Femme et handicapée : la double peine !

Maudy Piot, auteur et psychanalyste, est également la créatrice de l'association

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Handicap.fr : Comment vous est venue cette idée de créer l'association « Femmes pour le dire, femmes pour agir » ?
Maudy Piot : En 2003, lors de l'année européenne des personnes handicapées, Anne Hidalgo, ajointe au Maire de Paris me dit : « Tu devrais organiser un colloque afin de lutter contre une double discrimination : celle d'être femme et handicapée ». Il s'appelait « Femmes handicapées citoyennes » avec, comme marraine, la résistante Lucie Aubrac. 1000 personnes ont répondu présentes et, à la fin du forum, nous avions 200 adhérents. Nous avons donc décidé de monter l'association « Femmes pour le dire, femmes pour agir ».

H : Etes-vous vous-même atteinte d'un handicap ?
MP : Oui, j'ai perdu la vue progressivement, à cause d'une maladie génétique. Mais je n'ai jamais voulu me laisser enfermer dans le ghetto des personnes aveugles, uniquement centrées sur leur symptôme. Ca me barbe !

H : A qui cette association s'adresse-t-elle ?
MP
 : A toutes les femmes qui se sentent agressées dans leur corps par une singularité, quel que soit leur handicap. A toutes celles qui en ont assez des grandes associations dont les conseils d'administrations ne sont composés que d'hommes. Nous avons encore 200 membres, de 21 à 99 ans. Je les connais toutes, c'est une grande famille. Certaines adhèrent car elle sont séduites mais finissent par nous quitter car elles ont peur des autres handicaps. Nous avons aussi le soutien de personnalités symboliques de notre combat comme Simone Veil ou Elisabeth Badinter.

H : Mais vous ne souhaitez pas imposer cette forme de discrimination et vous dites que les hommes aussi sont les bienvenus ?
MP
 : Oui, bien sûr. On en compte assez peu, environ 3 %, mais il est évident que nous devons changer le regard ensemble. Ce sont des hommes assez ouverts, pas machistes car il ne faut pas se faire d'illusion, le machisme est très présent aussi dans le monde du handicap. Leurs blessures ne rendent pas les hommes plus sensibles.

H : Double discrimination : c'est fort comme point de vue ! De quelle manière ces personnes sont elles pénalisées ?
MP
 : Et quand on est black, c'est triple ! J'ai remarqué que certaines femmes déficientes visuelles par exemple, ne s'occupaient pas d'elles, se négligeaient. Il est vrai qu'on a tendance à proposer aux personnes handicapées des choses médiocres.
Or, il faut toujours niveler par le haut. Nous ne sommes pas des arriérées ou des débiles. Je vais vous donner un exemple significatif : moi, on parle à mon chien. « Tu sais à quel étage elle va ta maîtresse ? ». Je vous assure qu'on pourrait écrire un livre avec ces situations rocambolesques. Or, il faut les aider à dire haut et fort que ce sont des citoyennes à part entière. La situation est dramatique : seulement 2 % des femmes handicapées ont un travail contre 25 % pour les hommes. Regardez dans les politiques, il n'y a que des hommes handicapés, à part une ou deux femmes.

H : Comment aider ces femmes ?
MP
 : En arrivant à les convaincre de ne pas être dans la plainte ou dans l'assistanat. Il faut qu'elles se prennent en main. Un exemple tout bête : que certaines femmes aveugles arrêtent de manger avec leur doigts ! Il ne faut pas qu'elles restent dans la solitude. C'est pourquoi nous organisons des ateliers à Paris et proche banlieue, une fois par mois, ouverts à toutes les inventions, à toutes les promesses, à tous les rêves : musique, chant, réalisation de costumes en vue du carnaval de Paris. Notre but : rendre les personnes, et de surcroît les femmes, handicapées, visibles ! Nous avons également un atelier esthétique et maquillage, relaxation, massage... Nous avons en projet un groupe de lecture mais qui a un peu de mal à démarrer, peut-être en septembre. J'anime également des groupes de parole. Une dizaine de personnes viennent parler de leur vie, de leurs souffrances.

: Quelles sont les blessures qui reviennent le plus souvent ?
MP 
: Les questions de sexualité : les hommes ont beaucoup plus peur que les femmes du handicap et se détournent lorsqu'ils croisent une femme handicapée. Lorsqu'une femme a un accident, son mari s'en va le plus souvent alors que les épouses restent à 80 %. On y aborde également les problèmes relationnels avec la famille : des parents trop protecteurs ou dans le rejet. Les discriminations les plus récurrentes portent sur le travail mais aussi le regard porté sur le handicap. On les voit comme des bêtes curieuses.

H : Quels sont vos besoins ?
MP
 : C'est une petite association qui me passionne mais notre situation est difficile car nous n'avons pas de subventions. Il nous manque notamment un local sur Paris, accessible, avec des toilettes adaptées, un traducteur en langue des signes ou encore une boucle magnétique pour les malentendants... Il nous faut des adaptations pour tous les handicaps pour rester fidèle à notre engagement, notamment lors de nos rencontres. Pas question qu'il y ait la moindre discrimination !

: Où peut-on vous rencontrer ?
MP 
: Nous organisons depuis deux ans, le 28 juin, un grand pique-nique au parc Floral de Vincennes, près de Paris. Mais aussi un forum tous les deux ans sur la thématique « Femmes, travail et handicap » avec des personnalités célèbres, philosophes, politiques, grands témoins... Ces forums sont l'armature de notre association.

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