« C'est une sculpture cinétique avant tout », confie-t-il. Crâne rasé, regard perçant et bras couverts de tatouages, JC Sheitan Tenet est un original. De ceux qui débordent de créativité et de projets. Dernière idée en date ? Une prothèse biomécanique réalisée par un sculpteur, avec une machine à tatouer intégrée. Un outil très esthétique qui fait de JC, amputé de l'avant-bras droit lorsqu'il avait 10 ans, le seul tatoueur au monde à disposer d'un bras bionique. « J'avais surtout pour idée de porter un beau bijou », précise-t-il.
Une œuvre d'art mécanique
Véritable objet d'art, la prothèse allie esthétique et pratique professionnelle ; elle est l'œuvre de Jean-Louis Gonzal, sculpteur et ingénieur installé à Courtenay, en Rhône-Alpes. Réalisée sur la base d'une résine moulée, elle pèse 1,5 kg. Bien sûr, les aiguilles, tout comme les parties de la machine qui doivent toucher le client, sont stériles et à usage unique. Son look old school rouillé est un choix artistique, nullement représentatif des conditions d'usage de la machine… Au premier regard, le mécanisme semble assez complexe. « Le fonctionnement est en fait assez simple. J'ai voulu utiliser des pièces de récup', issues de petits mécanismes, des bouts de nanomètre, de machine à écrire… ».
Un accessoire plus qu'un outil de travail
L'objet, que JC peut manipuler grâce à son épaule, reste imprécis et lourd. S'il est très stylisé, sa fonction est accessoire ; des commandes sont en cours mais Tenet ne l'a utilisé que sur un seul client pour le moment. « Je vais surtout y avoir recours pour les finitions et les dégradés de couleurs, ajoute-t-il. Certains se sont imaginé que je tatouais exclusivement avec ma prothèse, ce qui est faux. D'ailleurs, je ne peux l'utiliser qu'une fois par jour, puisque chaque usage nécessite un nettoyage très minutieux, d'environ quatre heures ». Pour ces raisons, JC conçoit actuellement les plans d'un deuxième prototype qui devrait être plus court, et donc plus précis ; une version qui sera également réalisée par JL Gonzal.
Un succès viral chez les tatoueurs
Designer de formation, JC Sheitan a toujours été intrigué par le tatouage. N'ayant qu'une main, la porte de l'apprentissage lui est d'abord fermée. Autodidacte, c'est au gré de bonnes rencontres qu'il se forme, en commençant par tester la machine qu'on lui prête sur lui-même. « Dès l'instant où je me suis piqué la cuisse, j'ai su que c'est ce que je voulais faire et j'ai démissionné de mon boulot ». Aujourd'hui, il travaille pour huit studios différents en France, en attendant d'ouvrir le sien. Le moins que l'on puisse dire, c'est que sa nouvelle prothèse fait parler d'elle. Contre toute attente, elle l'emmène d'ailleurs très loin : en trois semaines, JC a reçu des appels du monde entier, répondu à des invitations de conventions au Brésil, à Hawaii, au Costa Rica… Sa différence, l'artiste a su en faire une force, et la dépasser avec créativité. D'ailleurs, il ne s'est pas arrêté là : ; le tatoueur dispose aussi d'une prothèse pour surfer et d'une autre pour conduire sa moto !
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