Le dernier envol, double récompense !

'Il me reste deux ans à vivre et j'ai des choses à dire ! '. Des proches entourent un homme en lit roulant, lui font fumer un joint antidouleur. Entre deux bouffées, Claude Messier milite, écrit des romans, fait du ski, du traîneau à chiens...

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Quelle est la genèse de votre film, « Le dernier envol » ?
Il y a souvent des gens qui viennent me voir pour me proposer de faire un film sur un membre de leur famille ou sur eux-mêmes. Je suis en général un peu septique. Lorsque Claude Messier est arrivé dans les bras de l'un de mes amis que je connaissais, il m'a déclaré : « Il me reste deux ans à vivre et j'ai un message à laisser au monde avant de partir et j'aimerais que ce soit toi qui le portes ! ». Cela a été un défi et une grosse responsabilité. Mais je voulais d'abord savoir si cette personne avait une belle profondeur, un message intéressant à livrer. J'habite au bord d'un lac, nous sommes allés près de la rive où j'ai un piano à queue et je me suis mis à jouer. Claude s'est mis à crier de joie en disant « C'est merveilleux d'être étendu au bord d'un lac en écoutant les oiseaux chanter accompagné par un piano. ». Alors j'ai regardé ce personnage qui m'avait confié, quelques minutes avant, que ses jours étaient comptés, me donner une démonstration de bonheur à vivre. J'ai décidé que je voulais le comprendre, le connaître et on a commencé son film. Nous avons travaillé trois ans pour le réaliser.

Quels messages porte ce film ?
Un message d'amour de la vie. C'est un film souriant, pas un film triste, même si l'on en connaît la fin dès le début. La vie vaut la peine d'être vécue, quelles que soient les conditions dans lesquelles on la vit. Claude Messier me faisait souvent remarquer que le bonheur dans la vie est souvent étendu à l'horizontal, position où l'on ne se sert pas de ses jambes, surtout quand on n'en a pas mais, cependant, on peut aussi accéder aux différents plaisirs, à la création. D'ailleurs, Claude a écrit plusieurs livres. Il me répétait toujours : « N'est inaccessible que ce que l'on ne désire pas vraiment ». Il a vraiment désiré et obtenu.

Quel regard la société devrait-elle porter sur les personnes en situations de handicap ?
Je commence souvent à présenter mon film en disant : « Je suis handicapé, je suis très handicapé. Les gens ne décèlent pas mon handicap. Alors je leur dis : « Je n'ai pas d'ailes, je ne peux voler comme les oiseaux, je dois marcher, c'est très embêtant, mais, par contre, dans ma malchance, tous les autres êtres humains ont également le même handicap ce qui fait que personne vraiment ne le remarque et ne m'embête avec ça ». Claude Messier me disait souvent : « Ce qui me fait souffrir le plus, ce n'est pas mon handicap, puisqu'avoir des jambes, je ne sais pas ce que c'est, je n'en ai jamais eu. Mais, par contre, c'est le regard des autres sur mon handicap. » Ce que ce film veut changer, c'est le regard des autres sur les personnes handicapées.

Vous avez obtenu le Grand prix du Festival, mais aussi le Prix du public.Comment recevez-vous un tel succès ?
Le Grand prix me fait très plaisir parce que le jury était composé de personnes que j'admire. Ce sont des professionnels et son président, Jean-Pierre Sinapi, dont je garde une copie de son film, Nationale 7, m'a inspiré dans « Le dernier envol ». Je dois dire que le plaisir principal est le Prix du public. Il y a peut être des gens qui font un film pour un jury, moi c'est pour le public et lorsqu'il adhère au film, l'a compris, c'est le plus beau cadeau que l'on peut avoir en tant que cinéaste.

Quels conseils donneriez-vous à un cinéaste qui souhaite faire un film sur une ou des personnes en situation de handicap ?
C'est de s'approcher du personnage. Lorsque Claude Messier m'a dit : « J'aimerais que ce soit un film sur moi ». Je lui ai répondu : « Tu veux que je m'embarque pour un deuil, parce que, si on fait un film ensemble, on va être plus que proches, et moi, après, je vais rester seul avec mon deuil ». Et là, il m'a regardé et s'est exclamé avec un grand sourire : « C'est exactement çà ! » C'est-à-dire qu'il avait compris que j'avais compris que je n'allais pas faire le film de l'extérieur. C'est très facile de garder une certaine distance, même mon caméraman au début avait tendance à filmer d'en haut, comme on regarde un petit animal ou en enfant. Je lui ai dit de se baisser car il avait tendance à garder une distance, Claude étant assez « déformé ». J'ai dis non ! On s'en va camper avec lui, on s'en va sur le bord du lac, on va se baigner, on va vivre une proximité et c'est de cette façon que l'on va réussir à partager le quotidien et à devenir des frères. Ce que je peux conseiller aux réalisateurs, c'est de devenir des frères, des « amoureux », des proches des personnes qu'ils vont filmer. Mettez-vous dans leur peau, mettez-vous avec eux, ne vous prenez pas pour eux mais prenez-les pour vos amis et je pense que ça donne des films qui sont vivants !

Propos recueillis par Gilles Barbier

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