grand public. Outre les traditionnelles rampes d'accès et l'audiodescription, le dispositif de mise en accessibilité repose sur trois éléments essentiels : assouplir les codes, informer le public et former le personnel d'accueil. Objectif ? Favoriser le partage convivial des loisirs entre personnes avec et sans handicap. « J'ai un besoin particulier mais je n'ai pas nécessairement besoin d'un spectacle particulier », assure Jess Thom.
Tarif réduit, éclairage affaibli...
« Les spectacles sont proposés au public dans un environnement bienveillant et détendu où chacun peut exprimer ses émotions sans crainte ni contrainte », assure Ciné-ma différence. Des espaces-détente sont également prévus pour les spectateurs qui auraient besoin de faire une pause « si la charge émotionnelle pendant le spectacle devenait difficile à supporter ». Dans certaines salles, les niveaux sonores et lumineux sont adaptés afin de diminuer leur impact ou de réduire les effets de surprise. Par ailleurs, la grande majorité des structures proposent un tarif réduit pour les personnes en situation de handicap, souvent confrontées à des difficultés financières, ou pour l'ensemble du public. D'autres structures proposent, en outre, des jauges réduites mais aussi un questionnaire de satisfaction pour optimiser l'expérience des spectateurs.
Sensibiliser, accompagner et structurer
« L'accessibilité n'est pas une œuvre charitable, c'est un processus artistique engagé et potentiellement stimulant dont l'objet est de supprimer les barrières entre un spectacle et son public », explique David Bellwood, responsable de l'accessibilité du Globe theatre de Londres (Royaume-Uni). Selon Ciné-ma différence, il est essentiel de sensibiliser, dès la formation initiale, les artistes et les professionnels de la culture à l'importance de cette démarche. « Il leur sera en effet plus facile de l'inscrire dans leur carrière professionnelle si elle leur est familière et s'ils en comprennent les enjeux. » De son côté, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, souligne l'importance de donner à chacun les moyens de « s'éveiller librement au plaisir unique que procurent les œuvres d'art, de partager des expériences collectives singulières ». Elle se dit déterminée à « soutenir le déploiement le plus large possible de ce dispositif ». Pour ce faire, Ciné-ma différence incite à « structurer le concept Relax » dans l'Hexagone. « Un développement isolé, structure par structure, ne serait pas à la hauteur des défis auxquels il doit faire face », conclut l'association qui propose la construction d'un réseau international « permettant des échanges et un enrichissement des pratiques ». La suite au prochain « épisode » ? Dans son allocution du 24 novembre 2020, Emmanuel Macron a envisagé une réouverture de certains lieux de culture, notamment cinémas et théâtres, le 15 décembre prochain.