À partir du 15 septembre 2018, les actes de téléconsultation et de télé expertise par vidéo seront remboursés par l'Assurance maladie, comme les consultations « classiques », en respect du parcours de soin. Le développement de la télémédecine semble inévitable et apporte une réponse aux défis actuels et à venir de notre système de santé, à savoir : les difficultés d'accès aux soins sur le territoire, notamment dans les « déserts médicaux », le suivi régulier des patients rendu nécessaire par l'allongement de la durée de vie et l'accroissement des maladies chroniques. En France, on dénombre 12 millions de patients en ALD (affection longue durée) en 2016. Les nouvelles technologies à leur service ?
Téléconsultation, mode d'emploi
La téléconsultation, ça ressemble à quoi ? Patient et médecin ne sont pas physiquement dans la même pièce. Un rendez-vous est pris et, à l'heure convenue, chacun se place devant son écran. Le médecin a envoyé à son patient un lien l'invitant à se connecter sur un site ou une application sécurisés -plusieurs sociétés proposent ces plateformes de télémédecine souvent portées par les agences régionales de santé (ARS)-. Il faut que le lieu de « visite virtuelle » soit évidemment équipé d'une tablette ou d'un ordinateur doté d'une caméra et possède surtout une liaison internet de qualité pour pouvoir transmettre, le cas échéant, des images (photo, IRM, scanner…) ou des bilans d'analyses. A ce titre, les médecins bénéficieront par ailleurs d'un « forfait structure » de 525 euros par an pour acquérir l'équipement nécessaire. Le patient peut se rendre dans un espace dédié (maison de santé, cabinet d'un généraliste, d'une sage-femme, Ehpad, service hospitalier…) ou, s'il est équipé, rester chez lui ou dans une salle aménagée au sein de son entreprise…
Des cabines équipées
Les patients qui n'ont pas d'accès à internet ou ne sont pas à l'aise avec les nouvelles technologies peuvent être assistés par un autre professionnel de santé équipé, comme un pharmacien disposant d'un espace de confidentialité ou une infirmière venant à domicile. Selon les besoins, plusieurs équipements peuvent être associés comme un dermatoscope (caméra grossissante), un éléctrocardiographe, un stéthoscope connecté… Il existe déjà des « cabines de téléconsultation » entièrement équipées d'appareils de mesure (poids, détermination de l'indice de masse corporelle et d'examens facilitant le diagnostic (tensiomètre, stéthoscope, fond d'œil, otoscope pour lecture des tympans), en cours de déploiement dans des lieux facilement accessibles au public.
Un plus pour les personnes handicapées
Ce dispositif n'a pas pour objectif de se substituer au médecin traitant mais apparait comme un complément de l'offre de service pour répondre à certaines situations, notamment lorsqu'il n'y a pas de spécialistes à proximité. Il peut convenir aux personnes handicapées qui rencontrent des difficultés à se déplacer, que ce soit à cause d'un handicap physique ou mental lorsque le changement de cadre peut s'avérer perturbant. A ce titre, dès 2014, la MAS (Maison d'accueil spécialisée) Maison des Oiseaux, à La-Châtre (Indre), a expérimenté un système de téléconsultation pour ses résidents autistes et épileptiques en lien avec le CHU de Tours (article en lien ci-dessous). « Cela a permis d'éviter des transports parfois compliqués, l'attente, le stress. Nos jeunes avaient très peu accès aux soins spécialisés, notamment en psychiatrie et neurologie. Durant plusieurs années, nous avons fait fonctionner ce service à nos propres frais, faute de nomenclature, alors cette mesure est une excellente nouvelle », se félicite Marie-Lucile Calmettes, présidente de l'association À tire d'aile, à l'origine de ce projet.
Dans le Nord, TéléHandi est également un dispositif de télémédecine proposant, sur un territoire de santé, l'expertise d'une équipe mobile pluridisciplinaire (médecins, pharmaciens cliniciens, infirmières, psychologue). Ainsi, une infirmière spécialiste du handicap se déplace, par exemple dans un centre, avec une « valise », se connecte avec l'équipe hospitalière présente en direct qui procède, à distance, à l'examen des patients.
25 euros pour un généraliste
Il revient au médecin traitant, dans le cadre du parcours de soins, de décider de la mise en place d'une téléconsultation, sauf pour certains spécialistes que l'on peut déjà consulter en accès direct (par exemple gynécologues, ophtalmologues, psychiatres, neuropsychiatres, stomatologues…) et pour les patients de moins de 16 ans. Jusque-là expérimentale, depuis parfois déjà dix ans, cette nouvelle pratique qui propose désormais des codes et actes répertoriés va permettre sa généralisation sur tout le territoire et ainsi à la France de rattraper son retard. Le remboursement se fera sur la base des tarifs déjà en cours en « face à face » : 25 euros pour un généraliste et 30 pour un spécialiste. 70 % seront remboursés par l'Assurance maladie et 30 % par la complémentaire ; une prise en charge à 100 % est maintenue pour les affections longue durée (ALD).
La télé expertise aussi
Enfin, à partir de février 2019, la télé-expertise permettra à un médecin de consulter un confrère afin d'échanger sur le cas d'un patient sur un diagnostic, une lecture d'analyses ou la pertinence d'examens complémentaires afin de décider du traitement le plus adapté. Contrairement à la téléconsultation, la télé-expertise n'exige pas un échange vidéo.
De l'avis de la profession, une période de rodage sera certainement nécessaire avant que les consultations à distance ne deviennent « une réalité courante en France », selon les syndicats des médecins libéraux. Reste une question en suspens : comment seront être financés les accompagnants, infirmière ou aide-soignant, qui seront amenés, le cas échéant, à accueillir le patient ?
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