Qu'attendre de la CNH ? L'Agefiph prend la parole.

Jour J pour la CNH*, le 11 décembre.A cette occasion, Odile Menneteau, présidente de l'Agefiph** prend la parole. Malgré un budget en baisse, malgré un champ d'interventions en hausse, l'Agefiph est toujours sur le front. Qu'attendre de la CNH ?

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Handicap.fr : Les ressources de l'Agefiph sont en baisse. Pour quelle raison ? 

Odile Menneteau : Parce que les entreprises font de mieux en mieux ! Cela veut donc dire moins d'entreprises qui ne respectent pas l'obligation d'avoir au moins 6% de personnes handicapées au sein de leurs effectifs, et donc de moins en moins de contributions pour l'Agefiph. Notre budget est en baisse de 7 % par an. C'est un signal très positif, mais qui contraint à faire quelques arbitrages budgétaires. 

H.fr : Et les 29 millions d'euros que l'Etat a récemment ponctionné sur les réserves de l'Agefiph, c'était aussi un signal très positif ? 

OM : Non, bien sûr. Nous avons pris acte de cette décision, et nous ne pouvons que la regretter, d'autant que ce n'est pas la première fois et qu'il a été annoncé que cette décision pourrait être reconduite en 2016 et 2017. Il est évident que près de 100 millions sur trois ans, cela va obérer nos capacités d'intervention auprès des personnes handicapées. Rappelons que le budget de l'Agefiph est d'environ 400 millions d'euros par an. 29 millions, c'est donc plus de 7 %. Sans oublier que nous avons aussi hérité de compétences nouvelles mais sans avoir forcément les moyens financiers correspondants. Notre intérêt est donc d'activer les actions de droit commun pour compenser cette réduction budgétaire. 

H.fr : Cette ponction était justifiée par le fait que l'argent serait destiné à financer les contrats aidés des personnes handicapées ? 

OM : C'est maintenant de la compétence du Gouvernement, ce n'est plus de notre ressort.

H.fr : Certains se sont étonnés que l'Agefiph dispose de réserves. S'inquiétant que le fonds ne fasse fructifier l'argent collecté plutôt que de le destiner aux personnes concernées…

OM : En 2012, nous avons adapté  notre offre de services. La montée en charge peut être lente et nous devions envisager un temps de latence avant qu'elle ne soit pleinement effective. Nous avons donc construit un budget prévisionnel sur 3 ans pour préparer l'insertion professionnelle de demain. J'ai privilégié une gestion rigoureuse et qui anticipe suffisamment nos besoins pour être sûre de pouvoir financer nos actions.

H.fr : La formation, c'est vraiment là que le bât blesse ? 

OM : Oui et c'est une priorité depuis mon arrivée à la présidence en 2012 pour préparer les recrutements à venir. Les contrats en alternance augmentent de 20 % par an depuis 2012. Il y en aura 7 000 supplémentaires en 2015. Par ce biais, nous constatons un taux de retour à l'emploi très significatif. 

H.fr : Mais cela suppose aussi d'enrichir l'offre de formations et d'arrêter de cantonner les travailleurs handicapés dans des professions « type ».

OM : Evidemment, et nous travaillons vraiment dans ce sens. Très souvent, les travailleurs handicapés sont contraints d'accéder à des métiers « standard », dans quelques grandes familles de professions, une dizaine tout au plus, où ils entrent généralement en concurrence avec d'autres catégories de personnes éloignées de l'emploi. Il n'y a pas vraiment le choix ! 

H.fr : Avez-vous un exemple ? 

OM : Oui, les services à la personne. Nous nous mobilisons donc pour permettre aux personnes handicapées d'accéder à un panel de métiers plus large, avec la possibilité pour notre fonds d'abonder dans telle ou telle filière selon la pertinence en termes d'emploi. Nous avons fait des propositions à ce sujet au ministre du Travail, François Rebsamen, lors de la récente Conférence nationale du handicap à Dijon, et nous avons également dialogué avec l'Elysée pour préparer la Conférence de clôture qui a lieu le 11 décembre en présence de François Hollande. Nous avons besoin d'un vrai plan d'action dans ce domaine ! 

H.fr : Le nouveau compte personnel de formation est-il également destiné aux personnes handicapées ? 

OM : Oui, bien sûr, c'est dans le droit commun. Chaque personne a droit à 150 heures de formation sur 8 ans. Mais parce que les personnes handicapées ont souvent un niveau de qualification très faible, avec des parcours de formation plus longs et multiples, l'Agefiph pourrait apporter son soutien en complément. Nous sommes en train de discuter des modalités que pourrait prendre notre soutien pour qu'il soit le plus efficace possible. Ce pourrait alors avoir un effet levier pour l'accès à l'emploi. 

H.fr : Comment expliquer que le taux de chômage des personnes handicapées ait été multiplié par deux depuis 2007 ? 

OM : Il y a 4 raisons à cela. La première, c'est malheureusement la conjoncture économique ; on ne peut pas dire que le marché de l'emploi soit très porteur en ce moment. La deuxième, c'est un volume de RQTH (Reconnaissance qualité travailleur handicapé) qui augmente ; certains travailleurs ne déclarent pas leur handicap lorsqu'ils sont en emploi mais seulement lorsqu'ils le perdent. Cela concernerait près de 90 000 personnes. De nombreux bénéficiaires de l'AAH (allocation adulte handicapé) commencent également à chercher un emploi car le montant de cette allocation ne leur permet plus de vivre. Enfin, les personnes handicapées souffrent d'un niveau de qualification très faible, puisque 80% d'entre elles n'ont pas le niveau bac. Elles sont en concurrence avec des demandeurs d'emploi souvent de plus de 50 ans, sur des métiers peu qualifiés, dans des filières industrielles souvent en grand danger. La formation doit nous permettre d'être plus en adéquation avec les attentes des entreprises.

H.fr : Fin novembre 2014, l'Uptih a adressé une lettre à François Hollande pour que le recours à des travailleurs indépendants handicapés puisse être comptabilisé dans le quota d'emploi des entreprises, au même titre que l'embauche d'un salarié ou le recours au secteur protégé. Soutenez-vous cette proposition ? 

OM : Evidemment, d'autant que l'Agefiph apporte également son soutien aux travailleurs indépendants et créateurs d'entreprise. Cette reconnaissance ne fera que renforcer leurs activités. La loi Macron devrait l'entériner. Mais il faudra alors mener des actions pertinentes pour assurer la pérennité de ces entreprises. 

H.fr : Le « parent pauvre », c'est le handicap psychique. Quoi de nouveau à ce sujet ? 

OM : La priorité, c'est déjà de communiquer pour savoir ce que l'on met derrière ce vocable car le handicap psychique recouvre des réalités bien différentes. Un support de communication sera donc édité en 2015 pour répondre aux questions que se posent les employeurs : « De quoi souffre une personne bipolaire ? Comment l'accompagner ? ». Des réponses pragmatiques ! Nous allons également, dans les entreprises, proposer des solutions concrètes, par exemple pour aménager un emploi du temps. Il y a de vraies réussites pour peu que les responsables RH (ressources humaines) s'investissent sur cette question et connaissent les aides dont ils peuvent bénéficier. 

H.fr : En vue de cette CNH, qu'avez-vous envie de dire ? 

OM : Qu'il est, bien sûr, difficile de mener une politique offensive dans un contexte de restriction budgétaire mais que nous faisons de notre mieux pour maintenir le meilleur accompagnement possible pour les personnes handicapées. La CNH est aussi un rendez-vous important pour faire le point sur les engagements du CIH (Comité interministériel du handicap), un peu plus d'un an après. Nous attendons de voir quels seront les axes d'engagement du Gouvernement, qui nous permettront d'évaluer notre offre d'intervention future et d'être en phase avec les entreprises. L'emploi doit être une priorité ! Nous avons des efforts à faire en termes de communication ; certains de nos dispositifs sont encore trop peu connus. Mais nous devons aussi pouvoir garder une capacité budgétaire qui nous permette de mener à bien nos politiques.

*Conférence nationale du handicap

** Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (dans les entreprises privées)

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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