Rendre le tourisme accessible : 42 pays se mobilisent !

Pour sa 2e édition, le Sommet mondial du tourisme accessible a réuni à Bruxelles 400 professionnels du secteur venus de 42 pays, sur le thème de "la chaîne du tourisme accessible". Pour échanger sur les bonnes pratiques et innovations.

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« Les personnes ayant un handicap voyagent », rappelle Isabelle Ducharme, présidente de Kéroul (Organisme dédié au développement de l'accessibilité du tourisme) au Québec, organisatrice de la 1ère édition. Mais, précise Vincent Snoeck, président du CAWaB (Collectif Accessibilité Wallonie-Bruxelles), ils ont été « longtemps oubliés et (sont) fatigués de réclamer. » Tous deux sont co-présidents du 2e Sommet Destinations pour tous qui a eu lieu les 1er et 2 octobre 2018 à Bruxelles.

Un secteur en forte croissance

« Le tourisme a un rôle essentiel à jouer pour faire avancer les droits des personnes ayant un handicap.  Nous sommes réunis aujourd'hui pour démontrer que l'accessibilité universelle bénéficie à tous, explique Marina Diotallevi, de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT). C'est un droit humain qui devrait pouvoir être apprécié par tous. » Elle ajoute : « Le Code mondial d'éthique du tourisme préconise, notamment, la suppression des obstacles qui entravent le droit d'accès direct et personnel au tourisme. » C'est « un instrument volontaire », qui deviendra « un traité juridiquement contraignant, la Convention cadre sur l'éthique du tourisme » après le vote de l'Assemblée générale de l'OMT en 2019. Un enjeu important car « le tourisme est l'un des secteurs de l'économie mondiale qui connait la plus forte croissance. En 2017, 1,3 milliards de touristes ont franchi les frontières internationales ; en 2030, ce chiffre devrait atteindre 1,8 milliard. » Comme l'ont souligné les organisateurs, « le potentiel de visiteurs concernés par des destinations accessibles représente environ 35 % de la population mondiale : personnes en situation de handicap, seniors, familles avec enfants en bas-âge, femmes enceintes, personnes avec un plâtre… » Ils voyagent rarement seuls, avec en moyenne 1,9 accompagnant.

La chaîne du tourisme accessible

« Une chaîne est aussi solide que son maillon le plus faible », tous les aspects de l'information et la réservation jusqu'au voyage doivent être accessibles aux touristes à besoins spécifiques en toute autonomie, sans oublier les critères de qualité et de sécurité : transports, hébergements, restauration, accueil, activités touristiques… C'est ainsi que se développe le concept de Destinations pour tous. David Amiaud, de l'université de La Rochelle, explique : « Des barrières spatiales existent, si des solutions techniques d'accessibilité sont proposées dans des lieux touristiques, le réseau de transport ne l'est pas forcément, ainsi l'accessibilité est morcelée : on parle de territoire en archipel. Comment faire pour proposer une 'destination' et permettre de relier les îlots, des lieux culturels accessibles hors du périmètre, tout en tenant compte des éléments du parcours : hébergement, gastronomie…  Il s'agit de réfléchir en termes de trajectoire, de circuits pour aller d'un lieu à l'autre, de tourisme inclusif, prenant en compte des besoins spécifiques (joëlettes pour randonner en montagne, par exemple). »

Partager les bonnes pratiques

« Nous voyons la destination comme un tout » confirme Bill Forester de Travability, une agence de voyage australienne qui promeut un tourisme inclusif et accessible à tous : se poser sur un glacier en fauteuil roulant, faire des sports extrêmes, visiter une réserve d'animaux… Parmi la soixantaine de sessions plénières et parallèles, chacun peut trouver des réponses pour chaque étape : transports publics ou aériens, hôtellerie, parcs, sécurité, communication… S'informer sur les stratégies nationales ou régionales, les normes, la formation, l'accueil, les outils de mise en accessibilité. Entendre aussi bien le ministre wallon du tourisme, Daniela Bas des Nations unies, Ivor Ambrose d'Enat (Réseau européen du tourisme accessible) que des blogueurs. Et confronter les expériences de pays très différents (Portugal, Allemagne, Inde, Liban, Japon, Pologne, Pérou), d'une petite agence de voyage aux représentants du tourisme nationaux. Tester des applications dans l'exposition (GPS, plans avec sortie vocale, guide virtuel d'accessibilité…). « Cela nous montre que c'est possible et nous incite à devenir plus accessible », reconnaissent les représentantes de Visit Estonia.

255 organisations au total

Toutes les parties prenantes sont présentes, professionnels du secteur public ou privé, offices du tourisme, associations de personnes handicapées, organismes internationaux… 255 organisations au total ! Sans oublier les « influenceurs » et les bloggeurs, qui décrivent leurs expériences et partagent leurs bons plans, comme John Morris de wheelchairtravel.org, triple amputé suite à un accident de voiture : « Ce que je fais a incité d'autres à voyager, ce qui leur semblait impossible. Cela restaure la confiance en soi.  Il s'agit aussi de montrer à quoi devrait ressembler le tourisme accessible. Mais le travail n'est pas terminé, et je suis encore exclu de bien des endroits. »

Des solutions centrées utilisateurs

« Les produits et solutions doivent être centrés utilisateurs et non toutes faits, insiste Maud Dupuis-Caillot, de Polymorphe Design. Il faut une prise de conscience et aller plus loin car beaucoup des solutions proposées ne sont pas accessibles et montrent les limites du tourisme inclusif et du design for all. Elles ne vont pas convenir à tout le monde, et le temps d'adaptation l'emporte sur l'expérience elle-même : un membre de la famille en fauteuil roulant se trouve séparé des siens, la taille des caractères ne convient pas... Aujourd'hui, en France, on reste sur les acquis des années 70 ! Il faut questionner les technologies, personnaliser en s'appuyant sur le matériel personnel du visiteur, pour lui permettre une expérience de visite commune : remplacer l'ascenseur par un monte escalier, par exemple. Dans les années à venir, nous pourrons utiliser des exosquelettes, des robots, des véhicules autonomes pour les personnes aveugles, des casques à réalité augmentée… »

Une expérience inoubliable

Les co-présidents se félicitent des avancées mais Vincent Snoeck a identifié « huit moyens d'action pour que les choses changent, à mener de front, pour faire disparaître les discordances entre l'environnement, les dispositions culturelles, physiques, les mentalités et les individus : changer le regard, poser un cadre règlementaire, communiquer, former, développer des outils, accompagner, inciter, mettre des échéances et parfois sanctionner. » Il conclut : « Nous devons travailler ensemble, à tous les niveaux de la chaîne d'accessibilité, et pas uniquement sur les aménagements, pour que le voyage permette de vivre des émotions et soit une expérience inoubliable. »

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