Amour, inceste, sexe, handicap : la vérité qui dérange...

Régine Deforges est l'auteur de " Toutes les femmes s'appellent Marie ", paru le 5 janvier 2012. Comment une jeune mère se résout à assouvir les pulsions sexuelles de son fils handicapé mental... Bouleversant, indécent, scandaleux ?

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Handicap.fr : Dans votre roman, Marie, une jeune maman veuve, commence par solliciter des prostituées pour satisfaire les désirs insatiables de son fils handicapé. Cela renvoie à l'actuel débat sur les assistants sexuels...
Regine Deforges
: Cette mère le fait pour ne pas avoir à se sacrifier elle-même, et empêcher ainsi son fils de violer d'autres jeunes femmes ou d'être enfermé dans un asile. Est-ce vraiment condamnable ? Quant aux assistants sexuels, c'est encore autre chose puisque ce sont des personnes volontaires. Il n'est d'ailleurs pas toujours question de sexualité mais davantage de satisfaire la vie affective des personnes handicapées, à travers des caresses ou des massages... On s'occupe de les soigner mais rien n'est fait pour leur âme et leurs désirs. S'il y a des gens qui sont capables d'un tel dévouement, pourquoi les en empêcher ? Evidemment, tout ceci doit être encadré par la loi pour éviter les dérives.

H
: Cette question est dans l'air du temps. Ce roman n'est donc pas un hasard ?
RD
: Ce n'est pas parce que cette question est dans toutes les bouches que je l'ai choisie. Je ne sais d'ailleurs pas si c'est bien ou mal pour ce livre ; il s'est simplement imposé à moi. J'y pensais depuis longtemps, ce travail m'est venu en plongeant dans mes mémoires et dans l'histoire de ma famille. Le handicap a toujours fait partie de ma vie, et j'ai vécu toute mon enfance et mon adolescence auprès de personnes différentes. Un de mes cousins germains est resté « idiot » après une méningite, et l'une de mes tantes était « mongolienne ». Ces deux personnes n'avaient jamais connu l'amour... Ce qui m'intéresse, c'est de montrer la misère sexuelle qu'engendre le handicap, mais également la solitude de l'entourage qui se débrouille comme il peut.

H
: Ce livre suscite-t-il déjà des réactions, notamment hostiles ?
RD
 : Non, je ne l'ai fait lire qu'à trois amies, Sylviane Agacinski, philosophe, Elizabeth Badinter et Julia Kristeva, elle-même maman d'un garçon handicapé. Mon livre a reçu de leur part un avis extrêmement favorable. Elles ont été choquées mais dans le bon sens du terme. Même si Sylviane n'approuve pas le sujet, elle m'a apporté tout son soutien.

H
: Vous avez tout de même conscience que les faits évoqués dans ce court roman vont certainement susciter une vive polémique...
RD
: Je m'y risque. Nous verrons bien ! J'ai eu l'occasion de rencontrer Maudy Piot de l'association « Femmes pour le dire, femmes pour agir », une farouche opposante au principe de l'assistanat sexuel, et j'ai même assisté à l'un de ses colloques. Je connais ses arguments mais, pour moi, ce n'est pas de la prostitution. Et je ne vais certainement pas m'aligner sur le point de vue du gouvernement, et en particulier sur celui de notre ministre, Roselyne Bachelot, qui se montre totalement hostile à cette question.

H
: On parle de plus en plus de ces mères qui n'ont d'autre choix que de masturber leur fils mais pensez-vous que certaines vont jusqu'à l'acte sexuel ?
RD
: Le sujet est éminemment tabou mais je suis convaincue que cela existe. Je connaissais une vieille femme dans mon village du Poitou qui avait un fils handicapé et il était évident pour tous qu'elle avait des relations sexuelles avec lui. C'est à la fois un acte d'amour et de désespoir. Mais, cela, personne n'ose en parler...

H
: Imaginons maintenant que ce soit un père qui ait, ne serait-ce que des gestes de tendresse avec sa fille handicapée...
RD
: Alors là, bien sûr, ça ne passerait pas. Ce serait systématiquement considéré comme de l'inceste ou du viol, et une telle situation ferait scandale.

H : Alors pourquoi une telle différence ?
RD
: Franchement, je ne sais pas. Nous sommes tous confrontés à des interdits archaïques. Ce serait d'ailleurs le même écœurement pour une mère qui « s'occuperait » de sa fille...

H
: Sans vouloir dévoiler le dénouement de l'histoire, les « notables » qui entourent Marie dans son village se montrent tout à fait conciliants à son égard, et semblent légitimer son « dévouement »...
RD
: Ils ne le légitiment pas, ils sont seulement témoins de la souffrance de cette jeune mère et sont confrontés à leur propre impuissance, ce qui les rend tolérants. Tous se sentent coupables. En particulier le curé qui n'a d'autre choix que d'absoudre. Quant au gendarme, il a connu les horreurs des tranchées. Or la situation de Marie, parce qu'elle est restée veuve avec un enfant anormal, n'est que la conséquence de cette triste guerre. Il n'en est plus à une infamie près...

H :
Pourquoi avoir choisi ce titre, avec une très forte connotation religieuse qui peut paraître provocatrice ?
RD: Parce que Marie est l'image du dévouement maternel absolu. Je voulais à l'origine mettre en couverture la photo de la Pieta de Michel-Ange mais j'ai du y renoncer car elle aurait trop prêté à confusion...

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