Spectacle Hors de moi: mieux vivre une maladie chronique

La comédienne Marie Astier a adapté au théâtre le beau texte de la philosophe Claire Marin, Hors de moi. Elle partage de manière très incarnée, bouleversante et intense, l'expérience intime de la maladie. À découvrir dès le 28 novembre 2021, à Paris

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Handicap.fr : Présentez-vous, en quelques mots...
Marie Astier : J'aime le théâtre dans toutes ses dimensions ! C'est pour cela que je suis metteure en scène, comédienne, dramaturge, professeure de théâtre, docteure en Arts du spectacle et, bien sûr, spectatrice. Je suis particulièrement sensible aux questions d'inclusion de celles et ceux qui s'éloignent de la norme dominante, sans doute parce que je suis moi-même une jeune femme vivant avec une maladie chronique.
 
H.fr : D'où vous est venue l'idée de donner un corps, une voix, au livre Hors de moi de la philosophe Claire Marin ?
MA : Sur les conseils d'un ami, professeur de philosophie (Frédéric Worms pour ne pas le citer), j'ai lu ce livre et cela a été un véritable choc. J'avais l'impression que Claire Marin avait réussi à exprimer ce que j'avais confusément ressenti à différents moments de ma vie de « malade chronique ». Ce qui m'a vraiment plu, c'est que l'auteure n'emploie pas le vocabulaire martial dont on nous rabat les oreilles (se battre contre la maladie, partir en croisade, être des battants et des battantes…) mais la métaphore de l'amant possessif avec qui il faut vivre en faisant des compromis. Cela a été pour moi un vrai déclic ; pourquoi se battre contre une maladie qu'on ne sait, de toute façon, pas guérir ? La lucidité du regard qu'elle porte sur la maladie chronique m'a aidée à en percevoir toute la complexité et à mieux vivre avec. Très vite, j'ai eu envie de partager mes découvertes et mes questionnements avec d'autres, à travers une adaptation théâtrale.
 
H.fr : Comment avez-vous adapté le texte pour la scène ?
MA : Avec Simon Gagnage, le metteur en scène, nous avons sélectionné certains passages du texte, ce qui a été vraiment très difficile, que nous avons ensuite montés selon un ordre chronologique qui n'est pas présent dans le texte initial. Sur scène, nous présentons aux spectateurs un parcours de vie qui va, en gros, de l'annonce du diagnostic à celle de la rémission. Nous avons également coupé toutes les références à l'auto-immunité présentes pour que le spectacle parle de la maladie chronique en général. Elles sont nombreuses ces maladies dont on ne sait que limiter les effets sans savoir les guérir.
Et, puisqu'il s'agit de maladie, il nous paraissait primordial de mobiliser le corps qui en est le lieu d'expression privilégié. Nous avons donc fait appel au chorégraphe Marcos Arriola et au compositeur Julien Roussel.

H.fr : Dans le spectacle, il y a des moments de danse, alors que vous n'êtes pas danseuse...
MA : J'ai accepté de sortir de ma zone de confort, de me retrouver en situation de vulnérabilité, parce que c'est une valeur importante pour moi. Esthétiquement et politiquement. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles ma compagnie s'appelle la Compagnie En carton. Il n'y a pas que la performance et la puissance dans la vie. N'ayons pas peur de la vulnérabilité !
 
H.fr : L'auteure ne cache rien de ce qu'elle ressent, en tant que « patiente », face à la maladie auto-immune dont elle est atteinte mais réalise 'Je dois vivre avec'. Que nous apprend-elle ? Quel regard nouveau porte-t-elle sur la maladie chronique ?
MA : Elle la regarde en face, avec lucidité et sans complaisance comme une maladie qu'on ne sait pas guérir. Elle ne berce personne d'illusion, ni elle ni les autres. Elle prend acte de cette réalité et ose affronter les questions qui y sont liées. Pour que le regard des autres puisse changer, peut-être faut-il que nous, personnes malades, commencions par changer le regard que nous portons sur nous-mêmes.

H.fr : Comment cela peut-il toucher les spectateurs qui n'ont pas cette expérience ?
MA : Le spectacle parle de la maladie mais ne s'adresse pas uniquement aux personnes malades et à leurs proches. Hors de moi pose vraiment la question de la place à donner à une « spécificité » dans son corps, dans son identité ? Ici, il s'agit de la maladie. Mais il pourrait tout aussi bien s'agir d'une catégorie socio-professionnelle, d'une couleur de peau, d'une orientation sexuelle, d'un traumatisme subi… Est-ce que je « cache » cette partie de moi ? Est-ce que je ne me définis qu'à travers elle ? La maladie précipite des questions existentielles, et parler de la maladie c'est parler de la vie !
 
H.fr : Présenté en 2019 à Gare au Théâtre, le spectacle a-t-il évolué depuis ?
MA : Oui. Le montage a un peu bougé, la scénographie s'est épurée, les intentions de jeu se sont précisées. D'une manière générale, je dirais que nous avons gagné en radicalité. Mais je ne veux pas trop vous en dire…

En pratique
 • Hors de moi, du 28 novembre au 21 décembre 2021, les dimanches, lundis et mardis à 19h au Théâtre des Déchargeurs 3 rue des Déchargeurs - 75 001 Paris. Tél : 01 42 36 00 50. Durée 1h10 (détails dans le lien ci-dessous).
 • Événements autour du spectacle : exposition de Camille Reynaud, Chroniques de nos jours invisibles, table ronde inter-associative « Maladie chronique et expérience patient », atelier de danse…

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