Des résidents filmés 24h sur 24, à leur insu ? Cela se passe à la MAS (Maison d'accueil spécialisée) Vercors, en Seine-et-Marne. Le Défenseur des droits s'est saisi de l'affaire et a rendu sa décision. Rappel des faits…
Une maman s'indigne
Madame X porte à la connaissance du Défenseur des droits la mise en place d'un dispositif de vidéosurveillance continue au sein de la maison d'accueil spécialisée dans laquelle réside son fils. Dans les couloirs, les parties communes et jusque dans les chambres… Or aucune famille n'a été jamais avertie de ce dispositif ; aucune n'y a consenti. Pas même la plupart des salariés qui ont, eux aussi, droit au respect de leur vie privée et doivent être informés de la mise en place d'une vidéosurveillance sur leur lieu de travail. D'autant que les images, parfois intimes, projetées dans une salle dédiée sur une mosaïque d'écrans, peuvent être vues par l'ensemble du personnel, en direct ou en différé. D'anciens salariés de la MAS évoquent des « abus de visionnages s'accompagnant de moqueries, notamment au vu des images de scènes intimes ».
Pas de réponse, une enquête
Malgré plusieurs relances du DDD, la direction ne réagit pas. Ses services décident donc de dépêcher des enquêteurs en mars 2016. Qui confirment la mise en place totalement illégale de ce dispositif et surtout l'absence de consentement des personnes concernées et de leurs proches. La direction invoque alors des « raisons de sécurité », certains résidents étant sujets à l'épilepsie. Or l'emploi de la vidéo-surveillance en milieu hospitalier, bien que courant, ne concerne généralement que les parties communes des établissements, tels les couloirs, les issues de secours, l'accueil, le quai de livraison, l'entrée principale et les accès aux zones sensibles (maternité et pharmacie par exemple). En revanche, le fait de filmer un patient dans sa chambre pour des raisons de sécurité se heurte aux restrictions légales et n'est pas autorisé sans son consentement. Ainsi, si un tel dispositif peut, à certains égards, trouver sa justification dans cet objectif, il ne saurait, notamment au cours de la journée, se substituer à la surveillance physique exercée par les professionnels de l'établissement.
Un risque pénal
Loïc Ricour, directeur du pôle santé du Défenseur des droits, qualifie cette situation « d'acte délibéré de maltraitance à l'égard de personnes en situation de handicap, et donc particulièrement vulnérables », qui réduit à néant leur droit à l'intimité. Le DDD dit ne jamais avoir été alerté sur des situations similaires. Rappelons que le fait de filmer et d'enregistrer un résident sans son consentement dans sa chambre, considérée comme un lieu privé, est passible d'un an de prison et de 45 000 € d'amende.
Le Défenseur rend sa décision
Face à cette situation inédite, le Défenseur des droits a donc « recommandé » à la direction de l'établissement de cesser ses pratiques illégales, de solliciter les autorisations requises, d'informer les personnes concernées et d'adopter un usage de la vidéosurveillance raisonné et respectueux de la vie privée. Il a également alerté l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France, la Haute autorité de la santé, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et le préfet de Seine-et-Marne. Le DDD en profite pour encourager la Ministre des Affaires sociales et de la Santé à rappeler les exigences légales relatives aux dispositifs de vidéosurveillance dans les établissements sanitaires et médico-sociaux.
Problème résolu ?
La direction de l'établissement a deux mois pour réagir, au risque de ne pas voir son autorisation de fonctionnement reconduite en 2017. Mais Marcel Hérault, président de l'association Sesame Autisme Gestion et Perspectives, qui gère l'établissement incriminé a assuré que « les choses étaient résolues. Ce sont des faits passés et anciens ». M. Hérault a expliqué que c'est l'ancien directeur de l'établissement qui a « installé il y a six ans ces caméras dans les chambres ». « Je lui ai aussitôt demandé de définir un protocole d'utilisation, ce qui n'a pas été fait ». L'homme a été licencié en décembre 2015 remplacé par un directeur par intérim puis par une nouvelle directrice depuis le 6 juin.
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