20 visages. Certains sourient, d'autres ont la bouche cachée par les mains. Mais tous nous regardent. Intensément. A travers cette série de portraits, c'est cet « Autre Regard », le nom de son projet, que la photographe Sophie Bourgeix a souhaité révéler. Un travail qui a séduit la Fédération européenne de la photographie (FEP) puisqu'en fin d'année 2014 elle a récompensé l'Aixoise du titre de Master qualified european photograher (MQEP) – une distinction attribuée à la crème du cliché en Europe et qui fait d'elle la première française à l'obtenir. « Evidemment, c'est une très grande fierté, se délecte Sophie. Mais si je suis ravie, ce n'est pas seulement pour moi, c'est surtout car cela permet que l'on parle du projet et qu'un maximum de personnes puissent s'intéresser au message que je veux faire passer. » Pourtant, ce message, elle a failli ne jamais le transmettre.
Un reportage qui devient œuvre
Quelques temps auparavant, une amie ostéopathe lui propose de venir à l'Institut médico-éducatif (IME) de La-Roque-d'Anthéron (13). Sophie accepte sans hésiter. « Dans le cadre de mes études en psychologie, qui ne se sont malheureusement pas poursuivies, j'avais déjà effectué un stage dans un hôpital psychiatrique. Je ne suis pas mal à l'aise avec la différence ; au contraire, j'y suis très attachée. C'est une force. » Elle se rend à l'institut quatre jours durant et réalise un reportage photographique sur le quotidien de ses résidents avant de, une fois la confiance installée, demander à une poignée d'enfants de poser pour elle dans son studio. Les visages, les regards sont immortalisés. Elle ne le sait pas encore mais ces clichés feront partie d'un de ses plus beaux travaux. « Une fois développés, j'observais ces portraits et j'avais l'impression qu'ils me regardaient. Je me suis dit : "Si on considère qu'eux sont normaux, c'est nous qui sommes anormaux." Le jeu de regards était très intéressant. » A force de se demander quoi en faire, elle décide soudainement de choisir 20 portraits et de montrer les clichés à un jury de la FEP, à Rome. « Je voulais faire exister le projet ailleurs que sur mon disque dur. » Coup de poker gagnant.
Une pierre dans le « travail d'une vie »
Mais la photographe de 36 ans ne compte pas s'arrêter là. Dans un premier temps, elle aimerait prolonger sa collaboration avec l'IME et, « pourquoi pas, des enfants plus jeunes ». D'autre part, elle envisage de sortir un bouquin sur ces « portraits simples d'enfants complexes ». Surtout, elle souhaite poursuivre un long travail débuté deux ans plus tôt – lorsqu'elle avait obtenu le Qualified european photographer pour une série de 12 portraits de femmes. « Mon rêve serait de monter une grande exposition avec des portraits de tout le monde mais sans les étiquettes. Sans elle, on voit la personne différemment. Et ainsi, on est touché par l'individu lui-même et non pas par ce qui semble le différencier. Ce projet, c'est le travail d'une vie. » Un travail dont le but est de réveiller les consciences et qui laisse à réfléchir sur le bien-fondé d'une norme pour êtres humains…