Finish du 28 janvier 2021
Damien Seguin, premier skipper handisport à participer au Vendée Globe a franchi la ligne d'arrivée aux Sables d'Olonne ce jeudi 28 janvier à 12 heures 18 minutes, 20 secondes. Il aura mis 80 jours, 21 heures, 58 minutes, 20 secondes pour boucler ce tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance soit 18 heures, 13 minutes, 34 secondes de plus que Yannick Bestaven, vainqueur de cette 9e édition du Vendée Globe.
Le skipper de Groupe APICIL a parcouru les 24 365,74 milles du parcours théorique à la vitesse moyenne de 12,55 nœuds. Auteur d'une course exceptionnelle et d'un final haletant à la lutte pour la 6e place avec Giancarlo Pedote, le triple médaillé paralympique est le premier bateau à dérives à franchir la ligne aux Sables d'Olonne. Son classement final devrait tomber après l'arrivée de Jean Le Cam qui – rappelons-le – bénéficie de 16h15 minutes de compensation suite au sauvetage de Kévin Escoffier. Le skipper de Yes We Cam est attendu dans la soirée.
Article initial du 21 janvier 2021
Le 20 janvier 2021, il navigue au large des îles du Cap vert. Dans la course depuis plus de 70 jours déjà. Cinquième ! Avec en ligne de mire une dernière ligne droite jusqu'aux Sables-d'Olonne, point de départ et de retour de ce Vendée Globe 2020, la course en solitaire la plus éprouvante au monde. Ce skipper hors-pair, c'est Damien Seguin qui concourrait pour la première fois portant les couleurs du groupe Apicil.
Une finale sous haute tension
Tout juste sorti d'un éprouvant passage du Pot au Noir, Damien s'est engagé dans une lutte finale sous haute tension. L'outsider est en train de réaliser un exploit hors norme salué par le monde olympique et paralympique, sa famille de cœur. Par les medias aussi qui, à une grosse semaine de l'arrivée, s'intéressent plus que jamais à ce marin né avec une petite singularité. Damien n'a en effet pas de main gauche… Il fut un temps où, pour ce motif, il s'était vu refuser l'inscription à la Solitaire du Figaro. Depuis, il a fait un bout de chemin, bravant les mers et surtout les préjugés. Il est le premier skipper handisport à participer à cette course mythique autour du monde, sans escale et sans assistance. Celui qui avait pour objectif de « terminer la course » semble lui-même étonné par sa prouesse : « On n'avait pas préparé ce Vendée Globe pour réaliser une performance comme celle-là ».
Un enfant des Paralympiques
Les Jeux ont occupé sa vie durant près de 20 ans. Ses quatre préparations paralympiques ont exigé un investissement sans faille pour atteindre le sommet. Deux médailles d'or à Athènes, une d'argent à Pékin ! Des souvenirs inoubliables et le sentiment extrême d'avoir tout donné et de maîtriser la finesse de son support favori, le 2.4 mR, petit quillard paralympique. Ce natif de la montagne (Briançon) compte parmi les athlètes français les plus titrés car il a aussi été sacré cinq fois champion du monde de 2.4 (article en lien ci-dessous). C'est un homme de défi. Animé par la compétition au plus haut niveau, il participe au circuit paralympique tout en cultivant son envie de course au large en solitaire. Figaro et Class 40 ouvriront cette voie pour finalement atteindre le Graal du solitaire mais cette fois en course au large : la classe IMOCA et le Vendée Globe.
Une préparation sans faille
Pour se préparer à ce défi extrême, Damien a employé la même méthode que pour les Jeux paralympiques, choisi avec précision les personnes qui devaient l'entourer et fait preuve d'une rigueur extrême. Depuis le 8 novembre 2020, il mène son Groupe Apicil tambour battant face à des bateaux dernière génération et équipés de foils, tandis que son monocoque ne dispose que de dérives droites. Il qualifie lui-même ce bateau de 2008 de « dinosaure » et assure que « personne n'aurait misé un kopeck sur lui ». Quatrième au moment de franchir le Cap Horn, il est l'une des révélations de ce Vendée Globe. Il découvre, s'adapte, ne relâche pas son attention une seconde, se bat pour gagner le moindre mille et… partage. Sourire toujours rivé sur un visage parfois fatigué, il raconte avec passion sa compétition, explique comment il s'est sorti de ses galères de pilote automatique ou s'émerveille à l'heure de croiser deux rorquals venus le saluer la veille de Noël.
Hommage des champions
Le double champion paralympique est désormais piqué aux quatre océans ( Atlantique, Indien, Pacifique, Austral) et est heureux de partager son aventure avec ceux qu'il a côtoyés à Athènes, Pékin, Londres ou Rio. Ces athlètes olympiques et paralympiques avec lesquels il a souvent tissé des liens forts lui témoignent aujourd'hui leur admiration. « Damien m'inspire en tant qu'homme, bien au-delà du handicap. Il vit pleinement ses rêves, c'est ça qui l'anime », explique Michaël Jeremiasz, champion paralympique de tennis fauteuil. Hommage rendu également par Tony Estanguet, président du comité d'organisation de Paris 2024 et triple champion olympique de canoë : « Ça me fait tellement plaisir de voir Damien réussir. Il compte énormément pour la reconnaissance des Jeux paralympiques. C'est grâce à des champions comme lui que les choses évoluent ».
« La course de Damien est dingue ! Elle est folle !, témoigne à son tour Kevin Péponnet, membre de l'équipe de France de Voile, champion du monde de 470 avec Jérémie Mion. Ça ne devrait pas se passer comme ça. Il ne devrait pas être dans le rythme des foilers. Pas sur le papier en tout cas. Et, pourtant, il fait une course incroyable ! Je ne sais pas s'il ménage ou pas son bateau mais il est dans le coup. » Le dernier mot à Thierry Poirey, son ex-entraîneur en 2.4 : « Il est dur au mal. Quand il a un os, il va le ronger jusqu'au bout. Son Vendée Globe est complétement réussi ; même avant le Cap Horn, il avait déjà marqué les esprits ».
©Jean-Louis Carli / Groupe Apicil