Par Jean-Louis Santini
Le trouble du déficit de l'attention (TDAH), qui apparaît en général à l'enfance et peut persister plus tard dans la vie, peut également se manifester à l'âge adulte, révèlent pour la première fois deux vastes études menées au Royaume-Uni et au Brésil.
Un recours fréquent à la marijuana
Le TDAH, dont les symptômes sont la difficulté à se concentrer, l'hyperactivité et l'impulsivité, est l'un des troubles du comportement les plus fréquents chez les enfants, soulignent ces chercheurs dont les travaux paraissent en ligne mercredi dans la revue médicale américaine JAMA Psychiatry. Des scientifiques de l'Institut de psychiatrie, de psychologie et de neuroscience du King's College de Londres ont constaté que près de 70% des jeunes adultes souffrant du TDAH dans le groupe étudié n'avaient jamais été diagnostiqués quand ils étaient enfants. Quand le TDAH apparaît seulement à l'âge adulte, ses symptômes sont souvent plus sévères et handicapant et s'accompagnent aussi d'autres problèmes de santé mentale, relèvent les chercheurs. Ce trouble est souvent lié à un quotient intellectuel plus faible chez les enfants et pour ceux chez qui ce problème persiste adulte, il se manifeste par des difficultés dans les activités scolaires ou professionnelles, les relations avec la famille et les amis, une anxiété générale et un recours fréquent à la marijuana, notent-ils.
Jamais de symptômes dans l'enfance
Ces résultats, qui pourraient indiquer des causes différentes de ce trouble chez les enfants et les adultes, ont été confirmés par une étude menée indépendamment au Brésil. Les chercheurs brésiliens ont aussi identifié une importante proportion d'adultes souffrant du TDAH qui n'avaient jamais eu de symptômes dans leur enfance. Ces deux études confortent également des résultats de précédents travaux effectués sur un groupe d'adultes en Nouvelle-Zélande. Pour la professeur Louise Arseneault, du King's College, l'un des principaux auteurs de l'étude anglaise, son étude apporte des éléments inédits « sur le développement et l'apparition du TDAH tout en soulevant de nombreuses questions sur l'apparition de ce trouble à l'âge adulte ». Selon la Dr Jessica Agnew-Blais, également chercheuse au King's College et co-auteure de l'étude, « ce trouble de l'attention pourrait avoir été masqué enfant par un environnement familial protecteur ou pourrait s'expliquer par d'autre déficits de santé mentale ou de santé en général ».
Moins héréditaire à l'âge adulte
« Nous pensons qu'il est important de continuer les recherches pour déterminer les causes de cette apparition tardive du TDAH », estime-t-elle. L'étude britannique a porté sur plus de 2 200 jumeaux dont les symptômes du TDAH ont été évalués entre cinq et douze ans, en interrogeant les mères et à partir des évaluations scolaires. Quant aux jeunes adultes, ils ont été interrogés à partir de 18 ans pour établir un diagnostic et déceler d'autres problèmes mentaux éventuels. Sur les 166 adultes souffrant du trouble de l'attention identifiés dans ce groupe, 112 (soit 67,5%) n'en avaient pas les symptômes dans leur enfance. Ces chercheurs ont observé que ces personnes atteintes tardivement du TDAH extériorisaient moins leurs problèmes et avaient un quotient intellectuel plus élevé quand ils étaient enfants que ceux atteints de ce trouble dans l'enfance et qui persiste adulte. Ils ont aussi constaté que ce trouble était moins héréditaire quand il apparaît à l'âge adulte que dans l'enfance.
Bouleversement dans notre compréhension du TDAH
L'étude brésilienne menée par le Dr Luis Augusto Rohde, de l'hôpital Clinicas de Porto Alegre (HCPA), a examiné les données qui concernaient 5 249 personnes nées en 1993 et suivies jusqu'à 18 ou 19 ans. Les auteurs ont déterminé que 8,9% d'entre elles ont été diagnostiquées du TDAH à onze ans et 6,3% à 18 ou 19 ans. Sur les 393 enfants avec ce trouble à 11 ans, 60 (soit 15,3%) ont continué à en souffrir adultes. « Ces deux études étendues suggèrent un bouleversement dans notre compréhension du trouble de l'attention et de l'hyperactivité », estiment dans un éditorial le Dr Stephen Faraone de la Suny Upstate Medical University à Syracuse (New York) et le Dr Joseph Biederman, de la faculté de médecine de Harvard à Boston (Massachusetts). Selon les dernières estimations, 6,4 millions (11%) des enfants en âge d'être scolarisés aux Etats-Unis ont été diagnostiqués du trouble de l'attention. Environ 4,4% des adultes seraient affectés.
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