Handicap.fr : Vous sortez « Fauteuils en état de siège » ? De quoi ce recueil traite-t-il ?
Paul Samanos : C'est mon premier recueil de dessins humoristiques, édité chez « La boite à bulles », et sorti le 7 mai dernier, qui suit les tribulations d'un petit bonhomme en fauteuil roulant.
Handicap.fr : Vous êtes vous-même handicapé, comment avez-vous pu dessiner ?
PS : En effet, je suis tétraplégique suite à un accident de rugby à l'âge de 16 ans. Pour m'aider, à l'époque, mes copains ont fait une collecte et ont dépensé une fortune pour m'acheter les tout premiers modèles de Mac. Je réalise donc mes dessins avec une souris.
Handicap.fr : Alors ce « petit bonhomme » qui inspire votre plume, c'est un peu vous
PS : Physiquement non, mais dans l'esprit, il me ressemble beaucoup. Je l'ai inventé car, à l'époque où j'étais étudiant à Bordeaux, j'aimais bien dessiner pour amuser autour de moi et comme avec le handicap je me heurtais régulièrement à des situations absurdes, nourries par les malentendus, le désir de bien faire, le manque de spontanéité, j'ai compris qu'il y avait vraiment matière à faire rire avec ça. J'ai multiplié les dessins avec ce petit bonhomme, qui ne porte pas de nom, et je me suis rendu compte que j'y étais attaché. J'ai fait avec lui plusieurs festivals de dessin humoristique, avec quelques prix à la clé. Je suis soulagé car j'ai pu mener mon projet à bien. Son existence est acquise et, à travers lui, c'est un peu la mienne qui est reconnue. J'aurais été triste qu'il finisse dans un tiroir...
Handicap.fr : On voit peu de dessins humoristiques sur le thème du handicap ?
PS : Au début de mon aventure, en 1989-90, j'étais un peu précurseur : nous avons pu participer à des évènements en lien avec le handicap ou pour des publications spécialisées, mais je me suis rendu compte qu'il ne « fonctionnait » que lorsque j'étais présent, parce qu'on trouvait normal qu'une personne handicapée puisse faire de l'humour sur le handicap. Mais en mon absence, ca coinçait !
Handicap. fr : Il faut donc être handicapé soi-même pour se permettre de rire du handicap ?
PS : Pas tout à fait mais je crois que je peux me permettre plus de choses que d'autres. Il y a aujourd'hui pas mal de dessinateurs qui osent aborder ce thème. Je pense notamment à « La bande à Ed », la première bande dessinée dont le héros est handicapé. Elle a été créée par un instituteur valide et elle est très intéressante, mais j'ai l'impression qu'il reste prudent. Dans le domaine de l'humour catégoriel, il est toujours plus facile d'être impliqué. L'autodérision peut sembler plus légitime !
Handicap.fr : C'est un peu le problème de Patrick Timsit à qui l'on a reproché ses paroles sur les trisomiques ?
PS : Je l'aime beaucoup, mais son sketch était tout de même un peu dégradant. On peut être acide sans être blessant. Lorsqu'on fait de l'humour, on doit imaginer aussi les conséquences de ses propos. Et, si on se goure, on s'excuse.
Handicap. fr : Les personnes handicapées seraient donc des « intouchables » ?
PS : Nous nous trouvons dans une situation un peu ambiguë où, à une certaine époque, les gens mettaient les handicapés de côté car on ne les croyait pas dignes d'intérêt. Aujourd'hui, on les met de côté autrement, en les respectant un peu trop. Il y a ce côté « vache sacrée » qui m'exaspère un peu. Alors je me permets de les égratigner, par exemple à travers des petits anges qui s'en donnent à cœur joie en bêtises.
Handicap.fr : Mais qui est vraiment blessé, les personnes handicapées elles-mêmes ou l'entourage ?
PS : Je vais vous citer un exemple : celui de Stéphane Guillon qui, lors d'une chronique sur France Inter, s'est moqué des Jeux paralympiques. C'était franchement drôle mais il s'est fait remonter les bretelles par certains parents de personnes handicapées alors que les principaux intéressés n'avaient pas réagi.
Handicap.fr : Y-a-t-il des limites que vous vous imposez ?
PS : Instinctivement, je ne suis pas très méchant, même si j'adore forcer le trait. J'aborde par exemple les questions de sexualité, un thème sur lequel il existe une gêne considérable. On a tendance à penser que les personnes handicapées sont des êtres purs et innocents alors qu'elles ont aussi des désirs, des frustrations et des plans drague un peu foireux. Ma seule limite, encore une fois : éviter de blesser. Je trouve que lorsque Michel Leeb imite les « nègres », il peut faire mal.
Handicap.fr : Avez-vous néanmoins des détracteurs ?
PS : Pas vraiment pour le moment. J'ai plutôt des remarques assez positives. J'essaie de mélanger humour et intention pédagogiques pour, qu'à la fin du livre, le lecteur soit amené à se poser les bonnes questions. Bien sûr, ma mère a adoré (je peux toujours compter sur elle !) mais aussi par pas mal de gamins valides alors, qu'a priori, je ne m'adressais pas à eux. Le seul reproche qu'on me fait, c'est que ce livre est un peu trop bref et qu'il se lit trop vite. C'est bon signe, non ? Peut-être que les accros en redemanderont...