Prendre le taxi avec un handicap : parcours du combattant !

Héler un taxi lorsqu'on est en fauteuil roulant ? Même pas en rêve. La pénurie de véhicules adaptés dans toute la France mène la clientèle à mobilité réduite dans l'impasse. Enquête sur ces usagers qui restent sur le trottoir...

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L'arrivée des taxis londoniens est annoncée en Europe en 2018 et notamment à Paris (lire article en lien ci-dessous), avec le mérite d'être accessibles aux personnes en fauteuil roulant et respectueux de l'environnement puisqu'ils seront électriques. Mais, en attendant que le black cab consente à accorder ses « faveurs » aux usagers français, que faire pour se déplacer « à la demande » lorsqu'on est à mobilité réduite ? La carte du réseau national de taxis adaptés est pour le moins hétérogène et si certaines villes ne s'en sortent « pas trop mal », dans d'autres c'est la panne sèche. Julien et Rudy, deux frangins globe-trotters, dont le second est en fauteuil roulant, ont l'habitude de sillonner le France et l'Europe et de passer au crible l'accessibilité des villes pour en faire le récit sur leur site Handilol (en lien ci-dessous). Ils se sont penchés sur le sujet « taxi » avec des retours d'expériences souvent calamiteux.

Bordeaux, ne pas dévier du tramway

En 2014, déconvenue à Bordeaux, une ville qui fait pourtant figure de bon élève en termes d'accessibilité. Alors qu'ils sont dans une zone excentrée, Julien et Rudy ont besoin d'un taxi. Malgré de nombreux appels, impossible de trouver une compagnie locale qui dispose de véhicules adaptés. On les renvoie vers des sociétés de transport spécialisées PMR mais aucune n'a alors de véhicule disponible, sans compter qu'il faut la plupart du temps habiter la ville ou la région pour pouvoir bénéficier de ces transports déjà saturés par la demande locale, voire s'inscrire à l'avance lorsqu'elles consentent à dépanner les touristes de passage. Autant oublier la spontanéité ! Un chauffeur rappelle finalement les deux frères en galère, proposant un prix exorbitant. Une course un peu louche qu'ils préfèrent décliner. Ils en sont quittes pour faire plusieurs kilomètres à pied et en fauteuil. La métropole de Bordeaux a mis en place des lignes de tramway entièrement accessibles mais qu'en est-il des zones non desservies ?

Toulouse, prendre les transports en commun !

Même cas de figure à Toulouse... « Lorsque j'ai appelé une compagnie toulousaine, explique Julien, le monsieur m'a répondu qu'il n'avait pas de taxi adapté et qu'il ne pensait pas qu'il y ait une seule compagnie sur Toulouse qui soit en mesure de proposer ce type de service. Mon interlocuteur a conclu par : "Mais il y a Tisséo, ils sont bien adaptés". Effectivement, les transports en commun toulousains (réseau Tisséo) sont très accessibles mais ce monsieur ne semble pas comprendre qu'une personne en fauteuil peut vouloir prendre le taxi comme une personne valide ?!» Après maintes recherches sur internet, envoi de mails et appels à la majorité des compagnies de taxi de Toulouse, tous les retours sont négatifs. Idem à Montpelier ! Seule une entreprise toulousaine, les Taxis du Midi, devrait acquérir des véhicules adaptés prochainement, afin de pallier à la saturation du transport adapté à la demande. Sur sa page d'accueil, elle confirme cette carence : « Les transports pour personnes à mobilité réduite déjà mis en place dans la région toulousaine ne satisfont pas pleinement les usagers ».

Clermont, déconvenues en série

Les frères voyageurs cumulent les déconvenues, au point de devoir, parfois, renoncer à un déplacement. Ce fut récemment le cas pour un projet en Auvergne. Ils souhaitaient passer une journée à Volvic en prenant le train au départ de Clermont-Ferrand. Mais aucun transport adapté entre la gare de Volvic et son centre-ville, distants seulement de 4 km. « Impossible de faire le trajet à pied parce que c'est une route de montagne très dangereuse, confie Julien. Le taxi volvicois sur place n'est pas adapté. A la mairie et à l'office de tourisme, ils étaient désolés mais n'avaient pas de solution. Et, le comble, c'est que, dans Volvic, il y a des sites labellisés Tourisme & Handicap. Mais si la chaîne d'accessibilité est rompue dès l'arrivée à la gare, on y va comment ? Lorsqu'on n'a pas son propre véhicule, c'est impossible !» Julien, en as de la débrouille, finit par trouver une société sur Clermont qui lui propose l'aller-retour jusqu'à Volvic pour une centaine d'euros. Hors budget !

Lyon, pas de dernière minute

Pour poursuivre son enquête, Handilol fait appel à tous les témoignages sur l'accessibilité des taxis et les compagnies possédant des véhicules adaptés à Bordeaux, Montpellier, Toulouse et Lyon ( handilol.contact@gmail.com ). Lyon, justement, 2e ville de France. Il existe bel et bien une compagnie, Taxi lyonnais, qui s'est installée sur ce créneau mais elle ne dispose que de... 3 véhicules avec rampe d'accès ! Les réservations doivent donc être faites 48 heures à l'avance et sous réserve de disponibilités. Toujours pas droit à l'imprévu. En France, il existe néanmoins un réseau national, le GIHP, qui propose, notamment, des services de transport adapté à la demande ; des prix défiants certes toute concurrence mais inenvisageables à la dernière minute et nécessitant une adhésion. Pour les touristes de passage, encore raté !

Paris, une compagnie qui s'engage mais...

Dans certaines villes où la pénurie de véhicules adaptés est moins criante, c'est le montant des courses qui fait bondir les usagers concernés. C'est notamment le cas à Paris où une grande compagnie, G7, propose un service du nom d'Access, plutôt bien ficelé et engageant puisque tous les chauffeurs ont été formés à l'hôpital de Garches afin d'assurer une prise en charge optimale de leur clients à mobilité réduite. Un tel engagement ouvre a priori tous les « Horizon » (c'est l'ancien nom de ce service) mais c'est alors parfois le montant de la course qui pose problème. Julien et Rudy réservent un taxi adapté la veille mais, à leur arrivée Gare de Lyon, le compteur affiche déjà 27 euros. Cela fait 30 minutes que le chauffeur patiente ; il était en avance ! Julien contacte alors le service commercial, qui lui affirme que tous les utilisateurs doivent payer un temps d'approche et que le principe est « normal ».

Des tarifs d'approche supérieurs !

Mais pourquoi une telle somme ? « Nous disposons à ce jour de 120 véhicules avec rampe d'accès, explique la compagnie. Au regard des 8 000 véhicules affiliés à notre enseigne, leur mise à disposition implique une anticipation plus importante. » Et de préciser « qu'il faut compter en moyenne une vingtaine d'euros en plus du montant estimé sur le site.». Confirmation au compteur avec une facture salée de 54 euros pour rejoindre la butte Montmartre, contre une vingtaine d'euros pour l'estimation proposée ! Mais la compagnie se veut rassurante : « Soyez cependant assuré que nous ne ménageons pas nos efforts pour augmenter cette flotte. La conséquence directe pour le client en sera une meilleure disponibilité avec des délais d'approche raccourcis.» A la décharge de G7, elle est l'une des très rares à proposer un service adapté qui, bien que perfectible, a le mérite d'exister (interview de son PDG en lien ci-dessous).

Remise accordée

Julien et Rudy ne sont pas les seuls clients en situation de handicap à être pénalisés par ce principe. D'autres ont engagé des réclamations qui leur ont permis d'obtenir une remise sur le temps d'approche. Après d'âpres négociations, Julien a obtenu d'abord une ristourne de 17 euros puis le remboursement intégral de sa course. « En épluchant le site de la compagnie, je trouvais que cette histoire de temps d'approche n'était pas claire, explique Julien. Il faut dire que j'avais mis le ministère en copie, Jaccede et Handéo. Je trouve cela inadmissible : ce n'est pas le problème du client si la société n'a pas assez de véhicules adaptés. De plus, lorsqu'on ne perçoit que l'AAH (allocation adulte handicapé), soit 800 euros par mois, impossible d'en investir 50 dans une course de taxi. C'est abusé !»

L'Europe se mobilise ?

Pour les personnes qui ne sont pas en capacité de prendre les transports en commun en autonomie, pour peu d'ailleurs qu'ils soient adaptés (mais ça c'est une autre histoire !), héler un taxi s'avère donc plutôt contraignant, voire totalement compromis. Il y a quelques années déjà, le FEPH (Forum européen des personnes handicapées) appelait à développer davantage les services de taxi pour les rendre encore plus accessibles (article en lien ci-dessous). Il affirmait qu'en Europe, « c'est le mode le plus sollicité lorsqu'il s'agit de transporter de manière 'spontanée' les nombreuses personnes handicapées ou à mobilité réduite. » Hubert Andela, président de l'IRU (Union internationale des transports routiers) «Taxis et voitures de louage avec conducteur» affirmait alors : « L'industrie du taxi est déterminée à prendre ses responsabilités vis-à-vis de ses clients, y compris en améliorant les services proposés aux personnes à mobilité réduite.» L'occasion pour l'industrie du taxi de montrer aux décisionnaires qu'elle avait toutes les qualités requises pour être reconnue comme partie intégrante de la chaîne de mobilité publique et qu'elle devait être dûment prise en considération dans le « Livre blanc sur la politique des transports de l'UE pour la période 2010-2020 ». C'était en 2011. Quoi de neuf depuis ?

© Handilol : taxis adaptés au Portugal

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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