« Je pensais que c'était trop fou pour être vrai. » Lorsqu'Euro Airship présente pour la première fois son projet à Dorine Bourneton, celle-ci croit d'abord à une blague. Il y a trois ans, la startup française lui propose de participer à un tour du monde en dirigeable. Et pas n'importe lequel, « Solar Airship One », un géant des airs « rigide », à propulsion électrique. Objectif : présenter une nouvelle solution aérienne innovante et durable. Il n'en faut pas plus pour convaincre la voltigeuse aérienne en situation de handicap, sensible aux questions environnementales. Paraplégique depuis un accident d'avion à l'âge de 16 ans (Lire : Dorine, pilote paraplégique : TF1, un téléfilm sur sa vie), Dorine n'avait jamais renoncé à voler. Mais, aujourd'hui âgée de 48 ans, l'aviatrice explique avoir abandonné la voltige pour des raisons écologiques.
Une cabine accessible au fauteuil roulant
Alors, pour continuer de vivre sa passion pour le ciel, le projet éco-responsable d'Euro Airship est une aubaine. « Le dirigeable avait été oublié après la guerre car jugé trop dangereux mais, avec les technologies actuelles, on sait comment faire et on va lui rendre ses lettres de noblesse », explique-t-elle lors d'une visite au Salon aéronautique du Bourget le 23 juin 2023. Ce jour-là, elle parle du projet à l'association Hanvol qui accompagne les demandeurs d'emploi en situation de handicap dans les métiers de l'aéronautique, avec l'espoir de les embarquer dans cette aventure.
Il aura fallu plus de dix ans à la société française, basée à Pau, pour mettre au point ce « voyage épique », prévu en 2026. Dorine sera l'une des quatre pilotes et siégera dans une cabine « accessible à son fauteuil » aux côtés de Bertrand Piccard, explorateur et environnementaliste suisse, Jean-Pierre Haigneré et Michel Tognini, astronautes de l'Agence spatiale européenne (ESA).
40 000 kilomètres en 20 jours
Long de 150 mètres et doté d'une enveloppe recouverte de 4 800 m2 de voiles solaires, soit l'équivalent d'un terrain de football, le dirigeable volera sans aucun bruit, sans carburant fossile et sans émission de CO2. Une prouesse rendue possible grâce à l'énergie solaire, à des piles à combustible et hydrogène pour se propulser. « Un jour, une commerçante m'a laissée plantée dehors à cause d'une marche et ça m'a marquée à vie. Là, on va survoler 25 pays, et les marches je n'en ai plus rien à faire », ironise Dorine. Elle et son équipage parcourront 40 000 kilomètres en vingt jours en suivant une trajectoire proche de l'équateur, à une altitude moyenne de 6 000 mètres.
Une mobilité aérienne décarbonée
Transport, tourisme vert, fret, aide humanitaire, surveillance civile et militaire… A terme, cette innovation devrait servir différents secteurs et ouvrir l'ère de la mobilité (aérienne) décarbonée. Quant à Dorine Bourneton, elle souhaite, à titre personnel, faire figure de pionnière : « Il est important qu'une femme, de surcroit en situation de handicap, qui représente le dépassement de soi, soit rendue visible sur une telle aventure ».
Comme elle, d'autres sont gonflés à bloc. En juillet 2023, Samuel Marie devrait être le premier homme tétraplégique à diriger un ballon à air chaud adapté aux personnes à mobilité réduite (Lire : Des vols en montgolfière PMR ? C'est pour bientôt !) ! De quoi donner un « nouveau souffle » à un autre vieil aérostat, la montgolfière, et convaincre que le handicap n'empêche en rien d'atteindre le septième ciel.