Par Huw Griffith
Zion Ricks-Gaines est devenu aveugle en 2021 après s'être fait tirer dessus. Cela ne l'a pas empêché de poursuivre sa passion, le skateboard, bien au contraire... Il est plus déterminé que jamais à filer sur sa planche.
Le handicap, un moteur ?
"Je pourrais rester à la maison, tout triste, parce que j'ai perdu la vue, mais ça ne servirait à rien du tout, vous comprenez ?", lance-t-il. "Je veux toujours devenir pro, je veux encore pouvoir y arriver", assure ce jeune de 19 ans alors qu'il se prépare à effectuer une figure dans un skatepark de San Francisco (Etats-Unis). Pour Zion, il est désormais très important de partager son enthousiasme pour ce sport avec autrui. "Je veux lancer des activités skate pour les élèves après les cours. J'ai l'impression que je n'aurais pas vraiment envisagé ça si j'avais encore la vue", confie-t-il à l'AFP.
Le skate, un lien avec sa vie d'avant
La vie du jeune homme a pris un virage radical devant un bar l'an dernier, lorsqu'un homme ivre a commencé à tirer sur Zion et ses amis, qui rentraient chez eux. Il a été touché à deux reprises. Une balle a pulvérisé son œil droit, la seconde a percuté son orbite gauche, perçant le globe oculaire. Zion est, depuis, plongé dans les ténèbres : "C'est comme un ciel nocturne pourpre... sans étoiles". L'adolescent est resté longtemps hospitalisé et a fini par être équipé d'une prothèse oculaire. Plutôt qu'un "œil de verre" classique, il a opté pour le logo de sa marque de skate préférée, Spitfire, une flamme formant un visage ricanant, qu'il insère ou enlève à volonté. Il n'a pas fallu longtemps à Zion pour revenir au skatepark, où il a l'habitude de s'exercer depuis l'âge de douze ans. "Lorsque j'ai sauté sur ma planche, j'ai eu l'impression que j'avais quelque chose qui me reliait à ma vie d'avant", explique-t-il. "C'est comme si j'avais un poids en moins sur les épaules."
Ses amis, ses guides
Au parc, les skateurs enchaînent les acrobaties sur les rampes en bois, se retournant dans les airs pour retomber avec agilité, ou glissent dangereusement le long de bordures métalliques. Les chutes et les chocs sont nombreux même dans les meilleures conditions mais l'exercice est encore plus difficile quand on ne peut pas voir les obstacles, ni même la planche qui se trouve sous ses pieds. "Lorsque je tente un nouvel obstacle, j'évalue souvent les contours avec ma canne, ou je demande à un ami ce qu'il voit, comment il est agencé, ce à quoi je devrais faire attention, explique Zion. Et puis je me lance".
Ses sept années d'expérience en skate lui servent beaucoup et le jeune sportif fait avant tout appel à sa mémoire musculaire. "Si je veux réussir une figure, je sais que je peux y arriver en y allant et en n'ayant pas peur de tomber", poursuit-il. Ce qui n'empêche pas les chutes bien sûr. "Tout le temps !, rigole l'adolescent, mais c'est comme ça". "Je tombe plus maintenant qu'avant mais ce n'est pas lié au skate. Si j'essaye de glisser sur un rebord et que ça ne passe pas, je ramasse ma planche et je commence à marcher. Je me cogne sur le rebord et je tombe", raconte-t-il. Ses copains skateurs lui servent volontiers de guides.
Un jeune «super positif»
Dexter Lotz, ami de Zion depuis six ans, estime qu'il est devenu quelqu'un d'encore meilleur depuis qu'il est aveugle. "Il a toujours été positif mais maintenant il est super positif", lance-t-il. "C'est comme s'il avait eu une deuxième chance et qu'il a vraiment besoin d'en faire quelque chose... Il veut partager ça avec tous ceux qui l'entourent". Zion ne montre aucun signe de rancœur à l'encontre de son agresseur, qui attend de passer en jugement. C'est contre le fléau des armes à feu, qui tuent des dizaines de milliers de personnes chaque année aux Etats-Unis, qu'il est en colère. "Personnellement, je pense que nous n'avons pas besoin d'armes à feu", tranche-t-il. "J'ai l'impression que nous serions une bien meilleure société si nous apprenions le jujitsu ou un autre style de combat pour régler ça de cette manière, en laissant tomber les armes", insiste-t-il.
Zion veut avoir des enfants un jour prochain et espère pouvoir leur faire part de son expérience. Mais il prendra soin de ne jamais leur présenter les choses sous un jour négatif. "J'apprécie vraiment tout ce que j'ai. La façon dont vous prenez les choses, c'est 90 % de ce que vous avez", pense Zion. "Et je trouve que j'ai vraiment beaucoup de chance d'être là où je suis", assure-t-il.