Par Sandra Ferrer
Le skipper de Groupe Apicil a franchi le 28 janvier 2021 à 12h18 la ligne d'arrivée auxSables-d'Olonne en sixième position après ce tour du monde à la voile, considéré comme le Graal de tous les marins. Son classement final devrait tomber après l'arrivée de Jean Le Cam qui, rappelons-le, bénéficie de 16h15 minutes de compensation suite au sauvetage de Kévin Escoffier.
"Les bizuts font 15e d'ordinaire"
"Vous vous rendez compte c'est la première fois qu'il fait le Vendée Globe ! C'est un 'bizut', généralement les 'bizuts' font 15e ou 20e, déjà s'ils terminent c'est bien", lance admiratif Serge Raphalen, vice-président du SNO Nantes, le club de voile du skipper depuis vingt ans. "Malgré un handicap qui pourrait être considéré comme majeur pour certaines personnes, il réussit à se transcender et à trouver des solutions pour avancer", poursuit celui qui est aussi à la tête de la ligue de voile des Pays-de-la-Loire. "Je ne me suis jamais mis de barrières et je n'ai jamais accepté qu'on m'en mette", assurait Damien Seguin quelques jours avant le départ, le 8 novembre du port vendéen, disant craindre davantage l'abandon qu'un accident, la fatigue ou la solitude à bord de son monocoque (Groupe Apicil) dont l'unique aménagement a consisté à placer un embout sur le "moulin à café" (winch) du cockpit afin qu'il puisse y placer son moignon.
Des pieds et des mains
Né le 3 septembre 1979 à Briançon, le jeune Damien quitte avec sa famille les Hautes-Alpes à l'âge de dix ans pour la Guadeloupe, où il va rester une dizaine d'années. C'est sur la mer des Caraïbes qu'il va découvrir la voile avant de mener deux carrières de front, l'une en voile paralympique, l'autre en course au large. Dans cette dernière, le double champion paralympique choisit le circuit Figaro, pour se former à la course en solitaire. Sa participation en 2005 lui est cependant refusée en raison de son handicap. Un coup dur qui le pousse à créer "Des pieds et des mains", une association qui soutient des jeunes sportifs handivoile. La même année, il remporte le titre de champion du monde en 2,4 mR (4,20m), puis à nouveau en 2007, 2012, 2015 et 2019.
Champion avant tout
A son actif également, trois participations à la Solitaire du Figaro, quatre à la Route du Rhum et trois à la Transat Jacques Vabre dont la dernière en 2019 en Imoca, les monocoques stars du Vendée Globe. "C'est un athlète et un champion avant tout, on oublie totalement son handicap par rapport à sa performance", dit de lui la secrétaire d'Etat au Handicap Sophie Cluzel dans un entretien à l'AFP. Son parcours "ne peut que faire avancer la cause des personnes handicapées, qui veulent vivre dans une société inclusive et réussir même quand depuis leur naissance on leur a dit que ça va être compliqué", prédit-elle.
Vélo, ski et alpinisme
Damien Seguin a eu la chance d'avoir des parents qui ne lui ont jamais mis de limites. "On s'est toujours dit qu'il saurait tout faire comme tout le monde", se souvient sa mère Isabelle Seguin. Il fera donc du vélo, du ski et même de l'alpinisme avec son père, guide de haute montagne. "On n'a jamais rien adapté pour lui, sauf pour son vélo, on a changé le frein de côté pour qu'il évite le gadin du frein avant", raconte l'infirmière à la retraite, évoquant "un gamin très volubile et toujours souriant". Et c'est souriant malgré les épreuves que ce père de deux enfants est apparu dans les vidéos postées sur le site de la course tout au long de celle-ci. "En mer il est dans son élément, il est heureux", avance sa femme et responsable de son équipe Tifenn Seguin, certaine de sa volonté de repartir dans un tour du monde dans quatre an avec "l'objectif de gagner, pourquoi pas...".
© Yvan Zedda / Alea Production