340 millions pour le 4ème plan autisme sur 5 ans (contre 205 millions sur 4 ans pour le 3ème plan 2013-2017). Le 5 avril, c'est Emmanuel Macron en personne qui a lâché l'info lors d'un déplacement consacré à l'autisme à Rouen. Mais c'est le 6 avril que les choses doivent se dire officiellement par la bouche du Premier ministre, Edouard Philippe.
4 ministres au RV
La journée a commencé par une visite sur le 3ème Salon international de l'autisme qui se tient les 6 et 7 avril à Disneyland Paris. Puis la délégation gouvernementale a rejoint le Jardin des plantes à Paris. Certains imaginaient un entre-soi à l'Elysée, comme lors de la concertation sur l'autisme le 6 juillet 2017, ils en seront quittes pour l'amphithéâtre du Museum d'histoire naturelle. Après des semaines de concertations, de questions, de revendications, voire de fantasmes, de la part des associations impliquées en faveur de l'autisme, on entre concrètement dans le vif du sujet : l'annonce du 4ème plan autisme. Parce que l'autisme n'est pas seulement une question de santé, elle se fait en présence de quatre ministres : Sophie Cluzel (handicap), Frédérique Vidal (recherche), Agnès Buzyn (santé) et Jean-Michel Blanquer (éducation nationale). Certains manquent néanmoins à l'appel comme le travail.
Quelle stratégie ?
A celui de « plan », le gouvernement préfère cette fois-ci le terme de « stratégie ». In extenso, cela donne : « Stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement ». Quatre séquences animées par Sophie Cluzel vont permettre de lever le voile sur les projets gouvernementaux. Ambiance feutrée et lumière bleue, celle de l'autisme... Edouard Philippe, sur les 100 mesures que comprend cette stratégie, en a dévoilé les grands axes. Il reconnait que les personnes concernées n'ont peut-être pas encore vu les bénéfices des trois plans précédents dans leur vie quotidienne. Et compte mettre en oeuvre, selon lui, un "engagement inédit". "Mon ambition est que les personnes autistes soient acceptées dans leurs différences et qu'elles soient reconnues pour leurs compétences", a déclaré le Premier ministre
Les 5 axes majeurs
La science. Le premier engagement, c'est "remettre la science au coeur de l'action en faveur de l'autisme et de banir tout discours qui ne respecte pas les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS)".
L'intervention précoce. Le deuxième, c'est la nécessité d'intervenir précocemment auprès des enfants et de "prendre au sérieux les parents qui disent que leur enfant ne grandit pas bien". Il reconnait qu'il y a souvent un refus de "prendre en compte leur intuition" qui n'est pas "fondée par une preuve scientifique". Cela suppose un "effort majeur" de formation des professionnels de la petite enfance avec une prise de relais des professionnels de la rééducation dans les "plus brefs délais". L'une des innovations est la création, à partir du 1er janvier 2019, d'un "forfait d'intervention précoce" de prise en charge par l'Assurance-maladie des séances avec des thérapeutes (psychomotriciens, ergothérapeutes, neuropsychologues ...), dès les premiers troubles détectés et avant le diagnostic officiel. Pour les enfants nés en 2018, "il faudrait que, dès 2019, l'ensemble de cette classe d'âge puisse avoir accès au dépistage et au forfait d'intervention précoce, et que cette génération dépistée le plus tôt possible puisse intégralement entrer à l'école en 2021. C'est le premier jalon qu'on s'est fixé", selon Matignon.
L'école. Le gouvernement prévoit de "tripler" le nombre d'Unités d'enseignement en maternelle (UEM), des petites classes destinées aux enfants ayant besoin d'un soutien renforcé. De nouvelles classes spécialisées doivent être ouvertes en primaire, au collège et au lycée, et une centaine de postes d'enseignants spécialisés dans l'autisme seront créés pour soutenir ceux qui ont des élèves autistes dans leurs classes.
Les adultes. Les adultes autistes sont également au coeur de cette stratégie pour qu'ils puissent devenir "épanouis et autonomes". "Le lieu de vie d'une personne autiste au 21ème siècle ne peut pas être un hôpital", affirme le Premier ministre. Il dit vouloir lancer un vaste plan de repérage pour ceux qui n'ont jamais été diagnostiqués, avec, ensuite, des réponses adaptées, "avec un accompagnement 24h sur 24 pour ceux qui en ont besoin et en autonomie pour d'autres, en développant des solutions inclusives et en facilitant l'accès au logement social dans le cadre du projet de loi ELAN". Il n'oublie pas l'accès à l'emploi car "beaucoup sont capables de travailler". "C'est une valeur ajoutée dont il serait absurde de se priver". Le nombre d'emplois accompagnés pour les personnes autistes sera ainsi doublé.
Les familles. Enfin, il conclut par la nécessité d'aider les aidants, dont on doit "reconnaître l'expertise". "Un don de soi pour des parents souvent assignés à résidence et marginalisés", selon lui. Via, notamment, une plateforme de répit par département. Les familles et personnes concernées seront également associées à la gouvernance de cette nouvelle stratégie.
Pour assurer son suivi, un délégué interministériel va être nommé. "En agissant ainsi, nous agissons autant pour les personnes autistes que pour nous. C'est à ce sursaut national, comme ce fut le cas pour le handicap en 2005 ou le cancer, que je nous appelle. Il était temps !", conclut Edouard Philippe.
Réactions des asso
Ce plan a suscité des déceptions parmi les associations. Pour Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, le financement alloué est "dérisoire par rapport à l'immensité des besoins", notamment concernant les adultes. Elle a jugé les mesures annoncées difficiles à appliquer en raison du manque de professionnels formés à l'autisme. La Fédération française Sésame Autisme a critiqué "une stratégie en trompe-l'oeil qui feint d'ignorer ces perpétuels exclus que sont les adultes autistes". Florent Chapel, président d'Autisme info service, a en revanche qualifié d'"enthousiasmant" ce plan "musclé". "Cet élan nous fait espérer des temps meilleurs mais il va falloir rester vigilant", a-t-il déclaré.