Les enfants autistes sont-ils à mauvaise école ?

Le Collectif Autisme lance, en mars 2011, une grande campagne pour dénoncer le manque de scolarisation des 90 000 enfants autistes en France. Entretien avec Marcel Hérault, président de Sésame autisme, l'une des associations signataires.

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Handicap.fr : Des spots télé, des articles dans la presse. La scolarité des enfants autistes est dans tous les médias...
Marcel Hérault
: En effet, notre campagne a pour but d'alerter l'opinion publique et les autorités sur cette situation. Il faut savoir que l'évaluation de l'autisme a changé et, aujourd'hui, entre 0.6 et 1% des enfants naissent avec un syndrome autistique. Ca concerne plus de familles qu'on ne le pense...

H
: Quel est le slogan de votre campagne ?
MH
: « Ne laissons pas 80% des enfants autistes à la porte de l'école. Ils ont besoin d'apprendre comme les autres ».

H
: Quand et où pourra-t-on la voir ?
MH
: Elle est déjà à l'affiche. Le spot télé sera diffusé près de 500 fois, et des encarts sont publiés dans la presse. Par ailleurs, un guide édité à 65 000 exemplaires devrait être distribué dans tous les établissements scolaires, dès la maternelle.

H
: Combien d'associations composent ce nouveau collectif ?
MH
: Cinq : Autisme sans frontières, Autisme France, Pro aid autisme, Asperger aide France et Sésame autisme.

H
: Les relations entre-elles n'ont pas toujours été sereines mais vous avez pourtant décidé de faire front commun ?
MH
: Oui, des gens divisés depuis si longtemps sont, depuis octobre 2010, date de création du collectif, capables de se rassembler. A l'origine de ce rapprochement, nous souhaitions que l'autisme soit déclaré grande cause nationale. C'est la « solitude » qui a été choisie en 2011 ! Mais nous comptons bien représenter notre dossier pour 2012. Depuis, ce collectif œuvre pour mettre en place de grandes actions, notamment la promotion de la journée internationale de l'autisme qui, à l'initiative de l'ONU, a lieu depuis quatre ans le 2 avril.

H
: Vous affirmez donc que l'école française ne veut pas des enfants autistes ?
MH
: C'est un peu cela ! Seulement 20% des enfants autistes sont aujourd'hui inscrits à l'école, mais 15% sont réellement scolarisés. Sur les 80% restants, 30% sont accueillis en institut médico-éducatif ou en hôpital de jour, et, dans ce deuxième cas, l'accompagnement éducatif est rarement proposé. Les autres ne sont accueillis nulle part, et ce malgré la loi de 2005 qui reconnaît à tout enfant handicapé le droit d'être scolarisé, et le droit à l'éducation qui est inscrit dans la Constitution.

H
: Mais pensez-vous vraiment que tous les enfants autistes seraient épanouis à l'école ?
MH
: Non, nous ne voulons évidemment pas « imposer » tous les enfants autistes dans des classes ordinaires. Certains ont de graves déficits intellectuels, et une scolarité à plein temps peut évidemment être discutée. Mais cette solution conviendrait à plus de la moitié d'entre eux, et pourrait être tentée systématiquement en maternelle car le bénéfice de la socialisation est très important, pour tous d'ailleurs. Deux ou trois ans à l'école, c'est déjà cela de pris ! Quant aux enfants Asperger (dits à haut potentiel), qu'est ce qui justifie de ne pas les accueillir, en leur proposant un suivi parallèle avec des psychologues, des éducateurs ou un SESSAD ?

H
: La scolarité en milieu ordinaire est-elle votre priorité ou prônez-vous également la création d'établissements spécialisés qui font encore cruellement défaut ?
MH
: Nous ne demandons évidemment pas la disparition des IME et SESSAD, mais nous exigeons que l'Education nationale fasse son travail. Notre collectif ne plaide pas seulement pour le droit à la scolarité mais tout au moins à l'instruction. Or, dans un IME sur deux, l'Education nationale n'a pas délégué d'enseignants.

H
: Et la loi de 2005, elle ne sert donc à rien ?
MH
: En France, on rédige de jolies lois, des lois alibi pour se donner bonne conscience, qui sont faites pour être votées mais pas appliquées. En 2005, les ministres étaient tout sourire mais, pour ce qui est de l'application, aucun d'eux ne s'en préoccupe.

H
: Pourquoi, alors que l'intégration des enfants handicapés dans les écoles est de plus en plus fréquente, les enfants autistes restent sur la touche ?
MH
: Une enquête menée auprès des enseignants et de l'opinion publique révèle que le regard porté sur l'autisme n'est pas très indulgent. Mais, plus largement, c'est un problème très français : le handicap fait peur car les personnes handicapées ont toujours été confinées et nous n'avons pas pris l'habitude de vivre ensemble.

H
: On peut donc comprendre la réticence des instituteurs qui ne sont pas formés à cet accueil spécifique ?
MH
: Il est vrai que si l'on donne aux enseignants uniquement des charges sans aucun moyen, ce n'est pas viable. On risque de modifier dans le mauvais sens le regard porté sur le handicap, de faire régresser les mentalités et de les acculer à adopter une position défensive. Seuls 18% d'entre eux estiment que l'école ordinaire est le meilleur environnement pour les enfants atteints de troubles autistiques. Le peu de formation au handicap et le manque de moyens humains sont cités comme les principaux freins à leur intégration dans un établissement « classique ».

H
: On évoque le modèle de certains pays. Pourquoi ça ne fonctionne pas en France ?
MH
: En Italie, par exemple, il n'y a pratiquement plus d'établissements spécialisés. Lorsqu'un enfant handicapé est accueilli dans une classe, on divise l'effectif par deux pour optimiser la prise en charge. Mais encore faut-il que l'Etat accepte d'y mettre les moyens ! Et ce n'est même pas une question d'argent puisqu'un enfant scolarisé en milieu ordinaire, même avec une AVS, revient bien moins cher qu'en IME. Mais que se passe-t-il en France ? On réduit considérablement le nombre d'enseignants. Alors comment voulez-vous que la loi de 2005 soit applicable ?

H
: Le parcours est tel que des parents sont contraints de placer leur enfant en Belgique ?
MH
: Oui, en effet. 3 000 personnes autistes françaises ont trouvé des places dans des établissements d'accueil en Belgique, après un véritable parcours du combattant en France, heureusement pris en charge par la Sécurité sociale française. Et c'est une tendance à la hausse !

H
: La presse grand public a-t-elle fait le relais de cette campagne ?
MH
: Oui, nous avons été plutôt bien entendus. Le Figaro, 20 minutes, France soir, Ouest France... Mais nous n'avons pas fini de faire campagne car les choses n'évoluent pas, voire régressent. On sent de grandes résistances et nous avons beaucoup souffert des changements fréquents de ministres sous la présidence Sarkozy. A chaque fois, le dossier était repris à zéro. Il est depuis cinq mois entre les mains de mesdames Bachelot et Montchamp, mais j'ai bien peur qu'avec les enjeux présidentiels, l'autisme ne soit pas leur priorité !

En savoir plus...

• Collectif autisme (site en cours de réalisation), 92 avenue Niel 75017 Paris Tél. : 06 14 48 08 50
• Lien vers Sésame autisme : www.sesame-autisme.com
• Lien vers l'interview de Laurent Savard à propos de son one man show « Le bal des pompiers » inspiré par les péripéties de Gabin, 5 ans, son garçon autiste:
http://informations.handicap.fr/art-editorial-handicap-4-3851.php

Voir la vidéo:
http://video.handicap.fr/index.php/show_video/472

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