"La Cour a décidé d'allouer le montant de 220 000 euros" aux parents de cet enfant né en décembre 2001 "au titre de dommage matériel et moral", a indiqué dans un communiqué la juridiction de la Cour européenne des droits de l'homme qui siège à Strasbourg. Le 3 février 2022, la CEDH avait condamné la France pour avoir refusé d'indemniser le handicap de cet enfant en appliquant rétroactivement la loi dite "anti-arrêt Perruche". La Cour avait alors accordé aux requérants près de 25 000 euros pour frais et dépens mais n'avait pas tranché la question des dommages matériel et moral.
Interprétation erronée de l'échographie
L'enfant des requérants est atteint d'un ensemble de malformations désignées sous le terme de "syndrome de VACTERL". Un diagnostic réalisé quelques mois avant la naissance n'avait pourtant révélé aucune anomalie, avait expliqué la Cour dans arrêt rendu en 2022. S'appuyant notamment sur une expertise qui pointait une interprétation erronée des échographies, les parents avaient engagé une procédure devant les tribunaux afin que "les charges particulières résultant du handicap de leur enfant" soient indemnisées. Mais, au terme d'un parcours juridique de plusieurs années, ils avaient été déboutés par la justice administrative qui avait invoqué notamment des dispositions de la loi Kouchner, dite "anti-arrêt Perruche".
Perruche : une rubéole non détectée
Ce texte avait été voté en mars 2002, quelques mois après la naissance de l'enfant des requérants, afin de mettre fin à la jurisprudence "Perruche", du nom de Nicolas Perruche, né gravement handicapé en raison d'une rubéole contractée par sa mère mais non détectée durant la grossesse. Nicolas Perruche avait obtenu en 2000 de la Cour de cassation le droit à être indemnisé, décision qui avait soulevé une vaste polémique et conduit deux ans plus tard au vote de la loi Kouchner. La CEDH avait estimé que dans le cas de cette famille guadeloupéenne, la France n'aurait pas dû appliquer cette loi de manière rétroactive car cela contrevient à la Convention européenne des droits de l'Homme. Elle avait estimé que ce litige "s'inscrit dans la suite des affaires Maurice et Draon", deux dossiers français dans lesquels le bras judiciaire du Conseil de l'Europe avait déjà condamné Paris en 2005 pour avoir appliqué rétroactivement la loi Kouchner.