Trouble psy : quand les enfants tyrans prennent le pouvoir

Face à la frustration et l'autorité, certains jeunes voient rouge. Violences physiques et verbales, chantage, menaces de mort... Les "enfants tyrans" font régner la terreur au sein du foyer. Lumière sur le TOP, trouble psychiatrique méconnu et tabou.

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« Avez-vous peur de votre enfant ? Est-il violent envers vous ? Avez-vous renoncé à beaucoup de choses à cause de ses réactions ? Constitue-t-il une entrave à vos prises de décision ? Avez-vous honte de ce qui se passe, avec lui, au sein de votre foyer ? » Selon l'association React, ces cinq questions « simples » permettent de repérer le comportement d'un enfant tyrannique. Chantage affectif, refus de l'autorité, menaces, violences physiques, verbales, psychologiques... Chez certaines familles, l'enfant est roi, littéralement, et trône au sommet de la hiérarchie familiale. Relayés au rang de « sujets », les parents n'ont plus la possibilité d'imposer leurs règles éducatives et endurent parfois l'inacceptable par amour pour leur enfant souverain ou par peur d'une nouvelle crise...

« Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant les élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne voient plus au-dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne, alors, en toute jeunesse et en toute beauté, c'est le début de la tyrannie », disait Platon. Face à ce « putsch » familial, de nombreux parents baissent les armes. L'autorité parentale est rompue, la communication aussi.

Un trouble psychiatrique, pas un problème éducatif

Halte aux idées reçues, l'éducation ne serait pas la cause de ce comportement régalien. Il s'agit en réalité, la majeure partie du temps, d'un trouble psychiatrique, appelé Trouble oppositionnel avec provocation (TOP), qui touche aussi bien les garçons que les filles et reflète une grande difficulté à gérer ses émotions. « Des Troubles déficitaires de l'attention et de l'hyperactivité (TDAH), de l'anxiété de séparation, obsessionnels compulsifs (TOC) et parfois du spectre de l'autisme (TSA), des conduites, des apprentissages ou encore un haut potentiel intellectuel etc., peuvent également être, associés », selon l'association React (Réagir aux enfants et adolescents au comportement tyrannique), créée en 2018 pour sensibiliser le monde médical et social sur ce trouble méconnu. Outre les préjugés, un autre obstacle fait barrage au diagnostic : les différences de comportement. Les « enfants tyrans » sont parfois « exemplaires » en dehors de la sphère familiale, ce qui amplifie la honte et la culpabilité qu'éprouvent certains parents mais aussi l'isolement, leur entourage remettant en cause leur témoignage. « L'enfant qui est anxieux et soucieux du regard des autres prend sur lui pour contrôler ses symptômes à l'extérieur de la maison mais c'est un effet cocotte-minute, et, dans le cadre sécurisant de la famille, c'est l'explosion ; le parent sert de punching-ball émotionnel », explique Nathalie Franc, pédopsychiatre au CHU de Montpellier.

Privé de PS4, il tente d'étouffer sa mère

Ce trouble semble impacter de plus en plus de familles, impuissantes, démunies, à bout de souffle. Le souffle coupé, c'est littéralement ce qu'a ressenti une mère de Perpignan, en 2018, après avoir confisqué la PlayStation 4 de son fils pour le punir d'avoir séché les cours. Une sanction inacceptable pour le collégien de 13 ans qui la projette sur son lit, la menace de mort à plusieurs reprises et tente de l'étouffer. L'alerte est donnée par le voisinage, l'adolescent est aussitôt placé en garde à vue pour « violences volontaires sur ascendant ». Il motive son geste par un refus de l'autorité. « L'intolérance à la frustration est quasi-systématique et provoque beaucoup de crises de colère et d'anxiété. Cela met l'enfant dans un état de stress permanent. Fréquemment, il se pose en victime et attribue la faute aux autres lorsqu'il se fait réprimander », analyse React. Un comportement « agressif » qui reflète une « souffrance » et un certain « mal-être », poursuit l'association. Selon les spécialistes, un enfant qui teste en permanence les limites cherche à connaître la place qu'il occupe au sein de la famille et interroge ainsi l'amour qu'on lui porte.

Communiquer et partager !

Ce trouble peut, par exemple, apparaître après la naissance d'un petit frère et refléter une peur de l'abandon. « Par bienveillance et intuition parentale, la réaction classique est la protection, qui entraîne un évitement (le parent souhaite éviter les frustrations ou les situations trop anxiogènes pour l'enfant) ce qui va renforcer les symptômes et donc, à plus long terme, le problème, observe Nathalie Franc. On parle d'hyperaccommodation parentale, décrite initialement dans les TOC de l'enfant. » Une décision « intuitive » mais « contreproductive », pointe-t-elle, après laquelle « il sera de plus en plus dur de faire marche arrière ». S'il n'y a pas de « recette miracle » pour éviter d'entrer dans ce cercle vicieux, il convient d'instaurer un nouveau dialogue et des temps en commun avec son enfant. Les maître-mots : jeux, transmission et partage !

Un (seul et unique) groupe de parole

Parce que les parents, aussi, ont besoin d'évacuer, de communiquer, le Dr Nathalie Franc a mis en place un groupe de parole hebdomadaire au sein du service de pédopsychiatrie du CHU de Montpellier. Il aborde notamment la guidance éducative, basée sur des thérapies comportementales et cognitives de la résistance non violente. L'objectif ? Apprendre aux parents des stratégies spécifiques pour reprendre le contrôle et éviter l'escalade de la violence. Conseil numéro un : ne jamais réagir à la violence à chaud. Son credo ? « Il faut battre le fer quand il est froid ! » Depuis sa création en 2018, ce programme a accompagné une centaine de familles et fait figure de pionnier. Cette prise en charge spécifique est, pour l'heure, unique en France et révèle ô combien cette problématique est taboue. Pour libérer la parole, le CHU de Montpellier propose également, depuis mars 2021, des ateliers en visio, afin de permettre aux parents de reprendre le pouvoir au sein de leur foyer.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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