Le samedi 3 mars 2018 au soir, pour la première fois en quatorze éditions, le festival de culture hip hop proposera en audiodescription l'un de ses événements phares, le "battle opsession", compétition qui réunit pendant deux jours plus de 200 danseurs du monde entier, concourant dans diverses catégories. "L'objectif n'est pas de tout décrire car un battle de danse c'est un enchaînement très rapide, mais de retranscrire l'ambiance générale, les interactions entre danseurs, le style de chacun", explique Jérémy Tourneur, responsable des relations aux publics au sein de l'association Pick Up Production, qui pilote le festival.
Spectaculaires finales de breakdance
Les douze participants - déficients visuels et valides -, briefés sur le hip hop, ses différents styles, ses figures et sa douzaine de termes essentiels, pourront suivre, munis d'un casque audio, les différentes compétitions, dont les spectaculaires finales de breakdance 3x3. "La danse, c'est extrêmement visuel, et on va pouvoir avoir accès à ce que d'habitude on ne peut pas voir. On va en profiter comme les autres personnes", se réjouit Anthony Penaud, non voyant et président de l'association OREA. Après avoir assisté l'an dernier à un concert en audiodescription du rappeur français Kery James, il avait suggéré au festival d'élargir le dispositif aux battles.
Des gilets vibrants
"Le festival est en perpétuelle réflexion sur les questions d'accessibilité, en lien avec diverses associations. On a commencé à mettre en place des petites choses en 2007, mais c'est surtout depuis 2014 qu'on est parti sur des dispositifs plus conséquents pour atteindre au fur et à mesure tous les publics en situation de handicap", souligne Jérémy Tourneur. Cela va d'un programme en français facile à lire et à comprendre (FALC) à la mise à disposition de tous de gilets vibrants, une vingtaine cette année, permettant de ressentir les vibrations dans le haut du corps, ainsi que de six caissons vibrants sur lesquels on pose les pieds. En amont du festival, les bénévoles ont été formés in situ, et par des membres de l'association eux-mêmes sourds ou non-voyants, à l'accueil sur-mesure.
Des bénévoles formés
"Avoir des bénévoles qui savent signer ou qui sont formés à l'accueil des personnes non voyantes, ça permet d'échanger ensemble et ça rassure. Il n'y a plus de barrières, c'est comme une grande famille", affirme en signant Sabah Mimoun, qui a animé un atelier d'initiation à la langue des signes "mais aussi à l'histoire et à la culture des personnes sourdes". En France, "où on ne parle d'accessibilité que depuis les années 1980", rares sont les villes et les festivals à "faire des efforts", contrairement aux États-Unis par exemple, déplore cette grande amatrice de culture hip hop. "Le chemin est long", rebondit Jérémy Tourneur, qui imagine déjà pour la prochaine édition "un atelier de beat box ouvert aux sourds et aux entendants". "Notre objectif, c'est d'être un festival 100% accessible. Pour l'être, il faudrait avoir des dispositifs vibrants sur tous les événements, des interprètes et de l'audiodescription sur tous les événements, faire une expo tactile. On a un réservoir de bénévoles mais ces dispositifs ont un coût", ajoute-t-il.
Jusqu'au 18 mars 2018
"Tendre à un festival 100% accessible, c'est très pompeux car c'est plus une utopie qu'une réalité pour le moment, en raison de l'architecture de certains bâtiments ou de disciplines et formes d'art qui ne sont pas accessibles à tous, mais on ne va pas lâcher notre objectif", renchérit Guillaume David, responsable de la communication chez Pick Up Production. Festival pluridisciplinaire, HIP OPsession propose une cinquantaine d'événements jusqu'au 18 mars 2018.
Par Anne-Sophie Lasserre