Marche ou crève : film coup de poing sur le handicap

Quand la fiction s'inspire de la réalité, ça donne un film authentique, touchant, sincère. C'est le message qu'a voulu faire passer Margaux Bonhomme dans son premier long métrage "Marche ou crève", qu'elle dédie à sa sœur polyhandicapée*.

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* Sortie en salles en France le 5 décembre 2018

Q : « Marche ou crève » (article en lien ci-dessous), le titre est dur...
Margaux Bonhomme : Si certains peuvent n'y voir que la métaphore militaire, pour moi, c'est une expression qui exprime bien la vision que j'ai du monde et de la réalité. C'est provocateur, c'est violent, mais c'est à cette dureté que sont confrontés mes personnages. Mais le film est plus tendre que je ne l'aurais cru.

Q : Vous dédiez votre film à votre sœur. On devine que ce sujet vous est très proche...
MB : J'avais le même âge qu'Elisa, le personnage principal, lorsqu'il a été question de placer ma sœur, handicapée physique et mentale, dans un centre et, comme Elisa, cela a correspondu au moment où je devais quitter la maison pour partir faire des études ; un moment extrêmement douloureux.

Q : Un thème, aussi, très délicat à exploiter au cinéma…
MB : Quand je me suis lancée dans l'écriture, j'ai compris qu'il me fallait partir de quelque chose d'intime. C'était la seule façon pour moi de trouver l'émotion. Il me suffisait d'évoquer un souvenir, un sentiment, pour faire naître une scène. Alors, oui, le thème était dur mais j'ai eu la chance d'y intéresser rapidement une productrice, Caroline Bonmarchand, qui m'a encouragée, accompagnée et soutenue. Elle a été touchée par l'histoire et convaincue de sa portée universelle.

Q : Vous n'abordez jamais le handicap de Manon, la sœur d'Elisa, sous l'angle du pathos...
MB : J'ai évidemment un regard original sur le sujet. Jusqu'à mon entrée à l'école, le handicap était mon quotidien et ma normalité. Ce n'est qu'au contact de l'extérieur que j'ai compris qu'il pouvait poser problème.

Q : Dès les premières images, on est frappé par la proximité des deux sœurs... Manon bave, crie, fait des crises mais elle rit aussi, et on sent qu'Elisa et elles partagent des moments incroyables...
MB : En dehors du lien parental, je ne connais pas de lien affectif plus puissant que celui des liens fraternels ou sororaux - Marche ou crève raconte aussi cela et, si ces scènes, très simples, que vous évoquez, sonnent vraies, c'est parce que j'ai reproduit des choses que j'ai vécues. Le premier jour du tournage, mon premier assistant, Vincent Harter, m'a dit « Sois sincère et le film sera réussi ». C'est sans doute une des phrases qui m'a le plus aidé.

Q : Vous abordez très rapidement le thème de l'accueil des personnes handicapées...
MB : Ce n'est pas le sujet du film. Marche ou crève ne porte d'ailleurs pas sur le handicap mais sur la relation familiale entre des êtres, exacerbée parce que l'un d'entre eux a plus particulièrement besoin des autres.
Je mets dans la bouche du chauffeur de Manon ce que je pense profondément : « Il peut y avoir des défaillances et des erreurs humaines mais il faudra que Manon fasse avec », dit-il. C'est très dur à entendre pour Elisa ou pour n'importe quelle personne ayant un proche dépendant. Le manque de moyens déployés pour parer à ces possibles défaillances et erreurs est un sujet très important pour notre société.

Q : Un père qui refuse d'envisager le placement de sa fille handicapée, qui affirme à la seconde qu'il est immortel, tout en laissant son autre fille prendre la place de la mère...
MB : Oui, il refuse de confier sa fille à des mains étrangères et il agit dans l'urgence. Il ne peut pas se projeter dans l'avenir, ça l'empêcherait de se battre au quotidien : « Il ne faut pas penser au futur, c'est inquiétant », dit-il. Mais je pense qu'il fait tout ça aussi parce qu'il croit que c'est ce qu'Elisa attend de lui.

Q : Jeanne Cohendy, la comédienne qui interprète Manon, est absolument extraordinaire. Comment l'avez-vous trouvée ?
MB : J'ai longtemps imaginé tourner avec une personne réellement handicapée. Je pensais pouvoir adapter le scénario en fonction de son handicap. J'ai commencé mes recherches tout en auditionnant parallèlement des comédiennes et compris que, sauf à me lancer dans cinq ou six ans de réécriture et de travail avec la personne, non seulement je n'y parviendrais pas mais, qu'en plus, j'allais sans doute imposer à cette femme des situations désagréables. Jeanne est arrivée à ce moment là et elle dépassait ce que j'avais imaginé possible. La réalité était mieux que le fantasme ; c'était magique.

Q : Comment avez-vous préparé son rôle ?
MB : Pendant un an et demi, quotidiennement, Jeanne a travaillé sa démarche, sa posture, ses mains, son regard, sa voix. Cela a été une longue préparation rigoureuse, sous les conseils avisés de psychomotriciens, d'une professeure de chant et d'une coach. Dès que je voyais que quelque chose me semblait faux, nous retravaillions. Elle devait non seulement devenir le personnage mais aussi acquérir une vraie confiance en elle dans ce travail, c'était capital sur la durée. J'ai compris progressivement que, Manon, c'était vraiment ma sœur et que Jeanne, avec sa sensibilité, sa générosité et son talent, voulait bien lui prêter sa voix et son corps.



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