Prise en charge abusive, traitement inadapté, diagnostics peu fiables… Marie-Ange Frayssinet, mère de Benjamin, 9 ans, a de nombreux reproches à faire à l'Itep (Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) des Deux Rivières de Penne-d'Agenais, dans le Lot-et-Garonne, où son fils est placé depuis deux ans. Pourtant, la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) vient de notifier sa reconduction dans l'établissement jusqu'en 2019.
Sans bilan psychomoteur
Reconnu dyspraxique avec un TDAH (Trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité) à six ans, le garçon était suivi dans un Centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP). En 2014, le psychologue de ce centre, qui travaille également dans un Itep, oriente Marie-Ange vers l'Institut des Deux Rivières. « Pour intégrer Benjamin, l'Itep s'est basé sur le bilan psychomoteur et psychologique effectué en 2011, lorsqu'il avait trois ans. L'institut n'a effectué aucun bilan complémentaire comme préconisé par le CRA (Centre de ressources autisme) de Bordeaux, dénonce Mme Frayssinet. C'est d'ailleurs écrit sur l'avenant au contrat de l'Itep. » À l'arrivée de Benjamin à l'institut, le psychiatre lui prescrit du Quazym, traitement médicamenteux utilisé pour améliorer sa concentration et diminuer son impulsivité. « Il a fonctionné pendant six mois mais n'a plus aucun effet aujourd'hui. L'institut n'a toujours pas changé sa posologie, alors que, depuis, Benjamin a grandi et a d'autres besoins », remarque-t-elle.
Handicap non reconnu
En septembre 2015, le nouveau psychiatre de l'établissement réfute le diagnostic de dyspraxie et de TDAH. Selon lui, Benjamin souffre uniquement de troubles psychiatriques, non neurologiques. Il refuse d'actualiser le bilan psychomoteur de l'enfant. Pourtant, le CRA d'Aquitaine, contacté en avril 2014 par Mme Frayssinet, avait bien diagnostiqué une dyspraxie visuo-spatiale associée à un TDAH. « Benjamin ne coordonne pas ses gestes, il se repère mal dans l'espace, explique Marie-Ange. Ce sont ces troubles qui engendrent du stress et de l'hyperactivité. L'Itep perçoit ce comportement hyperactif uniquement comme trouble psychologique et ne prend pas en compte son TDAH ainsi que sa dyspraxie, qui sont un handicap invisible ».
« Fainéant, pas dyspraxique »
Marie-Ange sollicite alors l'Itep pour établir un nouveau bilan orthophonique susceptible de prouver que les troubles comportementaux de son fils sont dus à sa dyspraxie. Ignorant sa dysgraphie, l'orthophoniste de l'institut, face à la lenteur à laquelle Benjamin écrit, déclare que le garçon est « très fainéant ». Un constat déplorable selon Marie-Ange, qui préfère payer de sa poche pour se référer à un deuxième avis. L'orthophoniste libéral auquel elle fait appel conclut que son fils a besoin de rééducation pour écrire et constate que cette aide n'a jamais été mise en place. De son côté, l'Itep, contacté par téléphone, déclare être tenu par le secret professionnel et affirme ne rien pouvoir communiquer.
Une autre scolarité possible
Dans cet établissement où il passe ses journées, Benjamin est confronté à une grande violence physique et verbale lorsqu'il est au contact des autres enfants. Un Itep est en effet un établissement qui reçoit des enfants et adolescents présentant des difficultés psychologiques qui perturbent leur socialisation. « Benjamin se fait bousculer par des enfants très agressifs, qui ont un sérieux trouble du comportement. Un jour, plusieurs d'entre eux lui ont jeté un gros caillou à la tête ; nous avons dû l'emmener aux urgences ». En dehors de l'institut, Benjamin passe une demi-journée par semaine à l'école de Cauzac, son village, en classe de CE1. L'institutrice comme la psychologue de l'école sont formelles : cet élève a toutes les capacités intellectuelles et comportementales pour y poursuivre sa scolarité. « Il pourrait aller à l'école tous les jours, accompagné d'une auxiliaire de vie scolaire, affirme Marie-Ange. Il faudrait prendre en compte le fait qu'il a besoin de plus d'espace et de temps pour écrire par exemple. Ce genre de choses n'est pas non plus pris en considération à l'Itep. Et une demi-journée à l'école ne suffit pas pour qu'il puisse s'intégrer. » La situation échappe au garçon, qui se voit rejeté à l'institut, comme à l'école, par ses camarades. « Benjamin pense que tout ceci est de sa faute, observe Marie-Ange. Il souffre d'un handicap qu'on ne lui reconnaît pas et, faute de compréhension, a tendance à se refermer sur lui-même, comme beaucoup d'enfants dyspraxiques ».
Les parents ont-ils le choix ?
Pour inscrire Benjamin en milieu scolaire traditionnel, sa famille a fait appel à l'association Dys'Solutions France 47. Lundi 25 avril 2016, elle a déposé un recours gracieux auprès de la CDAPH (Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées) du Lot-et-Garonne afin de s'opposer à la reconduction en Itep. La décision devrait être rendue début mai 2016. Cette affaire ne fait que relancer le débat sur la possibilité pour les parents d'enfants handicapés de choisir l'orientation qui leur convient le mieux et témoigne de l'impasse dans laquelle certains se retrouvent lorsqu'ils contestent le choix des institutions. Quitte, parfois, à devoir faire appel à la justice...
La CDPH a donné sa réponse au recours gracieux de Mme Frayssinet lundi 2 mai 2016. La Commission maintient la reconduction de Benjamin en Itep. Pour le faire sortir de l'institut, Marie-Ange a fait appel à un médecin qui a reconnu une phobie scolaire de l'enfant. Aujourd'hui, la famille de Benjamin lutte toujours pour la réintégration de l'enfant en milieu scolaire traditionnel, mais l'Éducation nationale s'en tient aux décisions de la MDPH.
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