La France respecte-t-elle ses engagements internationaux à l'égard des personnes en situation de handicap ? Pas toujours répond la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), instance nationale chargée de contrôler le respect par la France de ses engagements en matière de droits de l'Homme et de « conseiller » les pouvoirs publics sur cette question. Deux projets de loi sont dans son collimateur ; elle rappelle donc le gouvernement à l'ordre dans une déclaration adoptée à l'unanimité lors de l'assemblée plénière du 3 juillet 2018.
Deux lois sur la sellette
La France doit bientôt être examinée par le Comité des Nations unies des droits des personnes handicapées, qui se prononcera sur la conformité de ses politiques à la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Cet examen interviendra alors que, lors de sa visite en octobre 2017, la Rapporteure spéciale de l'ONU (article en lien ci-dessous) s'est alarmée du choix français d'aborder la situation de ces citoyens sous l'angle de l'assistanat et du soin et non des droits fondamentaux, pourtant la façon la plus adéquate de garantir la pleine citoyenneté et l'égalité. La CNCDH s'était félicitée que le sujet du handicap émerge dans la campagne présidentielle mais, un an plus tard, deux projets de loi nourrissent ses inquiétudes et, selon elle, « témoignent d'une incompréhension des principes promus par la Convention ». Cette prise de position fait écho à une vaste déferlante de contestations des personnes concernées, appuyée par les associations, le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) ou encore le Défenseur des droits. La particularité de la CNCDH c'est de placer ce débat sur un terrain non négociable, celui des droits de l'Homme.
ELAN : un leurre évident !
Le premier texte récriminé, c'est le projet de loi ELAN. Une des mesures les plus contestées prévoit le passage de 100% à 10% de logements accessibles aux personnes en situation de handicap dans la construction neuve, les autres devant être « évolutifs » (articles en lien ci-dessous). Selon la CNCDH, « cette régression remet en cause le principe d'accessibilité universelle, garanti jusqu'ici par la loi du 11 février 2005, laquelle prévoyait que tous les locaux doivent être accessibles à tout public, sans créer de ghetto ou quotas, et en limitant les surcoûts par la création d'infrastructures profitables à tous ». Quant au principe du logement « évolutif », il signifierait la possibilité d'effectuer des travaux à moindre coût dans le logement afin de le rendre éventuellement accessible aux personnes handicapées. La transformation de l'obligation d'accessibilité en obligation d'adaptabilité est un « leurre évident », selon la commission, qui entraînera des « discriminations supplémentaires dans l'accès au logement ». Elle rappelle que cette mesure contrevient au principe du choix du lieu de résidence énoncé par l'article 19 de la Convention des Nations unies, les personnes handicapées n'étant pas tenues de « vivre dans un milieu de vie particulier ».
Avenir professionnel : le droit au travail
Le second est issu du projet de loi Pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le texte prévoit une réforme d'ampleur qui pourrait avoir de nombreuses conséquences sur l'accès au travail, à la formation, à l'apprentissage et aux dispositifs de lutte contre le chômage des personnes en situation de handicap. En particulier, sous couvert de simplification et de modernisation, la rénovation de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés qui est annoncée est susceptible d'avoir des effets directs sur leur accès à l'emploi. « Or, si des améliorations peuvent être apportées au dispositif français d'insertion par le travail, à bien des égards perfectibles, elles doivent tendre à une meilleure intégration sociale et professionnelle et se faire conformément à l'article 27 de la Convention internationale », précise la CNCDH. Cet article défend un « droit au travail librement choisi, sur la base de l'égalité avec les autres, en milieu ouvert et accessible ».
Enfin, l'article 44 de cette loi, relatif à la mise en accessibilité des sites internet publics, est également au cœur de ses préoccupations ; la commission entend défendre cette obligation « sans multiplier les possibilités d'exceptions ». Derrière ces enjeux du logement et du travail, conclut-elle, c'est bien le projet d'une société inclusive, fondée sur le respect des droits fondamentaux, qui est mis en cause. Mis à mal ?