Par Fabrice RANDOUX
Paris, 3 nov 2015 (AFP) - Les députés critiquent « une mesure vexatoire », « une grave erreur », « un racket ». La question, vivement dénoncée par l'Association des paralysés de France (APF) à l'origine d'une pétition dénonçant une volonté du gouvernement de faire « main basse » sur les ressources des personnes handicapées, devrait être débattue dans l'hémicycle dans le cadre du budget sur la mission solidarité, selon le président du groupe PS Bruno Le Roux. « Nous allons regarder comment revenir sur cette proposition », a-t-il indiqué à la presse.
Prise en compte des intérêts des comptes d'épargne dans le calcul de l'AAH ?
Le projet de budget prévoit de prendre en compte à partir de 2016 dans le calcul de l'AAH les intérêts non imposables des comptes d'épargne, tels que le livret A, dans le cadre d'un processus d'harmonisation entre minima sociaux. Ceci réduirait le montant de l'AAH (actuellement 807 euros par mois au maximum) pour les bénéficiaires ayant de l'argent de côté, mais surtout leur ferait perdre des droits connexes qui ne sont ouverts qu'à ceux qui touchent l'AAH à taux plein (complément de ressources de 179 euros par mois, ou majoration pour la vie autonome de 105 euros mensuels), dénonce l'APF.
L'association a calculé que, « pour quelques dizaines d'euros » tirés des intérêts de leurs livrets d'épargne (205 euros par an maximum sur un livret A), ces personnes perdraient « 1 257 à 2 151 euros par an » de ressources.
« Ce matin, en réunion de groupe, nous avons eu la discussion » sur ce sujet, et « pour nous tous clairement, il apparaît que cette recette (issue des livrets d'épargne) est une recette (fiscale) de poche qui est illusoire, qui est vexatoire, blessante pour les familles », a expliqué le député Olivier Faure, vice-président du groupe PS. « Donc, nous demandons au gouvernement de pouvoir retravailler sur la question ».
Penser « aux conséquences sur la vie des gens »
Le vice-président du FN, Florian Philippot, a dénoncé « un véritable coup de massue antisocial ». « Ces nouvelles dispositions austéritaires sont non seulement injustes, elles sont aussi gravement immorales. Alors que tant de dépenses injustifiées se développent, liées notamment à la crise des migrants ou à l'Union européenne, le gouvernement fait le choix de taper sur les personnes handicapées », a-t-il accusé dans un communiqué. La coprésidente des députés écologistes, Barbara Pompili, a jugé de son côté mardi que c'était « une grave erreur ». Mme Pompili a déclaré que « faire comme si c'était un minimum social comme les autres est une grave erreur, car c'est une allocation pour compenser un handicap ». « Les services de Bercy doivent arrêter de prendre des décisions sans penser une seconde aux conséquences sur la vie des gens », a protesté cette députée de la Somme (ex-EELV). De son côté, le président du groupe UDI Philippe Vigier a écrit au Premier ministre pour dénoncer un « racket » sur les bénéficiaires de l'AAH et appeler le gouvernement « à se ressaisir ».
La réponse de Ségolène Neuville
Dans l'hémicycle, en réponse justement à une question de l'UDI, la secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées Ségolène Neuville a assuré qu'il « ne s'agit pas de pénaliser quelqu'un qui a mis quelques centaines d'euros de côté sur un livret A ». « En ce qui concerne les compléments de ressources, pour les personnes qui ont des taux d'incapacité élevés, nous travaillons actuellement à des propositions destinées à limiter les effets de seuil. Il sera tenu compte des spécificités de l'épargne populaire, et des abattements sur les revenus du patrimoine seront proposés afin que les petits épargnants soient protégés », a t-elle ajouté. Par ailleurs, « il ne s'agit pas de supprimer l'AAH aux personnes qui ont du capital, et encore moins aux personnes qui perçoivent des rentes viagères qui ont été constituées soit par les parents, soit par les personnes elles-mêmes. Ces rentes sont aujourd'hui protégées et le resteront », a-t-elle promis.