Location refusée à une personne handicapée: la propriétaire a eu peur d'un accident
Par Eloi ROUYER
PARIS, 24 mai 2005 (AFP) - En janvier 2004, Delphine Lasailly, jeune avocate qui cherchait un nouveau logement, était entrée en contact, par le biais d'une agence immobilière avec Michèle Poncelet, 78 ans, gérante d'un immeuble situé dans le 17ème arrondissement pour louer un appartement au 6ème étage.
Pédiatre à la retraite, Mme Poncelet lui avait refusé la location de ce logement au motif que le nombre d'étages était trop important pour une personne à la mobilité réduite, en cas de panne d'ascenseur.
Choquée par ce refus, Mlle Lasailly a porté plainte pour "discrimination à la fourniture d'un logement à raison d'un handicap".
"J'ai voulu rencontrer Mme Poncelet pour lui expliquer que j'étais une personne mobile, comme tout le monde", a expliqué à la barre de la 17e chambre du tribunal correctionnel, la jeune avocate, appuyée sur une canne.
"Je lui ai dit: +vous êtes peut-être médecin, mais moi, je suis avocate et ce que vous faites, c'est de la discrimination+. Elle m'a raccroché au nez", a-t-elle raconté.
Devant le tribunal, Mme Poncelet a assumé sa décision, soulignant qu'il était "de sa responsabilité en sa qualité de propriétaire et d'ancien médecin de ne pas louer cet appartement à une personne handicapée".
Jupe écossaise et gilet vert, les cheveux blancs tirés en arrière, elle a expliqué sa "crainte d'un accident": "si j'avais accepté, j'aurais agi comme Ponce Pilate et me serais sentie responsable de non-assistance à personne en danger".
Le président Nicolas Bonnal l'interrompt: "mais vous avez substitué votre propre décision à celle d'une personne adulte et responsable". "Adulte mais moins responsable que moi qui ai pratiqué la médecine pendant 40 ans", lui répond la prévenue.
S'étonnant de la franchise de Mme Poncelet "peu courante en matière de discrimination", le représentant du parquet, Alexandre Aubert, a requis la condamnation de la gérante qui "revendique, ce qui est toujours dangereux, de vouloir faire le bonheur de la partie civile malgré elle".
Il a évoqué l'éventualité d'une peine d'emprisonnement avec sursis mais en a laissé l'appréciation au tribunal, tout en requérant "une amende à hauteur des revenus de la prévenue (soit 3.000 euros, ndlr)".
"Je souhaite que par ma plainte, le regard des gens sur le handicap change", a demandé à la barre Mlle Lasailly.
Le tribunal rendra son jugement le 28 juin.
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