Voter, c'est commencer à "vivre ensemble"

Qui saura jamais le vrai coût de l'abstention et la vraie responsabilité des apprentis sorciers qui nous encouragent à ne pas voter ?

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Alors que nous nous préparons à utiliser notre droit de vote à quatre reprises jusqu'au 18 juin 2017, deux livres Ne votez-plus et No vote nous encouragent à ne pas voter : raison pour laquelle j'ai décidé de publier Votons ! Ce que Jaurès, De Gaulle et Saint-Exupéry ont encore à dire aux Français déboussolés. À l'heure où certains apprentis sorciers nous incitent à adresser un bras d'honneur à des élus que nous jugerions indignes de nos suffrages, en nous abstenant, il convient de rappeler qu'en janvier 1933 les Nazis ont remporté les élections législatives en Allemagne, permettant à Adolf Hitler de devenir le chancelier du Reich. Le Führer devait la fausse victoire de son parti à un taux d'abstention record qui s'était élevé à… 34% ! 

Les élus que nous méritons

Bien des électeurs sont fortement démotivés, déboussolés et peu enclins à se déplacer pour exercer leur devoir et leur droit de vote, tant est vive la défiance qu'ils ressentent parfois à l'égard de ceux qui briguent leur suffrage. Il y a 60 000 élus en France et, parmi eux, tous ceux qui sacrifient en toute discrétion leurs soirées, leurs dimanches et leur temps libre en se tournant vers les autres. Ces élus de proximité ne méritent pas d'être jugés à l'aune des 0,2% d'entre eux qui dysfonctionnent. N'avons-nous pas les élus que nous méritons, victimes, comme nous le sommes parfois nous-mêmes, de l'ère du « Tout à l'Ego », de l'hyper-narcissisme qui caractérise notre époque ? Discréditer nos élus au point de ne plus condescendre à glisser nos bulletins dans les urnes de la démocratie n'est-ce pas un peu nous injurier nous-mêmes ?

La citoyenneté, c'est 7 jours sur 7

Avant de faire du « bashing » contre nos élus, posons-nous la question de savoir ce que nous faisons, chacun d'entre nous, au quotidien, pour la collectivité qui nous entoure ? Nos droits et nos devoirs de citoyens ne peuvent pas rester ceux de simples consommateurs d'une ressource conquise de haute lutte et que nous finirions par consumer à force de la consommer en nous contentant de voter, dans le meilleur des cas, tous les cinq ans. L'exercice de la citoyenneté, c'est 7 jours sur 7. Les consommateurs passifs que nous sommes trop souvent devenus ne doivent-ils pas redevenir les acteurs proactifs de la démocratie qui leur a été transmise par leurs ancêtres au prix du sang, de la sueur et des larmes ?

L'avenir appartient à ceux qui gardent le contrôle

Si nous voulons faire pression sur nos députés pour qu'ils fassent évoluer la loi et que les votes blancs soient pris en compte, au point d'annuler les élections au delà d'un certain seuil, ce n'est pas en nous abstenant aujourd'hui que nous pourrons exiger quoi que ce soit de nos élus demain. En redonnant la parole à Jaurès, De Gaulle et Saint-Exupéry, à ces trois figures de l'engagement, j'ai voulu rappeler aux êtres de bonne volonté que l'avenir n'appartient pas aux « aquoibonistes », aux désenchantés, aux démotivés de la chanson de Serge Gainsbourg mais à ceux qui, comme le rappelle Jaurès, ont envie de garder le contrôle du devenir de l'humanité en rejetant la loi de panurge et en refusant de « faire écho, de leur âme, de leur bouche et de leurs mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »

Droit de vote : au prix de sacrifices

Le droit de vote a coûté très cher aux êtres humains. Il n'a été conquis qu'au prix d'innombrables sacrifices, et les femmes françaises ne l'ont acquis que le 21 avril 1944. Il reste le meilleur antidote que l'Homme ait conçu pour lutter contre la barbarie dont il est capable. Toute personne qui souffre d'un handicap, visible ou invisible, sait le vrai prix du droit de vote. Longtemps, les femmes et les personnes handicapées ont été exclues d'un suffrage qui, sans eux, ne serait jamais vraiment devenu universel. Là où nos handicaps, nos dépendances ou nos différences nous empêchent en nous discriminant, ce sont nos droits civiques qui nous libèrent en nous intégrant. Voter, c'est commencer à accepter de vivre ensemble.

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Écrivain, historien, éditeur, Jean-Pierre Guéno a dirigé le développement culturel de la Bibliothèque nationale pendant sept ans aux côtés d'Emmanuel Le Roy Ladurie, puis les éditions de Radio France pendant douze ans. L'auteur de Paroles de poilus, de trois livres sur Charles de Gaulle et de trois  sur Antoine de Saint- Exupéry a publié une soixantaine d'ouvrages. Cet ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud aime à se définir comme un « passeur de mémoire » : la mémoire des humbles, et celle de ceux qui les aident à grandir.

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