Par Ivan Couronne
La mucoviscidose est une maladie génétique rare et héréditaire, incurable. Elle fait sécréter du mucus anormalement épais et visqueux, ce qui obstrue les voies respiratoires et le système digestif. Les malades s'essoufflent au moindre effort. Les enfants ont la maladie lorsqu'ils héritent de deux copies d'un gène défectueux de leurs deux parents porteurs sains. Elle était autrefois souvent fatale aux enfants et adolescents, mais l'espérance de vie s'est progressivement allongée grâce aux traitements, jusqu'à plus d'une quarantaine d'années pour les enfants nés récemment, selon la fondation américaine de la mucoviscidose (Cystic Fibrosis Foundation). Les traitements sont lourds pour nettoyer les poumons tous les jours : kinésithérapie respiratoire, séances d'aérosols, médicaments... Beaucoup de malades subissent des infections pulmonaires à cause de l'encombrement des bronches et doivent être hospitalisés plusieurs fois par an. Des greffes de poumons peuvent allonger la durée de vie.
Pour 90% des malades
90% des malades devraient pouvoir bénéficier du nouveau traitement car il cible la mutation génétique la plus répandue, appelée F508del. Au lieu de traiter les symptômes comme ci-dessus, il s'attaque à la cause sous-jacente : il répare la protéine qui ne fait pas son travail à cause de la mutation génétique. Jusqu'à présent, un peu plus de la moitié des malades pouvaient bénéficier de ce type de thérapies, avec une efficacité moyenne modérée. Le médicament nouvellement autorisé, fabriqué par les laboratoires Vertex, s'appelle Trikafta et combine trois molécules (elexacaftor-tezacaftor-ivacaftor). Il a été approuvé par l'agence américaine des médicaments, la Food and Drug Administration (FDA), le 21 octobre sur la base d'essais cliniques publiés jeudi dans les revues médicales New England Journal of Medicine et The Lancet. Les résultats des essais "documentent des bénéfices impressionnants", a commenté le patron des Instituts nationaux de santé aux Etats-Unis, Francis Collins, qui faisait partie de l'équipe ayant découvert le gène responsable, CFTR, en 1989.
Pas de guérison
Trikafta améliore de 10 à 14% les fonctions pulmonaires des patients, par rapport à un placébo et un traitement existant, respectivement, ce qui est très conséquent pour la qualité de vie de gens qui ont perdu, par exemple, 60% de leur capacité respiratoire. "C'est une percée formidable et une grande nouvelle pour les gens atteints de mucoviscidose", a célébré dans un communiqué Preston Campbell, le président de la Cystic Fibrosis Foundation. La trithérapie représente "un moment historique", a déclaré le docteur Raksha Jain, de l'université du Texas et auteur principal de l'étude parue dans le New England Journal of Medicine. Mais, ajoute Francis Collins dans un éditorial, "le grand jour (...) sera celui où les plus de 70 000 personnes atteintes de mucoviscidose dans le monde n'auront plus besoin de médicaments car une guérison permanente existera pour tout le monde".
Des comprimés à vie
Après la découverte du gène, les scientifiques espéraient développer une thérapie génique : c'est-à-dire remplacer le gène défectueux par un gène normal. Mais cette voie reste une impasse, et c'est pour cela que des chercheurs s'attaquent à la protéine dysfonctionnelle, en la faisant... refonctionner. Le premier médicament agissant ainsi sur la cause sous-jacente de la mucoviscidose (ivacaftor) a été autorisé en 2012. Les patients devront prendre des comprimés tous les jours pour le reste de leur vie. Des essais sont en cours pour tester Trikafta sur les enfants âgés de 6 à 11 ans. Quant à l'Europe, une demande d'autorisation vient d'être déposée auprès de l'Agence européenne des médicaments.