Une jeune femme âgée de 32 ans s'est défenestrée le 26 octobre 2016 en fin d'après-midi, à Thiais. Du 8e étage. Son corps a été découvert par des enfants du quartier en contrebas de son immeuble. Elle était maman de deux jeunes enfants autistes, découverts seuls dans l'appartement. Dans Le Parisien, une voisine se confie : « C'est une famille adorable mais qui connaît quelques difficultés. La maman s'occupait de ses enfants tous les jours et, pour elle, le quotidien était parfois difficile à gérer… ». Difficultés ?
Des menaces de signalement
La bénévole d'une association de parents d'enfants handicapés, qui a souhaité rester anonyme, était en contact avec cette maman depuis quelques jours. La famille aurait été menacée de signalement auprès des services sociaux si elle n'acceptait pas une orientation qu'elle ne souhaitait pas. Acculée, la jeune mère de famille avait lancé un appel de détresse auprès d'un collectif ; de nombreuses mamans avaient tenté de l'épauler, réaffirmant le fait que nul ne pouvait la contraindre à accepter une solution contre son gré. Pensant l'avoir rassurée. Ces derniers jours, elle avait également posté son témoignage sur les réseaux sociaux pour exprimer sa douleur. En vain…
L'arbre qui cache la forêt
Ce passage à l'acte n'est pas isolé : suicides, infanticides, dépressions sévères, coups d'éclat… La liste des parents d'enfants handicapés à bout s'allongent malheureusement au fil des années. Pour ne pas avoir à assumer, on évoque leur fragilité, on minimise en affirmant que c'est l'exception. Cette exception, c'est l'arbre qui cache la forêt. Combien sont-ils ces proches exténués par les abysses administratifs, la fatigue et les harcèlements ? Isolés, stigmatisés et confrontés à de graves difficultés financières en raison d'une compensation inadaptée. Comment s'étonner ensuite que certains craquent sous la pression ? Faut-il attendre qu'ils passent à l'acte pour mesurer leur désespoir ? Faut-il se contenter de tenir de sombres statistiques plutôt que de se pencher sur un mal profond qui touche bien davantage de parents que ceux qui, par leur geste désespéré, inscrivent leur nom dans la rubrique faits-divers.
Des placements abusifs
Sur les 308 000 enfants faisant l'objet d'une mesure d'aide sociale à l'enfance, un rapport du Défenseur des droits estime à 70 000 le nombre de ceux qui sont en situation de handicap. Le chiffre ne distingue pas ceux qui sont placés par mesure de protection de ceux qui le sont de manière abusive, mais c'est pourtant parfois le sort réservé aux parents qui osent revendiquer ce qui est bon pour leur enfant. « In fine, le droit de choisir revient uniquement aux parents, sans qu'ils n'aient à prendre le risque d'être broyés lorsqu'ils s'opposent à telle ou telle orientation, explique Céline Boussié, de l'association Handignez-vous !. Mais, pour éviter d'en arriver là, il en va de la responsabilité du Gouvernement de mettre en place des prises en charge adaptées, et en nombre suffisant. » Ils sont nombreux à dénoncer, à l'aune de cette tragédie, un « manque d'humanité de la part de certains services sociaux ». Ils sont nombreux à avouer avoir pensé au suicide. C'est le cas d'Estelle Ast, cette maman d'un garçon autiste qui était montée sur une grue ; dans une vidéo, elle témoigne : « Certains trouvent la force de ne pas aller jusque-là, d'autres pas. »
D'autres désespoirs…
Ce nouveau drame fait écho à l'histoire d'Emilie Loridan, maman de deux enfants dont une petite fille trisomique ; elle a mis fin à ses jours le 3 juillet 2016 suite à un imbroglio administratif entre la Belgique et la France qui l'avait privée de ses aides. Un collectif portant son prénom a vu le jour qui, face à ce nouveau drame, a adressé un mail à François Hollande ; il y exprime toute sa colère et réclame une commission d'enquête pour faire toute la lumière sur cette affaire et éviter que ces « dysfonctionnements ne perdurent ». De son côté, une association de parents a interpelé Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat en charge du handicap, dans une lettre ouverte. Sur un site dédié (Leetchi), une cagnotte a été ouverte pour venir en aide au papa et à ses deux enfants. Au nom de Briet.
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