Bientôt plus besoin d'ordonnance pour se rendre chez le kiné ? L'assemblée nationale se penchait le 22 octobre 2021 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022. Les députés ont voté en faveur de l'expérimentation d'un accès direct, sans ordonnance, notamment aux kinésithérapeutes. Cela concerne aussi les orthoptistes, les infirmiers en pratique avancée et les orthophonistes à condition qu'ils exercent dans des structures de soins coordonnés, comme une maison médicale ou un centre de santé. Dans le cas des kinés, cette option serait envisagée pour des troubles courants, par exemple un patient souffrant d'une entorse de la cheville ou d'une lombalgie aiguë. Cette expérimentation doit se tenir dans six départements (sur 101) et durer trois ans. Elle vise à désengorger les services d'urgence et faciliter les soins dans les zones où il y a peu de médecins, ces déserts médicaux que le gouvernement peine à pallier. Ainsi 10 % des Français n'ont plus de médecin traitant tandis 6 millions vivent à plus de trente minutes d'un service d'urgence dont 75 % en milieu rural, plaident les auteurs de l'amendement.
Les médecins vent debout
Mais cette perspective n'est pas du goût des médecins libéraux, qui lèvent haut leur bouclier. Dans un courrier du 2 novembre 2021, l'Ordre des médecins et les six syndicats (CSMF, MG France, Avenir Spé-Le Bloc, FMF, UFML, SML) représentatifs des praticiens libéraux demandent aux sénateurs, qui l'examineront le 8 novembre 2021, « la suppression » de « l'accès direct ». La CSMF dénonce, quant à elle, des décisions « prises en catimini, sans concertation », le gouvernement n'ayant « jamais réuni sur ce sujet » les représentants des professions concernées. Pourtant, l'accès direct au kiné est déjà en vigueur dans une quarantaine de pays, par exemple en Europe en Albanie, Bosnie, Danemark, Italie, Royaume-Uni…
Riposte des kinés
Le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK) riposte, dénonçant des « blocages corporatistes ». Il justifie cette proposition par la nécessité de défendre « l'intérêt supérieur du patient » mais aussi de faire faire des économies à l'Assurance maladie en réduisant le « nombre de consultations d'orientation » de médecins -parmi ces derniers, certains redoutent à l'inverse que, sans ce filtre, la demande et donc la facture n'explose-. Le CNOMK voit dans ces « mesures simples et peu coûteuses », qui permettent de « conférer à certaines professions paramédicales des champs d'intervention complémentaires », une « avancée » pour notre système de santé, en simplifiant les parcours de soin, en particulier des patients atteints d'une affection de longue durée (ALD). Cette facilité dans le parcours de soin serait de toute façon déjà en vigueur, dans les faits, puisque certains patients s'adressent directement à leur kiné en urgence faute de rendez-vous chez leur médecin ou lorsque la prescription initiale est terminée.
Risque ou pas ?
Si les médecins font valoir qu'en raison de leur formation, ils sont les seuls à « pouvoir poser un diagnostic médical et prendre en charge un patient dans sa globalité », ajoutant que ces « dispositions dérogent aux règles sur l'exercice illégal de la médecine », l'Ordre des kinés assure de son côté « qu'il n'y a pas de risque ». « Dans le cadre d'un exercice coordonné avec compte-rendu au médecin, c'est la sécurité du patient qui est renforcée, c'est une prise en charge rapide qui est assurée avec des professionnels compétents qui travaillent en équipe », justifie-t-il. Selon lui, la perte de chance serait aujourd'hui davantage imputable aux « retards de prise en charge » et à « l'errance thérapeutique à cause des délais de rendez-vous trop longs ». « Ils sont une partie de la solution. Faisons leur confiance ! », exhorte Pascale Mathieu, présidente du CNOMK.