4 février 2024. Le vent hurle, le sable fouette les visages, les moteurs grondent. 1 500 pilotes de moto s'élancent à 170 km/h sur la plage du Touquet. Au milieu de cette marée mécanique, un homme écrit l'histoire : Axel Allétru, premier pilote paraplégique à participer à l'Enduropale, réputée comme l'une des courses sur sable les plus difficiles au monde. 14 ans qu'il attend ce moment ; depuis ce jour de juin 2010, où une chute brutale sur un circuit de motocross l'a privé de l'usage de ses jambes à seulement 20 ans. Il en a « bavé » mais il a réussi. Aujourd'hui, il roule sur les traces de son père avec un objectif : réussir le « holeshot », et faire partie des premiers pilotes à franchir le premier virage de ce parcours mythique. Mission réussie ? Réponse dans Holeshot : un virage pour la vie, réalisé par Stéphanie Pillonca et Fabien Bouillaud (Réservoir Prod). Un documentaire galvanisant à découvrir sur Canal+ docs et l'App Canal+ le 17 avril 2025 à 21h.
Des premières roues aux premiers podiums
« Les deux roues, ça a toujours été mon truc », déclare le protagoniste de ce film de 90 minutes. Axel enfourche son premier vélo à 6 ans et décroche très rapidement ses premières médailles en BMX. « Je voulais être champion d'Europe, du Monde... Mes parents ne m'ont jamais mis de limites et m'ont toujours encouragé. » Après trois titres européens, il débute la moto à 11 ans. C'était le deal avec son père : « Gère d'abord le vélo, ensuite on verra pour la bécane ». Sa motivation et sa ténacité impressionnent déjà. À 17 ans, il quitte le cocon familial du Nord de la France pour s'entraîner avec un club pro en Belgique. De l'avis de tous, « il est très doué ». « Avec Axel, on vivait plus de victoires que de chagrins, et les chagrins c'est quand il finissait 2 ou 3e », s'amuse son père.
« Un grand crac dans la moelle épinière »
27 juin 2010. Il s'élance, confiant, avec sa 250 CC sur un grand prix de motocross en Lettonie. Il se sent bien, connaît le circuit, fait un bon départ. Il mate toutes les bosses... sauf une. Il se réceptionne sur le bas du dos et sent un grand « crac » dans sa moelle épinière. Le jeune pilote tente de se relever. En vain. Il ne sent plus ses jambes. Le diagnostic tombe quelques heures plus tard, à l'hôpital : paraplégie. Les médecins lui prédisent un fauteuil roulant à vie. « En une fraction de seconde, je passe de pilote professionnel à personne handicapée. »
Remarcher, la course de sa vie
Mais pas de quoi démoraliser cet intrépide. « Dès le lendemain, lorsque je lui rends visite à l'hôpital, il me demande 'Mais pourquoi tu pleures', et c'est lui qui me rassure, qui nous rassure tous ! », raconte sa mère, encore interloquée. Au centre de rééducation, il affiche un sourire désarmant. « On aurait dit qu'il préparait une nouvelle course », se souvient sa kiné, Gaëlle, à qui il « doit beaucoup ». Les mots de son père le bercent chaque soir : « Remarcher, c'est la compétition de ta vie, tu dois la gagner ! ». « Après une section de la moelle épinière, les patients n'ont aucune chance de remarcher », explique lors de l'avant-première, le 3 avril, son médecin de rééducation, le Docteur Khaled. Après un tel traumatisme, « tous les patients traversent une phase de dépression, de révolte, de colère, mais pas Axel, c'est dingue ! », s'écarquille-t-il. « C'est une exception parmi toutes les personnes que je soigne depuis 31 ans. »
« Il a dépassé toutes les limites médicales »
Chaque jour, Axel se visualise en train de marcher et s'entraîne d'arrache-pied, contre l'avis des médecins, qui lui conseillent de lever le « pied ». « Il a dépassé toutes les limites médicales qu'on lui avait fixées pour le protéger », révèle Dr Khaled, louant « sa détermination, sa résilience, sa ténacité, son acharnement et sa force mentale exceptionnelle ». « Visiblement, la médecine ne s'applique pas à cet homme-là », poursuit ce spécialiste qui affirme avoir reçu « une leçon ». « J'avais la conviction profonde que j'allais remarcher et je m'imaginais déjà sur le départ de l'Enduropale », affirme Axel Allétru. À raison ! Au fil des semaines, il récupère des forces, puis un muscle, puis deux... Aujourd'hui, il est paraplégique incomplet et se déplace à l'aide de béquilles. Exit le fauteuil !
Para natation, Rallye Dakar : plongeon dans le grand bain
A peine sorti de rééducation, fin 2011, il se lance dans la para natation, toujours avec la même rigueur. « Je m'entraînais deux fois par jour, six jours sur sept. » Une discipline de fer qui le mènera à décrocher 12 titres de champion de France. Un « super rebond », résume l'athlète. Mais il ne perd pas son objectif de vue. En 2020, il revient à ses premières amours, les sports mécaniques, et participe au Rallye Dakar en Arabie Saoudite. 10 000 kilomètres et 12 jours de compétition plus tard, il termine premier de sa catégorie (T3S, limité à 120 km/h), devant les « valides ». Une performance inédite, 10 ans tout juste après son accident.
Retour en selle, envers et contre tous
Quatre ans plus tard, il remonte sur une moto pour la première fois, quelques semaines avant l'Enduropale. « Il a fallu se battre, on m'a mis beaucoup de bâtons dans les roues », confie Axel, en écho à la frilosité et aux doutes des organisateurs et des sponsors face aux « défis extrêmes » de ce challenger obstiné. « Merci de m'accepter comme je suis, lance l'athlète de 34 ans après l'approbation du comité de l'Enduropale. Je parle de mon caractère, pas de mon handicap. » Un caractère dont la réalisatrice Stéphanie Pillonca a aussi « fait les frais ». « D'habitude, je filme de la danse, moi, sourit-elle. C'est la première fois que j'ai eu aussi peur car j'ai compris qu'il risquait sa vie au Touquet. »
Le porte-parole d'un message universel
Et Axel ne compte pas s'arrêter là... Prochain défi ? Le Paris-Roubaix, le 12 avril 2025, l'une des plus anciennes et indomptables courses cyclistes, créée en 1896. 70 kilomètres sur les mythiques pavés de « l'enfer du Nord » pour faire avancer la recherche sur la maladie de Charcot. Soutenu par l'Institut du cerveau, Axel sera à la tête d'un « peloton inclusif composé d'une centaine de personnes (femmes, hommes, handicapées, valides, jeunes, moins jeunes, sportifs ou non), avec toutes sortes d'entreprises ». Et après, les 24 heures du Mans ? « Non, j'ai promis à mes proches que l'Enduropale était ma dernière course à moto », annonce Axel, qui se consacre désormais à sa famille et à sa nouvelle « mission de vie » : diffuser un message d'espoir via ses conférences aux quatre coins du monde. « Rien n'est impossible ! »
© Affiche du documentaire Holeshot
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